On dirait que le romantisme se replie sur soi et qu’après s’être épandu il se resserre pour exprimer en des œuvres plus travaillées et plus précises ses sentiments essentiels, affinés et développés par le temps. […] J’ai de plus d’un estoc damasquiné le fer Et, dans le vain orgueil de ces œuvres d’Enfer, Aventuré ma part de l’éternelle Vie. […] Poésie tout proche des sonnets mythologiques, car elle célèbre l’œuvre la plus extraordinaire qu’aient accomplie les hommes à travers les âges, une aventure où ils se sont vraiment montrés « pareils à des dieux », puisqu’ils ont agrandi une planète et créé en quelque sorte un autre monde. […] Elle exprime d’abord l’exaltation d’une âme tendue à jouir superbement de toute la beauté éparse dans le monde et dans l’histoire et de toutes les œuvres où l’humanité a le plus joyeusement épanché son génie.
Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. […] Crépet qui nous en donne le scénario assez développé dans le volume qu’il vient de publier : Œuvres posthumes et Correspondances inédites de Charles Baudelaire. […] J’ai passé, en parcourant ses Œuvres posthumes, par trois impressions. […] Hélas l’œuvre posthume de Baudelaire se réduit presque à des titres de nouvelles et de romans, tels que : Le Marquis invisible, la Maîtresse de l’idiot, la Négresse aux yeux bleus, la Maîtresse Vierge, les Monstres, l’Autel de la volonté, le Portrait fatal… Evidemment ces titres lui semblaient très singuliers et très beaux.
Et cependant, ce livre du Bluet, que j’aime à rappeler et qui fut le premier livre de Mme Haller, aurait pu, sous une autre plume que cette plume d’oiselet, être une œuvre originale et virile. […] C’est donc l’œuvre — et non pas l’idée, — c’est l’artiste et non pas le penseur, qu’il faut voir dans le livre de Mme Haller. […] L’analyse la plus attentive et la plus patiente se perdrait dans cet enchevêtrement d’incidents que rien n’explique, si ce n’est le train des choses, — ce hasard des circonstances, qui peuvent très bien exister — c’est vrai, — aussi bêtes ou aussi étranges que cela, dans la vie, mais qui, dans une œuvre littéraire, n’ont pas le droit de se montrer dans leur bêtise ou leur étrangeté natives, comme dans la vie, puisque l’art, c’est la vie arrangée, sublimée par l’intelligence, en vue d’obtenir un effet quelconque de puissance, de pathétique et de beauté ! […] L’œuvre confuse semble inachevée partout.
Louis Vian Histoire de Montesquieu, sa vie et ses œuvres, par Louis Vian, avocat. […] … Nous avons eu Patru, justement oublié, quant à ses œuvres. […] II Il ne le fut ni dans sa vie, ni dans ses œuvres. […] L’analyse des œuvres y trouve sa place après le récit coloré des faits.
Gœthe, en effet, cet habile, qui aurait le plus grand génie si le génie était jamais une résultante d’habileté ; Gœthe, ce savant metteur en œuvre, ce roué d’art, de moyens et de réussite, qui dans sa vie fut ce qu’il est toujours dans ses ouvrages : un homme d’effet calculé ; Gœthe, enfin, le puissant jeteur de poudre aux yeux, paraîtra, à ceux qu’il n’a pas tout à fait aveuglés, effroyablement diminué par les révélations d’Eckermann. […] Mais que Gœthe le fût, c’est donc qu’on peut s’épuiser autant à lécher des œuvres qu’à en produire, car Gœthe, en art, est, avant tout et après tout, un lécheur. […] Dans les Entretiens d’Eckermann, Gœthe, le grand critique, est montré tour à tour comme métaphysicien, historien, littérateur, appréciateur d’œuvres et d’hommes, depuis Shakespeare jusqu’à Béranger. […] Ce livre, qui n’est qu’un recueil de maximes, d’aperçus et de pensées de Gœthe, empruntés à ses œuvres complètes, donne une idée plus nette et plus riche de lui que les Entretiens d’Eckermann, et on le conçoit bien, pour peu qu’on se rappelle la nature spéciale de son esprit.
Lamennais Œuvres posthumes de Lamennais : La Correspondance. […] Ce n’est pas ici le Lamennais des Œuvres complètes et du bruit qu’il a fait, infamie ou gloire, c’est le Lamennais secret, intime, de la Correspondance, lequel, surgissant soudainement de ces documents imprévus, renverse le Lamennais connu, le Lamennais presque légendaire, tant il était consacré ! […] Lamennais, le dialecticien Lamennais, sérieux de la gravité du prêtre d’abord, et ensuite du philosophe, est, sans contredit, puissant, éloquent, incisif dans ses œuvres ; mais dans le sens français et unique du mot, il faut bien le dire, il n’avait pas prouvé qu’il fût spirituel. […] Lui, cette face chagrine dans ses œuvres, s’éclaire ici parfois d’un mépris joyeux que ne connurent ni Junius, ni Cobbett, les âpres pamphlétaires, moins âpres que lui cependant.
Comme Jupiter, chez les Grecs, elle pourrait s’appeler : Assemble-Nuages, et ses nuages versent une pluie d’ennui… Son plus grand philosophe, Hégel, est obscur à se cogner la tête dans ses œuvres. […] En effet, Schopenhauer, comme tous les spirituels, vivra par les détails de son œuvre, les aperçus, les paradoxes mêlés à son système ou qui en sont sortis. […] Ribot, et sous le joug de cet Omniarque des badauds, dont la tyrannie phénoménale est une des choses les plus humiliantes qu’il y ait pour l’esprit humain, il lâcha en écho — à l’instar de Goethe — sa petite Théorie de la vision et des couleurs, un épisode de l’œuvre définitive publiée en 1819 : Le monde comme volonté et comme perception, dont le monde ne voulut ni ne s’aperçut… Ce fut comme s’il n’était pas ! […] Là est l’intérêt de son œuvre.
La critique, qui connaît son devoir et sa limite, n’a rien à opposer à la nature humaine et à l’individualité d’une œuvre. Elle ne doit examiner que deux choses : le talent dont l’œuvre est la preuve, et la justice de son succès. […] Car après le jugement sur la philosophie de l’écrivain il y a le jugement sur son œuvre, et c’est une loi de l’esprit humain que les chefs-d’œuvre littéraires diminuent d’autant de beautés qu’il s’y trouve de vérités méconnues. C’est à cette diminution de sa pensée, de son talent et de son œuvre, que s’est exposé Dargaud, et quoiqu’il nous reste, dans son livre, beaucoup à admirer encore, cette diminution, en plus d’un endroit, il l’a subie.
Une pareille opinion, dont il m’est impossible de ne pas m’étonner venant de la plume qui l’exprime, aurait peut-être sa valeur si le poème d’Armelle, au lieu de s’adresser aux âmes, une à une, dans l’intimité de chacune d’elles, était une œuvre dramatique, s’adressant à un public en masse, c’est-à-dire à cette moyenne d’esprits qui ne regardent comme vraisemblables et touchants que les sentiments dont ils sont capables. […] Ce lamartinien a l’instinct des grandes œuvres comme il a l’instinct des beaux vers, et il l’a prouvé par des œuvres chrétiennes immenses. […] Les Œuvres et les Hommes.
La Louise 10 d’Édouard Gourdon est, au contraire, une œuvre courte, fine, passionnée, sans grands événements extérieurs, un de ces livres dont le sens se perd un jour mais se retrouve l’autre, car il est éternel comme le cœur ; livres brefs, mais pleins, qui n’ont besoin pour intéresser le lecteur que d’une seule situation profondément creusée ou d’un seul sentiment éloquemment exprimé. […] La première place sera toujours pour les œuvres étendues et fortement combinées, pour ces romans où l’esprit bourgeois voit des longueurs, comme il en voit dans Clarisse et dans les deux premiers volumes de tout roman de Walter Scott, mais où le connaisseur sait voir, lui, des secrets d’effet merveilleux. […] Édouard Gourdon, dont le talent est ongle, n’a pourtant pas eu le coup d’ongle de la fin qui fait tourner l’œuvre et la lance. […] La seule composition qu’il y ait, en effet, dans une œuvre si peu combinée, c’est sa conduite en ligne droite jusqu’au dénouement, et le dénouement, qui doit être l’émotion suprême et en même temps l’idée du livre, agrafant l’esprit et ne Lâchant plus le souvenir.
Or, ce milieu exerce sur leur pensée et sur leurs œuvres une tyrannie que je regrette, et que je voudrais, dans l’intérêt de leur talent et de leurs œuvres futures, les voir briser. […] J’ai quelquefois parlé, en mes critiques des Œuvres et des Hommes au xixe siècle, de l’auteur des Jugements nouveaux et des Patriciennes de l’amour 28, et ce que j’en ai dit, je le pense toujours. […] Il s’en est allé avec les vieilles lunes… Et c’est comme cela que s’en iront peu à peu tant de romans et de compositions de notre pays où Paris, le tic de Paris, le parlage de Paris, les mœurs banales et coulées de Paris, tiennent évidemment trop de place, — des œuvres de talent pourtant, mais qui n’en ont pas assez pour lutter contre l’influence qui les diminue, et pour les élargir et les faire durer.
On est frappé et dégoûté un jour de la part énorme de superflu que contiennent même beaucoup de belles œuvres. […] C’est pourquoi son œuvre demeure. […] Si nous le croyons, l’œuvre de Mérimée n’en sera pas moins distinguée pour les raisons que j’ai dites, et l’homme en sera plus aimable.
Puis, au lieu de le considérer dans les plus sérieux de ses travaux (qu’ils n’avaient point lus), et notamment dans toute la partie de son œuvre antérieure aux Dialogues philosophiques, les badauds l’ont jugé presque uniquement sur certaines fantaisies, délicieuses d’ailleurs, où il avouait lui-même que son imagination s’était donné carrière. […] Et, d’autre part, vous pouvez constater que cet esprit est celui de son œuvre entière et que, dans les trente volumes qui la composent, il n’y a pas une seule idée d’importance qui ne soit au moins en germe dans ce livre qu’il appelle plaisamment « son vieux pourana ». […] On le comparerait avec celui qu’on peut extraire de l’œuvre de M.