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442. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Dédaignant en amour et mystère et dignité, ne cherchant ni ne fuyant le scandale, il devait se faire un système mitigé du temps ; amoureux avant tout de sensualités et de repos, une licence régularisée et organisée était son fait ; il le pressentit, et après quelques liaisons dans lesquelles ses goûts s’étaient essayés avec indécision et inconstance, il finit, sous les yeux d’une chaste épouse et d’un fils austère, à la face de la France et de l’Europe, par conclure un arrangement, c’est le mot, avec madame de Pompadour. […] En présence du vice, elle n’en conçoit ni le goût ni l’indignation ; c’est chose, à ses yeux, toute naturelle en pareil temps, toute légitime en pareil lieu, et, sans s’en étonner, elle le décrit en détail ; bonne femme d’ailleurs, incapable de médisance, et au demeurant fort honnête. […] Ce malaise universel, symptôme de révolution, qui n’échappait pas aux yeux même les moins clairvoyants, est remarquable ; l’aveuglement imperturbable de Louis XV et de la cour ne l’est pas moins, et pourtant s’explique par la nature humaine.

443. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Et les quelques mots écrits à la main sur l’exemplaire que j’ai sous les yeux sont d’une graphologie de petite écolière maladroite. […] Qu’on en juge : Le pauvre pion doux si sale m’a dit : J’ai bien mal aux yeux et le bras droit paralysé. […] Alors il dit tout cette vie surnaturelle et toute l’autre, celle des heures où il forme les yeux ; et la nature et le rêve s’enlacent si discrètement, dans une ombre si bleue et avec des gestes si harmoniques, que les deux natures ne font qu’une seule ligne, une seule grâce… [Le Livre des masques, 2e série (1898).]

444. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface et note de « Notre-Dame de Paris » (1831-1832) — Note ajoutée à l’édition définitive (1832) »

Sans doute ces chapitres retrouvés auront peu de valeur aux yeux des personnes, d’ailleurs fort judicieuses, qui n’ont cherché dans Notre-Dame de Paris que le drame, que le roman. […] Nous ne pouvons résister au besoin de signaler, pour terminer cette note, quelques-uns de ces actes de vandalisme qui tous les jours sont projetés, débattus, commencés, continués et menés paisiblement à bien sous nos yeux, sous les yeux du public artiste de Paris, face à face avec la critique que tant d’audace déconcerte.

445. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Les autorités sont contre nous, et l’on peut nous citer vingt vers de l’Art poétique qui nous condamnent : Et quel objet enfin à présenter aux yeux, etc. […] On ne peut guère supposer que des hommes aussi sensibles que les anciens eussent manqué d’yeux pour voir la nature, et de talent pour la peindre, si quelque cause puissante ne les avait aveuglés. […] La lune sort enfin de l’Orient ; à mesure que vous passez au pied des arbres, elle semble errer devant vous dans leur cime, et suivre tristement vos yeux.

446. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Et les voici derrière une motte de terre continuellement bouleversée, au milieu de compagnons chaque jour décimés, dans un horizon morne où leurs yeux fixés nuit et jour ne voient pas flotter un drapeau, pas même se dessiner la silhouette d’un ennemi. […] On les fait souffrir en les changeant de bataillon sans grande utilité ; plus d’un, en disant au revoir à ses camarades, a les larmes aux yeux. […] Jospin, a bien noté leur regard d’ardente bonne volonté, ce trait lumineux, cette sorte d’allégresse que l’on voit dans leurs yeux la veille du départ.

447. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Cette idée ressort de la scène avec une évidence qui brûle les yeux. […] Mais ils ne voient point ce qui crève les yeux de tous leurs amis. […] Il faut espérer que ce succès incontestable leur dessillera les yeux. […] l’idée, cette fois, parle aux yeux ! […] J’espère que le succès des Ménechmes lui ouvrira les yeux.

448. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

C’est évidemment d’appeler et de fixer l’attention et l’intérêt sur la figure d’un personnage que l’on va voir entrer en scène et agir sous vos yeux. […] Quand la nature a jeté ainsi le site et l’homme dans les yeux du spectateur, et que ces yeux ont eu le temps de bien regarder et de bien se figurer le personnage qui doit parler ou agir, elle le fait se mouvoir, elle le fait parler ou agir, elle le fait commettre des actes de vertu, de politique, ou des forfaits d’ambition à travers l’événement qui se déroule. […] La nature est le Quintilien des bons esprits ; faisons comme elle, et nous serons sûrs de frapper l’œil, de satisfaire l’esprit et de toucher le cœur. […] Mais, l’histoire étant à mes yeux toujours un peu monumentale, toutes les fois qu’il se présente à ma plume de ces mots signifiant la même chose, je choisis de préférence le mot le plus classique, le mot à étymologie latine. […] Convaincu que tout conspirait contre lui, roi, reine, cour, ministres, le peuple se jetait avec désespoir entre les bras de ses défenseurs ; le plus éloquent à ses yeux était celui qui manifestait le plus de crainte ; il avait soif de dénonciations, on les lui prodiguait.

449. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il y a une volupté dans cet état d’insurrection, d’autant plus que le sens critique, véritable esprit du diable, ouvre un domaine spacieux et nouveau à l’imagination plastique et, en même temps que la joie de la révolte, nous donne celle de reconstruire et de contempler avec des yeux d’artiste l’immense tragédie humaine. […] et que les brahmanes rêvent, et que la vision s’évanouisse dans leurs yeux fixes, le sentiment dans leur cœur et la pensée dans leur cerveau ! […] Leconte de Lisle ne voit point les âges avec l’œil de Michelet ou de Hugo. […] Il la décrit comme un enchantement des yeux par où le cœur n’est point sollicité. […] Qu’il y ait quelque affectation dans ce détachement du poète, dans cette indifférence finale pour tout ce qui n’est pas un spectacle aux yeux, cela est possible, et je ne songe point à lui en faire un reproche.

450. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache. […] Il trouve chaude la fraîcheur exquise de son teint ; les yeux tristes, tendres et profonds deviennent dans ses litanies brillants et malicieux ; chez la svelte et souple enfant, il vante les qualités majestueuses et le puissant équilibre des matrones. […] Le poète et la bien-aimée vont regardant dans leurs yeux le reflet de la joie des choses et oublieux de l’humanité mauvaise et dolente. […] L’Avenir sourira, limpide, dans leurs yeux Et, quand ils parleront, la foule doit se taire. […] Aux uns et aux autres il enseigne des vérités, simples comme tout ce qui est profond, claires comme le soleil, mais que les yeux aveugles des faux poètes ne sauraient voir.

451. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Il a voulu voir, de ses yeux, le théâtre du drame qu’il nous raconte. […] dit-elle à Lucien Bonaparte les larmes aux yeux. […] Le royaume de Cecil Rhodes s’étend à vue d’œil. […] Ses yeux, son geste, sa voix, tout est tendresse. […] Ses yeux sont fermés.

452. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Werther est cependant l’élève de Rousseau ; cela saute aux yeux. […] Ses yeux lançaient des flammes pendant que sa bouche blasphémait les dieux. […] Les yeux de tous les assistants se dirigeaient sur elle, pleins d’angoisses et de pitié. Les yeux du conseiller consistorial restaient froids et superbes. […] Bernard se mit la main devant les yeux et les ferma.

453. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

N’y vois-tu pas le ciel à tes yeux exposé ? […] Leur maître (vous vous rappelez qu’UIysse lui a crevé l’œil ?) […] Il éternue, ouvre les yeux, et s’écrie : « Garçon ! […] Cela est charmant aux yeux et, çà et là, glorieux et sonore aux oreilles. […] Voilà qui est plus horrible, à mes yeux, que tous les défauts de composition.

454. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

J’aime ces haies humaines, ces centaines d’yeux. […] C’est d’abord parce que… à cause du mauvais œil. […] Et plusieurs fois, on s’est regardé avec des yeux prêts à pleurer d’enthousiasme. […] Les yeux gris. […] Et si vous saviez quel être formidable vous êtes à mes yeux, vous ririez de mon courage.

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