/ 3301
570. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

L’art ne pourroit-il pas créer, pour ainsi dire, des êtres d’une nouvelle nature ? […] L’imitation la plus parfaite n’a qu’un être artificiel, elle n’a qu’une vie empruntée, au lieu que la force et l’activité de la nature se trouve dans l’objet imité. C’est en vertu du pouvoir qu’il tient de la nature même que l’objet réel agit sur nous. […] On sçait l’avanture des habitans d’Abdere qui furent tellement frappez par les images tragiques de l’Andromede d’Euripide, que l’imitation fit sur eux une impression serieuse et de même nature que l’impression que la chose imitée auroit faite elle-même : ils en perdirent le sens pour un tems, comme il pourroit arriver de le perdre à la vûë d’évenemens tragiques à l’excès.

571. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Decamps aime prendre la nature sur le fait, par son côté fantastique et réel à la fois — dans son aspect le plus subit et le plus inattendu. […] Corot. — Evidemment cet artiste aime sincèrement la nature, et sait la regarder avec autant d’intelligence que d’amour. — Les qualités par lesquelles il brille sont tellement fortes, — parce qu’elles sont des qualités d’âme et de fond — que l’influence de M.  […] Corot, du fond de sa modestie, a agi sur une foule d’esprits. — Les uns se sont appliqués à choisir dans la nature les motifs, les sites, les couleurs qu’il affectionne, à choyer les mêmes sujets ; d’autres ont essayé même de pasticher sa gaucherie. — Or, à propos de cette prétendue gaucherie de M.  […] Heine, prend un son comique en passant par les clochettes, — et où la nature et l’homme ne peuvent pas se regarder sans rire. […] Voilà qui est beau, voilà qui est de la peinture et de la vraie peinture ; c’est large, — c’est vrai, — et la couleur en est belle. — Ces tableaux ont une grande tournure commune aux anciens tableaux de chasse ou de nature morte que faisaient les grands peintres, — et ils sont tous habilement composés.

572. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Rien ne réussit à cet homme, pourtant supérieur, parce qu’il n’avait pas une nature simple. […] La nécessité de notre nature nous fait vicieux ; la nécessité de la fortune nous fait heureux ou malheureux ; ni notre volonté n’élude la nature, ni notre mérite ne gouverne la fortune. […] Ceux qui applaudirent, c’étaient les jansénistes ; ils retrouvaient, par cette impitoyable analyse de l’égoïsme humain, la démonstration de notre corruption dans l’état de la nature déchue. […] Elle la porte gaiement, bravement ; elle a une nature énergique où l’intelligence domine. […] Corneille l’enivre ; elle est charmée de Molière, réfractaire en somme à Racine, qu’elle ne sent pas ; preuve que sa nature est foncièrement intellectuelle.

573. (1927) Des romantiques à nous

A peine le nom s’en fut-il répandu que l’on discutait à perte de vue sur sa nature. […] On croirait, par instants, à le lire que Renan a été une nature toute rationnelle à la Descartes. […] Il a prétendu expliquer la nature par la nature. […] Certes, si elles sont belles et expressives, c’est bien la nature qui respire en elles. […] La capricieuse nature, beaucoup plus maligne que la logique, les avait réunis en lui.

574. (1923) Paul Valéry

L’autre temps est celui de la nature. […] En lui un ingénieur veut faire et une nature fait. […] Alternativement l’ingénieur est débordé par la nature et la nature arrêtée par l’ingénieur. […] Cet ordre par lui-même, cette relation seule, constitue parfois une nature de vérité formelle plus vraie que ne l’est la nature de vérité réelle représentée par la matière des choses qui sont dites. […] Ce fils de la nature se refuse à nos coupes techniques.

575. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

L’homme de talent l’est par nature, a dit Pindare. […] La Nature se présente deux fois à nous pour le mariage ; la première fois à la première jeunesse : on peut lui dire alors : Repassez ! […] En général, nous autres hommes, nous nous plaignons trop ; nous accusons le sort et la nature, ou la société, comme si toute notre vie se passait à subir le malheur. […] Cet état de tristesse, qui a bien sa douceur, serait celui du sage, s’il ne s’y glissait encore, il faut le dire, bien des amertumes de regrets, bien des aiguillons de désirs, bien des irritations sourdes, et si la misère de notre nature ne remuait au fond. […] Pourquoi je n’aime plus la nature, la campagne ?

576. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Celle-ci a eu le courage d’appeller la nature, et de la regarder. […] Cette femme pense qu’il faut imiter scrupuleusement la nature ; et je ne doute point que si son imitation était rigoureuse et forte et sa nature d’un bon choix, cette servitude même ne donnât à son ouvrage un caractère de vérité et d’originalité peu commun. Il n’y a point de milieu, quand on s’en tient à la nature telle qu’elle se présente, qu’on la prend avec ses beautés et ses défauts, et qu’on dédaigne les règles de convention pour s’assujettir à un système où, sous peine d’être ridicule et choquant, il faut que la nécessité des difformités se fasse sentir ; on est pauvre, mesquin, plat, ou l’on est sublime, et Madame Therbouche n’est pas sublime. […] Je lui observai que l’amour était une de ces natures violentes, sveltes, despotes et méchantes, et que le sien me rappellait le poupart épais, bien fait, bien conditionné, de quelque fermier cossu.

577. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

C’est qu’on n’exprimait, en ce temps-là, la nature même qu’en fonction de l’homme, et l’homme qu’en fonction de la société. […] La nature et la société, l’art et la vie, la vérité, la beauté sont là qui invitent le poète, et le romancier, et l’auteur dramatique. […] La Nature, Le Dieu des bonnes gens], — ou plus ignoble [Cf.  […] Moïse] ; — sur la corruption de la nature humaine [Cf.  […] La Flûte] ; — cet amour en résolution de travailler à vaincre la nature [Cf. 

578. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Ces natures se ressemblent presque toutes. […] Peut-être eût-elle cultivé cette nature inerte, peut-être y eût-elle jeté l’intelligence des choses du monde et de la vie. […] Déjà déshérité de toute affection, je ne pouvais rien aimer, et la nature m’avait fait aimant ! […] En me voyant toujours assombri, haï, solitaire, le maître confirma les soupçons erronés que ma famille avait de ma mauvaise nature. […] La nature morale a-t-elle donc, comme la nature physique, ses communications électriques et ses rapides changements de température ?

579. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

C’est ainsi que la nature produit des nains aux membres grêles et à la tête énorme. […] L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. […] Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi. […] Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu. […] Il y a de l’inattendu et des heurts dans l’harmonie de la nature, et il y en a aussi dans toute émotion humaine.

580. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Qu’importe la nature du fardeau, si le fardeau est trop lourd ? […] Ils allaient au rebours des enseignements de la nature. […] C’est de sa propre nature que dérivent les devoirs qui l’enchaînent, et tant qu’il n’aura pas dépouillé sa nature, les mêmes devoirs le suivront partout. […] à la société sans nul doute, à ses lois qui contrarient et mutilent la nature. […] je vous hais de nature et d’instinct !

581. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Leur nature et leurs destinées sont communes. […] La nature constitue la rêverie, le cadre, le milieu de l’amour. La vision de la nature varie selon la sensation amoureuse. […] Ce qu’il a le plus aimé, c’est la nature, et c’est aussi le ton descriptif, le sens plastique de la nature qui sera sa qualité dominante. […] Buffon recopia dix-huit fois ses Epoques de la Nature.

582. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Ce contraste est, à vrai dire, la clef de sa nature et de son évolution. […] Essayons de caractériser cette double nature de Wagner, absolument unique en son genre […] Il s’étonne de tant de joie, un jour de tristesse ; il trouve que la nature devrait pleurer et non sourire à l’anniversaire de la mort du Seigneur. […] L’homme et la nature sont un ; ce qui sommeille dans les choses, leur intime essence, devient Réalité dans la Volonté consciente de l’homme. […] La Volonté est l’essence intime de la Nature, et comme telle est partout présente, toute et entière.

/ 3301