Le serment est traduit dans la langue vulgaire des deux nations. […] Comment se dénoua le génie de la nation ? […] Le temps des croisades fut, comme la guerre de Troie pour les Grecs, l’âge héroïque des nations européennes. […] On y reconnaît l’empreinte du conquérant, et comme le coup de son gantelet de fer sur la nation vaincue. […] Comment cette nation, qui naguère n’avait pas de langue écrite y a-t-elle tout à coup tant de génie ?
Ces portraits des hommes vivants, ces épigrammes sur les faits contemporains, sont des plaisanteries de famille et des succès d’un jour, qui doivent ennuyer les nations et les siècles ; le mérite de tels ouvrages peut disparaître même d’une année à l’autre. […] À Athènes on pouvait se faire connaître, et se justifier sur la place publique au milieu de la nation entière ; mais, dans nos associations nombreuses, on ne pourrait opposer que la lumière lente des écrits au ridicule animé du théâtre.
DAGUESSEAU, [Henri - François] Chancelier de France, Commandeur des Ordres du Roi, né à Limoges en 1668, mort en 1751 ; un de ces hommes qui font l’honneur de leur siecle, de leur Nation, de l’humanité, & dont le culte, s’il nous est permis de nous servir de cette expression, ne peut qu’augmenter par la succession des temps. […] Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.
Qui ne sait que le goût, par l’étroitesse native de ses vues et par son impuissance à rien comprendre sans une lente, lente éducation est condamné à se contredire misérablement d’une nation à la nation voisine, et d’un siècle au siècle suivant ? […] Je le veux bien ; mais, pour que la nation fût satisfaite, émue, transportée, il fallait que le fond en fût national. […] La difficulté n’existe que pour les critiques qui veulent trouver la formule d’une race, d’un siècle, d’une nation, d’un homme. […] La prison où nous sommes libres, c’est l’esprit de notre temps, le génie de notre nation, le talent personnel que chacun de nous tient de sa nature et de son éducation. […] de la différence de leurs génies, qui répond à celle de l’esprit des deux nations.
Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. […] « Mais l’anathème doit frapper plus directement et plus visiblement sur l’homme : l’ange exterminateur tourne comme le soleil autour de ce malheureux globe et ne laisse respirer une nation que pour en frapper d’autres. […] Il frappe au même instant tous les peuples de la terre ; d’autres fois, ministre d’une vengeance précise et infaillible, il s’acharne sur certaines nations et les baigne dans le sang. […] La loi de grâce lui aurait appris, comme la philosophie véritable, que la guerre était, non pas nécessaire et divine, comme il le dit, mais vertueuse et obligatoire quand la perversité humaine fait à l’homme constitué en nation un devoir de défendre sa vie, sa famille, sa nation contre ce meurtre en masse. […] Il en fut de même de son livre de controverse sur l’Église anglicane, où il a raison contre Bossuet et tort contre l’indépendance des nations.
Tous ces hommes marchaient par nations, chaque nation en bataillon carré. […] Accrue par ses amis, par ses ennemis, par elle-même, elle est devenue la nation. […] Elles ne se sont donc pas rencontrées dans toute nation ; elles ne sont réunies que pour cette nation. […] Cette nation en trouvera-t-elle en elle-même ? […] Tous les progrès de la nation l’ont développé.
Frédéric, à son tour, le roi-conquérant, le roi-capitaine, ne fit du moins ses entreprises et ne livra de sa personne tant de sanglantes batailles que dans une pensée politique semblable à celle de Richelieu, et pour asseoir puissamment son État et sa nation, pour créer une Allemagne du Nord antagoniste et rivale en face du Saint-Empire. […] Il devient évident que si la guerre a été le premier état naturel de l’homme barbare et sauvage, que si elle a été le triomphe et le jeu de quelques génies prééminents, l’élément nécessaire et l’instrument de grandeur des nations souveraines et des peuples-rois, la paix, avec tous les développements qu’elle comporte, est la fin dernière des sociétés humaines civilisées. […] Il n’est pas Français de naissance et de nation, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue en le jugeant. […] Pendant ces travaux où il faisait preuve d’habileté pratique et de connaissance des détails, il avait l’œil aux grands événements qui se déroulaient et qu’il considérait de haut et d’ensemble comme d’un belvédère, ou mieux encore comme du centre d’une fournaise ; car la Suisse, en ces années d’occupation et de déchirement, devenue un champ de bataille dans toute sa partie orientale, offrait « l’aspect d’une mer enflammée. » Jomini y suivit de près les fluctuations de la lutte, les habiles manœuvres de Masséna pendant les sept mois d’activité de cette campagne couronnée par la victoire de Zurich, les efforts combinés de ses dignes compagnons d’armes, les Dessolle, les Soult, les Loison, les Lecourbe : ce dernier surtout « qui avait porté l’art de la guerre de montagne à un degré de perfection qu’on n’avait point atteint avant lui. » Mais, s’il estimait à leur valeur les opérations militaires, il ne jugeait pas moins les fautes politiques, et ce qu’il y avait de souverainement malhabile et coupable au Directoire à avoir voulu forcer la nature des choses, à avoir prétendu imposer par décret une unité factice à treize républiques fédérées, à s’être aliéné une nation amie, à avoir fait d’un pays neutre, et voué par sa configuration à la neutralité, une place d’armes, une base d’opérations agressives, une grande route ouverte aux invasions.
Les Suisses, en contact avec la France, avec l’Italie, avec l’Allemagne, qui les conduit à l’Angleterre, semblent avoir des facilités et des aptitudes particulières pour comprendre les formes d’esprit de ces quatre nations : ils ont l’intelligence naturellement cosmopolite. […] Le rêve de Mme de Staël, c’est une littérature européenne, un concert où chaque nation apporterait sa note originale, un commerce aussi où chaque nation s’enrichirait de ce qu’elle ne saurait produire. Le passage est curieux, d’autant qu’il relie l’Allemagne à l’idée maîtresse de la Littérature : « Les nations doivent se servir de guides les unes aux autres, et toutes auraient tort de se priver des lumières qu’elles peuvent mutuellement se prêter.
Le jour où elle paraît dans une nation comme une des branches de sa littérature, ce jour-là l’esprit particulier de cette nation commence à soupçonner qu’il est l’esprit humain. […] A mesure que la nation se constitue et que l’esprit de société y fait des progrès, les écrits se remplissent de maximes qui s’appliquent de plus en plus à l’homme en général. Mais l’idée de donner à des maximes de morale toutes les grâces d’un art, en mêlant aux préceptes des portraits et de la satire, cette idée ne peut appartenir qu’à un esprit supérieur, à une grande nation, à une époque où toute la vie humaine a été vécue.
Mais il eut manqué quelque chose à la gloire des Médicis, aux délices de leur nation, sans la naissance du poëte dont je parle. […] Il prêchoit avec plus de force que la première fois l’observation des grandes règles Aristotéliciennes, & disoit des injures au poëte chéri de la nation.
Ainsi l’on saisissait tous les événements, tous les prétextes ; sans doute la nation heureuse sous les Antonin et les Trajan, devait s’empresser à témoigner sa reconnaissance : des enfants heureux aiment à rendre hommage à leur père. […] Il semble que cette nation d’esclaves fût jalouse de ne pas laisser passer un jour sans bassesses, et qu’elle voulût, pour ainsi dire, imprimer la trace de ses chaînes sur chaque partie du temps qui s’écoulait.
XVIII De ces lois promulguées par les gouvernements, expression diverse de la souveraineté de la nature, les unes sont purement réglementaires, accidentelles, circonstancielles, passagères comme les besoins, les temps, les intérêts fugitifs des nations ; les autres, et en très petit nombre, sont ce que l’on appelle organiques, c’est-à-dire résultantes de l’organisation même de l’homme, et nécessaires à l’homme en société, quelque gouvernement du reste qu’il ait adopté pour vivre en civilisation. Les préceptes de ces lois organiques, qui sont les mêmes en principe chez tout ce qui porte le nom de peuple, sont les lois qui concernent la vie, la famille, la propriété, l’hérédité, le gouvernement, la morale, la religion, la défense de la patrie, héritage commun à toutes les nations, les conditions du travail et d’alimentation, le secours du riche à l’indigent, la mutualité des devoirs, l’éducation, l’application de la justice, l’expiation des crimes ou des actes attentatoires à la société qui est la vie de tous, et que tous appellent crimes. […] On dirait que l’excès même d’évidence du droit de propriété a aveuglé, en les éblouissant, ces insurgés contre la nature qu’on appelle socialistes, sans doute comme on appelait à Rome les destructeurs d’empires du nom des nations qu’ils avaient anéanties. […] L’égalité de parts dans l’héritage des biens du père est donc un sophisme devant la nature ; aussi l’instinct dans toutes les nations a-t-il protesté contre l’utopie de J. […] Serait-ce une société que cette répartition incessante et violente des rangs, des biens, des fortunes, enlevant toute sécurité au présent, tout avenir à la possession, tout mobile au travail, toute solidité à l’établissement des familles, des nations, même des individus ?
La nation, qui deux siècles plus tôt fournissait l’Europe de contes, de romans, de poèmes, borne ses efforts d’invention à traduire en prose ce qu’elle avait dit en vers, à se répéter lamentablement comme une vieille qui radote. […] Il y a des époques plus agricoles que d’autres dans la vie d’une nation. […] § 3. ― Le commerce, lui aussi, apporte son contingent à la vie intellectuelle d’une nation. […] Le goût des voyages, inhérent aux commerçants (témoin les Anglais qui sont le peuple le plus commerçant et le plus vagabond du monde), passe peu à peu aux autres classes de la nation. […] Qu’on regarde un de ces moments où le goût des choses de l’esprit pour une cause ou pour une autre se répand dans la nation.