Welcker estime surtout l’étude de l’antiquité par l’influence heureuse qu’elle peut exercer sur la littérature et l’éducation esthétique des nations modernes. […] Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d’inspirations originales, il faudrait bien se garder de troubler par le mélange de l’antique cette veine de production nouvelle. […] Chez les nations orientales par exemple, où le livre antique ne tarde jamais à devenir sacré, c’est toujours à la garde de cette langue savante, obscure, à peine connue, que sont confiés les dogmes religieux et la liturgie. […] Le livre sacré pour les nations antiques était le dépositaire de tous les souvenirs nationaux ; chacun devait y recourir pour y trouver sa généalogie, la raison de tous les actes de la vie civile, politique, religieuse. […] Là sont les racines de la nation, ses titres, la raison de ses mots et par conséquent de ses institutions.
Si une nation n’est pas instruite, peut-être sera-t-elle nombreuse et puissante, mais elle sera barbare, et l’on ne me persuadera jamais que la barbarie soit l’état le plus heureux d’une nation, ni qu’un peuple s’achemine vers le malheur à mesure qu’il s’éclaire ou se civilise ou que les droits de la propriété lui sont plus sacrés. La propriété des biens et celle de la personne, ou la liberté civile, supposent de bonnes lois et avec le temps amènent la culture des terres, la population, les industries de toute espèce, des arts, des sciences, le beau siècle d’une nation. […] Il faut qu’une nation soit bien nombreuse et bien riche pour qu’il y ait, sans conséquence fâcheuse, beaucoup de ces individus qui pensent tandis que les autres travaillent. Il faut que cette classe de paresseux soit bien nombreuse et que les sciences aient déjà fait de grands progrès chez une nation pour y donner naissance aux académies. […] Elle publie de beaux recueils que personne n’achète et ne lit, parce que personne ne les entend ; de ces recueils il en passe au loin quelques exemplaires qui ne compensent pas les dépenses, et la nation reste au même point d’ignorance ou d’instruction.
Ce fut pour toutes les premières nations une nécessité naturelle de s’exprimer en hiéroglyphes. […] Aussi les Grecs, nation ingénieuse, employèrent moins de tours que les Latins, les Latins moins que les Allemands. […] L’exemple de ces deux nations, dont la première ne fut connue que très tard par les Romains, et dont la seconde a été découverte par les Européens il y a seulement deux siècles, nous donne lieu de conjecturer qu’il en a été de même de toutes les nations barbares, anciennes et modernes. […] Qui ne s’étonnerait de voir subsister jusqu’à nos jours une telle conformité de pensée et de langage entre les nations ? […] Les familles, puis les nations, les employèrent d’abord par nécessité.
Introduction Quelle époque ai-je choisi pour faire un traité sur le bonheur des individus et des nations ! […] La seconde partie doit traiter du sort constitutionnel des nations. […] Il faudrait d’abord, en analysant les gouvernements anciens et modernes, chercher dans l’histoire des nations ce qui appartient seulement à la nature de la constitution qui les dirigeait. […] Le gouvernement dans un grand pays a pour appui la masse énorme d’hommes paisibles ; cette masse est beaucoup plus considérable à proportion même, dans une grande nation, que dans un petit pays. […] n’êtes-vous pas heureux qu’une nation tout entière se soit placée à l’avant-garde de l’espèce humaine pour affronter tous les préjugés, pour essayer tous les principes ?
Pour qu’une société soit vraiment unifiée, il faut qu’à l’État s’adjoigne la nation. […] Si l’on veut, l’Empire romain est un État ; il n’est à aucun degré une nation. […] La centralisation maîtrise donc décidément jusqu’aux nations qui lui paraissaient le plus hostiles ; si l’état présent de leurs institutions nous révèle que l’idée de l’égalité pénètre toutes les nations modernes occidentales, il nous apprend aussi que toutes à des degrés différents, s’unifient. […] Ne reste-t-elle pas en arrière des autres nations européennes tant par la civilisation matérielle que par la civilisation morale ? […] Forcez l’unité d’une nation, et vous risquez d’en chasser, en même temps que le souci de l’humanité, le respect des individualités.
On peut aussi manquer de goût, comme Juvénal, lorsqu’on essaie, par tous les moyens possibles, de réveiller l’horreur du crime dans une nation engourdie. […] Une des causes de la destruction des empires dans l’antiquité, c’est l’ignorance de plusieurs découvertes importantes dans les sciences ; ces découvertes ont mis plus d’égalité entre les nations, comme entre les hommes. […] L’esprit humain, et surtout l’émulation patriotique, seraient entièrement découragés, s’il était prouvé qu’il est de nécessité morale que les nations fameuses s’éclipsent du monde après l’avoir éclairé quelque temps. […] Les nations du Midi tombèrent dans l’avilissement, et cet avilissement prépara le triomphe des peuples du Nord. […] Ainsi donc la décadence des nations, et par conséquent celle des lettres, est maintenant beaucoup moins à craindre.
L’agrément de la rime, ajoûtera-t-on, s’est fait sentir à toutes les nations. […] Mais la plûpart de ces peuples rimeurs sont barbares, et les peuples rimeurs qui ne le sont plus, et qui sont devenus des nations polies, étoient barbares et presque sans lettres lorsque leur poësie s’est formée. […] Il est vrai que les nations européennes dont je parle, sont devenues dans la suite sçavantes et lettrées. […] Les peuples dont descendent les nations modernes et qui envahirent l’empire romain, avoient déja leurs poëtes quoique barbares, lorsqu’elles s’établirent dans les Gaules et dans d’autres provinces de l’empire. […] Les usages de la nation dominante ont prévalu en plusieurs choses et principalement dans la langue commune, qui s’est formée de celle que parloient les anciens habitans, et de celle que parloient les nouveaux venus.
Jamais il n’y eut au monde une nation d’athées, de fatalistes, ni d’hommes qui rapportassent tous les événements au hasard. […] De cette manière, le droit des gens qui s’observe maintenant entre les nations, fut, à l’origine des sociétés, une sorte de privilège pour les puissances souveraines. […] La marine est, à cause de sa difficulté, l’un des derniers arts que trouvent les nations. […] Cette maxime des jurisconsultes anciens se rapporte aux nations vaincues par le peuple romain. […] Le nombre, chose la plus abstraite de toutes, fut la dernière que comprirent les nations.
Il arrive (et même la chose est de plus en plus fréquente) que plusieurs nations voisines voient à la fois triompher chez elles des idées presque identiques. […] Il est bon d’examiner ensuite quels ont été les rapports officiels de la France avec les diverses nations. […] Toute époque teint de ses propres couleurs les hommes d’autrefois ; toute nation accommode et interprète à sa manière les écrivains qui ne sont pas de chez elle. […] On possède les causes qui ont pu influer sur le développement de cette nation ; reste à en examiner les effets. […] Cette imitation est aussi variée dans ses procédés que celle qui a pour objet les autres nations.
De la plaisanterie anglaise On peut distinguer différents genres de plaisanterie dans la littérature de tous les pays ; et rien ne sert mieux à faire connaître les mœurs d’une nation, que le caractère de gaieté le plus généralement adopté par ses écrivains. […] Ces tableaux sont sans conséquence pour une nation telle que la nation anglaise ; elle s’en amuse comme des contes, comme des images fantasques d’un monde qui n’est pas le sien. […] Mais comme les antithèses ne composent pas seules l’éloquence, les contrastes ne sont pas les seuls secrets de la gaieté ; et il y a, dans la gaieté de quelques auteurs français, quelque chose de plus naturel et de plus inexplicable : la pensée peut l’analyser, mais la pensée seule ne la produit pas ; c’est une sorte d’électricité communiquée par l’esprit général de la nation. […] L’esprit de ceux qui vous entourent, de la nation où vous vivez, développe en vous la puissance de la persuasion ou de la plaisanterie, beaucoup plus sûrement que la réflexion et l’étude. […] La nation étant plus une, l’écrivain prend l’habitude de s’adresser dans ses ouvrages au jugement et aux sentiments de toutes les classes ; enfin les pays libres sont et doivent être sérieux.
Plus on a d’esprit, plus on est mécontent de ce qu’on en a ; j’en appelle aux gens d’esprit de tous les temps et de toutes les nations. […] Il faut avouer que la nation Française a bien de la peine à secouer le joug de la barbarie qu’elle a porté si longtemps. […] Et pourquoi est-il plus permis d’outrager un homme de lettres qui honore la nation, que de rendre ridicule un homme en place qui avilit a sienne ? […] Ces récompenses, au reste, ne sont pas si nécessaires qu’on le croit aux progrès des lettres, même dans notre nation. […] Que ne puis-je pour l’honneur de notre nation en dire autant de tous nos Mécènes !
La Germanie suivit la même règle dans les premiers temps, et l’on peut conjecturer la même chose des autres nations primitives du moyen âge. […] Ce droit répondrait tout à fait au jus quiritium Romanorum, que nous avons prouvé avoir été le droit naturel commun à toutes les nations héroïques. […] Les successions légitimes durent naturellement avoir lieu chez toutes les premières nations avant qu’elles connussent les testaments. […] La loi reconnaissant libre quiconque naissait dans la cité ; sous de telles circonstances, le droit naturel changea de dénomination ; dans les aristocraties, il était appelé droit des gens, dans le sens du latin gentes, maisons nobles [pour lesquelles ce droit était une sorte de propriété] ; mais lorsque s’établirent les démocraties, où les nations entières sont souveraines, et ensuite les monarchies, où les monarques représentent les nations entières dont leurs sujets sont les membres, il fut nommé droit naturel des nations. […] Peut-être est-ce pour cette raison que les nations barbares du moyen âge repoussèrent les lois romaines.
Mais n’en est-il pas un autre qui se concilierait avec les mœurs, la richesse, l’aisance, la splendeur et la force d’une nation ? […] Maîtres des nations, tendez la main à Cérès. […] Maîtres des nations, faites que vos campagnes soient fertiles. […] Vous n’aurez plus une poignée de sujets riches, vous aurez une nation riche… mais, dites-moi, à quoi bon la richesse, sinon à multiplier nos jouissances ? […] Maîtres des nations, ôtez à l’or son caractère représentatif de tout mérite.