L’abbé Prévost, comme on sait, est né à Hesdin le 1er avril 1697. […] Prévost de Courmières, lieutenant-colonel de dragons et chevalier de Saint-Louis, né en 1747 et mort en 1838, se trouvait auprès de l’abbé dans le temps même de sa mort. […] Le samedi 22 octobre, veille de l’inauguration, une pierre commémorative en marbre noir, avec une inscription en lettres d’or, a été posée au-dessus de la porte d’entrée de la maison où il est né, et qui appartient encore à la famille.
Né à Paris en 1736, M. de Meilhan mourut à Vienne en août 1803. […] Les lettres pourtant avaient place dans son ambition ; il sentait qu’il était né sous cette double étoile de Montesquieu et de Voltaire qu’il appelle tous deux « les créateurs de l’esprit de leur siècle ». […] À toutes les époques et sous tous les régimes, il y a ainsi, dans les jeunes générations, des chefs de file qui se concertent, se préparent à l’avance et se croient nés pour arriver au pouvoir.
Au commencement du xviie siècle, le Tasse et son poème eurent la vogue, et on lisait en France La Jérusalem presque autant que L’Astrée ; mais, à partir de la seconde moitié du xviie siècle, le Tasse lui-même s’éclipsa pour nous ; la France, si ornée de talents illustres et de grands poètes originaux, semblait vouloir se suffire à elle-même, et le goût sévère de Despréaux, avec ses exclusions, vint en aide à notre paresse qui se dispense si aisément de connaître ce qui est né ailleurs. […] J’aime encore mieux pourtant dans ce monstre une cinquantaine de vers supérieurs à son siècle, que tous les vermisseaux appelés sonetti, qui naissent et meurent à milliers aujourd’hui, dans l’Italie, de Milan jusqu’à Otrante. […] Ayant chanté ses premières amours d’enfant dans des poésies délicates et subtiles, il se dit que ce n’était point assez et qu’il fallait élever à la beauté et à la reine de son cœur un monument dont il fût à jamais parlé : La Divine Comédie naquit dans sa pensée, et il mit des années à la construire, à la creuser, à l’exhausser dans tous les sens, à y faire entrer tout ce qui pouvait la vivifier ou l’orner aux yeux de ses contemporains, afin de faire plus visible et plus brillant le trône d’où il voulait présenter Béatrix au monde.
Saint-Amant, de petite noblesse, né à Rouen vers 1594, avait pour père un marin commandant d’escadre ; Il eut des frères navigateurs ou militaires, et lui-même il s’adonna dès sa jeunesse à la vie mondaine, aventureuse. […] Puis s’adressant pour finir à Bernières, à qui il dédie son ode : Tu vois dans cette poésie Pleine de licence et d’ardeur Ces beaux rayons de la splendeur Qui m’éclaire la fantaisie : Tantôt chagrin, tantôt joyeux, Selon que la fureur m’enflamme Et que l’objet s’offre à mes yeux, Les propos me naissent en l’âme, Sans contraindre la liberté Du démon qui m’a transporté. […] Saint-Amant, en effet, avait une grande attache et un culte pour cette reine, Marie de Gonzague, née princesse de Nevers, et qui sur son trône agité et vacillant se ressouvint toujours avec affabilité de ses amis de France.
Guillaume Favre était né à Marseille le 1er juin 1770. […] Ce jeune homme se trompait de siècle ; il était né pour être un commentateur amateur comme Girac ou Méziriac, ce Méziriac qui avait relevé plus de deux mille contresens ou méprises chez Amyot, qui a tout dit sur les Héroïdes d’Ovide, et de qui l’on a écrit : « Il n’y avait point de science à laquelle il ne se fût attaché durant quelque temps, point de bel art qu’il ne connût. […] Favre se rabattit donc à Marius, l’un des fils de François, et qui était né lui-même à Constantinople.
Il était né à Padoue, grande ville municipale, et qui avait chez elle un abrégé et une image des institutions politiques de la mère cité. […] Auguste l’appelait en riant le pompéien, et Tite-Live osa écrire du grand César « qu’il n’était pas bien certain si la chose publique avait plus gagné à ce qu’il naquît qu’elle n’aurait gagné à ce qu’il ne fût pas né. » Après la mort d’Auguste, il retourna à Padoue et y mourut vers l’âge de soixante-seize ans.
Sa prudence et sa sagesse consistent donc plus à découvrir et à placer à propos la science et les talents qu’elle donne, qu’à les faire naître et à les multiplier. […] « Fénelon, né lui-même ému, mais si fin et si calculé, dans l’embarras terrible où le mettait ce caractère, hasarda une chose, la médecine homéopathique ; contre la passion, il usa d’elle-même. […] Il n’était pas né mal fait ; sa taille resta droite, tant qu’il fut dans les mains des femmes ; mais, pendant ses études, de bonne heure elle tourna, et il devint un peu bossu.
Delécluze, né vers 1781, a aujourd’hui quatre-vingts ans passés, et habite depuis quelques années Versailles. […] C’était une enchanteresse que cette Mme Charles de Noailles, sœur d’Alexandre de Laborde, et née de cette aimable famille si heureusement douée depuis trois générations pour les arts19 : Elle avait vingt-six-ans, il en avait seize. […] Étienne, dans sa jeune tête, avait peine à concilier tout cela : « Ce conflit, cet amalgame de choses et d’idées incohérentes fit naître dans l’esprit d’Étienne une foule de réflexions contraires, dont le résultat fut de le plonger dans une rêverie profonde.
Le cadre n’est pas découpé ; le genre proprement dit n’était pas né alors. […] Deux enfants, Daphnis et Chloé, nés vers le même temps, ou plutôt à deux années de distance l’un de l’autre (afin que la proportion des âges entre garçon et fille soit mieux gardée), ont été exposés par leurs parents dans la campagne, et tous deux aussi ont cela de commun d’avoir été allaités merveilleusement, l’un par une chèvre, l’autre par une brebis. […] « On ferait bien, concluait-il, de relire le livre une fois tous les ans, pour s’en renouveler l’impression dans toute sa fraîcheur. » Qu’il y ait eu un peu d’excès dans cette admiration pour une œuvre composée de tant de parties et d’éléments dès longtemps trouvés, que le puissant lecteur, tout plein d’harmonieux souvenirs, ait prêté un peu à cette production du déclin comme à un dernier né qu’on gâte et qu’on favorise, je l’accorderai aisément ; Goethe abondait dans son sens en exaltant si fort le perpétuel âge d’or de la Grèce : mais ce qui ne le trompait pas, c’était le sentiment régnant, respirant dans ce dernier ; tableau, et par lui reconnu et salué, de tout un monde idéal, serein, fortuné, à ciel fixe, à horizon bleu, — l’horizon de la mer de Sicile ou des mers de l’Archipel12.
Charles Loyson, né en 1791 à Château-Gontier, dans la Mayenne, après des études faites au collège de Beaupréau, et devenu déjà professeur, obtint en 1811 la faveur d’entrer à l’École normale pour y fortifier et y compléter son éducation classique, qui avait été un peu hâtive. […] La gravure qui est en tête et qui représente le poète mourant couché dans un lit à longs rideaux, entouré de ses amis vêtus encore à la mode de 1811, et lui-même, dans cette chambre à coucher d’un ameublement moderne, tenant à la main sa lyre, — une vraie lyre (barbiton) ; — la vignette du titre où une femme, une muse en costume d’Empire, apprend l’art de pincer du luth à un petit Amour à la Prudhon ; les bouts-rimés et les quatrains qui s’entremêlent dans le volume aux pièces sérieuses, tout cela retarde et montre que le nouveau goût qui va naître et qui signalera proprement l’ère de la Restauration n’en est encore qu’à de vagues et craintifs essais. […] Delatouche, l’homme de ces malices-là, était né comme exprès pour être l’ennemi et l’envieux de Loyson, si Loyson avait vécu.
L’homme naissait pour immoler l’homme. […] Mahomet, en satisfaisant ce besoin, fit naître un fanatisme avec la plus étonnante facilité. […] Les questions théologiques, dans leur temps, avaient été l’objet d’un intérêt aussi vif, d’une analyse aussi profonde, parce que les querelles qu’elles faisaient naître étaient animées par l’avidité du pouvoir et la crainte de la persécution.
C’est, sans doute, une jouissance enivrante que de remplir l’univers de son nom, d’exister tellement au-delà de soi, qu’il soit possible de se faire illusion, et sur l’espace et sur la durée de la vie, et de se croire quelques-uns des attributs métaphysiques de l’infini ; l’âme se remplit d’un orgueilleux plaisir par le sentiment habituel, que toutes les pensées d’un grand nombre d’hommes sont dirigées sur vous ; que vous existez en présence de leur espoir ; que chaque méditation de votre esprit peut influer sur beaucoup de destinées ; que de grands événements se développent au-dedans de soi, et commandent, au nom du peuple, qui compte sur vos lumières, la plus vive attention à vos propres pensées ; les acclamations de la foule remuent l’âme, et par les réflexions qu’elles font naître, et par les commotions qu’elles excitent ; toutes ces formes animées, enfin, sous lesquelles la gloire se présente, doivent transporter la jeunesse d’espérance et l’enflammer d’émulation. […] Ceux qui sous un tel ordre de choses sont nés dans la classe privilégiée, ont à quelques égards beaucoup de données utiles ; mais d’abord la chance des talents se resserre, et à proportion du nombre, et plus encore, par l’espèce de négligence qu’inspirent de certains avantages ; mais quand le génie élève celui que les rangs de la monarchie avaient déjà séparé du reste de ses concitoyens, indépendamment des obstacles communs à tous, il en est qui sont personnels à cette situation ; des rivaux en plus petit nombre, des rivaux qui se croient vos égaux à plusieurs égards, se pressent davantage autour de vous, et lorsqu’on veut les écarter, rien n’est plus difficile que de savoir jusqu’à quel point il faut se livrer à la popularité, en jouissant de distinctions impopulaires ; il est presqu’impossible de connaître toujours avec certitude le degré d’empressement qu’il faut montrer à l’opinion générale : certaine de sa toute puissance, elle en a la pudeur, et veut du respect sans flatterie ; la reconnaissance lui plaît, mais elle se dégoûte de la servitude, et rassasiée de souveraineté, elle aime le caractère indépendant et fier, qui la fait douter un moment de son autorité pour lui en renouveler la jouissance : ces difficultés générales redoublent pour le noble, qui dans une monarchie veut obtenir une gloire véritable ; s’il dédaigne la popularité, il est haï : un plébéien dans un État démocratique, peut obtenir l’admiration en bravant la popularité ; mais si un noble adopte une telle conduite dans un État monarchique, au lieu de se donner l’éclat du courage, il ne ferait croire qu’à son orgueil ; et si, cependant, pour éviter ce blâme, il recherche la popularité, il est sans cesse près du soupçon ou du ridicule. […] On ne sait pas au-dehors un nom propre du gouvernement de Venise, du gouvernement sage et paternel de la république de Berne, un même esprit dirige depuis plusieurs siècles, des individus différents, et si un homme lui donnait son impulsion particulière, il naîtrait des chocs dans une organisation, dont l’unité fait tout-à-la-fois le repos et la force.
De là naît une nouvelle fable ; nous prétendons animer une maxime morale, et nous ne voulons rien de plus ; peu importe que nos preuves soient rigoureuses. […] Aucun sentiment ne pourra naître en lui à l’aspect de ces figures indistinctes et de ces actions si peu parlantes. […] Alors naîtra le vrai style poétique : la liberté des tournures, la variété des mètres, l’irrégularité des rimes et l’allure onduleuse de la phrase, ne détruiront pas l’unité de la période et la mélodie réglée des vers ; la diversité et l’aisance de la prose s’allieront à l’enchaînement et à la symétrie de la poésie ; et la fable sera en même temps une conversation et un chant.