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457. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

  En ce temps-là, je vivais seul, le cœur débordant de sentiments comprimés, de poésie trompée, tantôt à Paris noyé dans cette foule où l’on ne coudoyait que des courtisans ou des soldats ; tantôt à Rome, où l’on n’entendait d’autre bruit que celui des pierres qui tombaient une à une dans le désert de ses rues abandonnées ; tantôt à Naples, où le ciel tiède, la mer bleue, la terre embaumée m’enivraient sans m’assoupir, et où une voix intérieure me disait toujours qu’il y avait quelque chose de plus vivant, de plus noble, de plus délicieux pour l’âme que cette vie engourdie des sens et que cette voluptueuse mollesse de sa musique et de ses amours. […] C’est à la fois sentiment et sensation, esprit et matière, et voilà pourquoi c’est la langue complète, la langue par excellence qui saisit l’homme par son humanité tout entière, idée pour l’esprit, sentiment pour l’âme, image pour l’imagination, et musique pour l’oreille ! […] Rien ne nous avait préparés à cette musique de l’âme, dont chaque note est un sentiment ou un soupir du cœur humain, dans cette solitude, au fond des déserts, sortant ainsi des pierres muettes accumulées par les tremblements de terre, par les barbares et par le temps.

458. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Ernest Reyer Victor Hugo m’écrivit de Jersey une lettre de quatre pages sur papier pelure d’oignon pour m’autoriser à mettre en musique sa Vieille Chanson du jeune temps. Je ne sais trop ce qu’est devenue la musique de la chanson. […] L’incident, l’anecdote, l’événement tapaient dessus, et c’était une musique grave et douce ou un retentissement de tonnerre.

459. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

— Instrument de musique. […] Mais d’autres, toutes on peut dire, nuées si précieusement, si précieusement charmantes en leur brume de rares musiques atténuées. […] — Instrument de musique.

460. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Elle est encore plus différente de la musique aux autres arts. […] La musique, dit à peu près Leibnitz, est l’exercice de l’esprit quand il fait de l’arithmétique sans le savoir. Du symbole à l’allégorie il y a un peu ce rapport et cette différence de la musique à l’arithmétique. […] Giraudoux a trouvé tout de suite un public, c’est que la peinture et la musique le lui avaient préparé. […] En peinture il est, en somme, sorti presque tout entier du génie de Claude Monet et en musique du génie de Debussy.

461. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Chef des chœurs au théâtre des Variétés, il mit des notes sous ces paroles : Dansons, dansons Le joyeux rigodon, et, la chose faite, on le chassa du théâtre, sous le prétexte qu’il ne savait pas la musique. Un jour il offrit au grand Opéra de Paris son poème le Vaisseau fantôme ; on le trouva passable et on l’acheta 500 francs, mais à la condition expresse qu’il n’en écrirait pas la musique ; et un peu plus tard, le Vaisseau fantôme, signé par un auteur dramatique que je ne nomme pats, parce qu’il est mort, et mis en musique par un compositeur qu’il est inutile de nommer, parce qu’il n’a jamais vécu, était représenté à l’Académie de Musique. […] Le balancement de sa musique, même quand il n’a pas été précisé encore par la netteté du mot, vous emporte, vous enlève, vous charme. […] Et les chevaux de bois tournaient En musique comme le reste. […] Cette langue est sœur de la musique parlée que l’on entend dans l’Après-midi d’un Faune.

462. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Et tout près de là, mon Dieu, je me rappelle, il y a bien longtemps, s’ouvrait la porte d’une allée, d’une allée, qui était tout le magasin du marchand anonyme de dessins et de gravures, où j’ai manqué, faute d’argent, toute une série de grandes sanguines de Fragonard, à huit francs pièce, représentant des danseuses du plus beau faire, et bien certainement, dessinées d’après des sujets de l’Académie royale de musique — sanguines, que je n’ai jamais vues repasser dans une vente. […] Car il a une énorme ambition, et le désir irrité de devenir le premier de tous, en peinture, en littérature, en musique, en tout. […] Mercredi 16 mai Je me disais ce matin : Si je gagnais l’année prochaine cent mille francs avec Germinie Lacerteux, j’achèterais la maison en face, et j’y ferais mettre cet écriteau : À louer à des gens, sans enfants, ne jouant d’aucun instrument de musique, et auxquels il ne sera permis, en fait d’animaux, que des poissons rouges. […] Le blanc de l’œil brillant, fiévreux, avec quelque chose de fou dans toute l’allure du corps, mais dans cette tête de toqué, une immense mémoire musicale des musiques de tous les pays et de tous les temps, avec une prédilection pour les chants populaires, pour les chants des provinces françaises, qu’il a récoltés en grande partie, dit-il, chez les bonnes, qu’il a eues à son service. […] Puis, il nous joue des pavanes, des passecailles, des menuets, où, avec des notes de musique, il se montre comme un historien de la gravité du grand siècle louisquatorzien.

463. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Ici tout ressent la vie, tout recommence, le printemps éclate, la jeunesse refait du bruit aux jeunes cœurs, et ils se rouvrent avec délices au sentiment de la nature : Je suis accoutumée déjà (dès le lendemain de l’arrivée) au séjour de Plombières comme si j’y avais demeuré six mois ; il me semble que j’avais rêvé ces montagnes, ces cascades, et tous ces jolis sentiers qui ne mènent nulle part et qui vont toujours… Je m’endors chaque soir au son d’une musique quelconque, le bal qui danse en face de nous, un voisin qui joue du violon à ravir, et un grillon qui crie dans ma cheminée. […] Seule, elle s’occupe de sa musique, de ses oiseaux, de ses fleurs ; il lui est impossible de ne pas mettre de la passion à tout ce qu’elle fait.

464. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

La musique seule serait capable de bien rendre ce qui se passe, à ce moment, d’orageux, de contradictoire et de déchirant dans l’âme de Rodrigue. […] L’exécution ne se soutient pas également dans toute la durée ; mais quel beau motif, quel belle musique, quel bel air, si les paroles manquent quelquefois !

465. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Pierre Dupont perdraient à se séparer des airs, qui sont, la plupart, de son invention ou de son arrangement, et que, sans savoir beaucoup de musique, il trouve et il combine avec une facilité naturelle et un goût qui est un signe évident de vocation. […] Eugène Ortolan a fait la musique.

466. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Il ne dérogea que tard à ce système de conduite et dans un seul cas : ce fut à l’occasion de la querelle sur la musique, de la guerre ouverte entre Gluck et Piccinni. Mais, là, sa modération lui manqua subitement ; il se mit en avant tout entier, il brisa des lances envers et contre tous pour Piccinni, pour la musique italienne, avec une ardeur démesurée et avec une passion où l’amour de la mélodie se sent moins encore que le besoin de dépenser un reste de jeunesse.

467. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Si, par exemple, vous entendez de la musique sans l’écouter, en pensant à autre chose, ce ne sera guère pour vous qu’un bruit plus ou moins agréable, quelque chose comme un parfum respiré sans y penser ; écoutez, le bruit agréable, deviendra esthétique, parce qu’il éveillera des échos dans votre conscience entière ; soyez distrait de nouveau, et la sensation, s’isolant, se fermant, redeviendra simplement agréable. […] La musique est du mouvement rendu sensible à l’oreille, une vibration de la vie propagée d’un corps à l’autre.

468. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La musique. […] De ce plan général je supprime le quatrième cours des exercices, parce qu’il n’est pas d’usage dans les universités d’y enseigner la musique, la danse, l’escrime, le manège ou l’équitation non plus que l’art de nager.

469. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Je continue mon chemin, je quitte à regret le musicien, parce que j’aime la musique, et que celui-ci a un air d’enthousiasme qui attache. […] Au centre du tableau une portion de buffet, un personnage qui écoute ; cet homme assurément aime fort la musique.

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