Nul auteur n’est plus fécond en dissertations ; il entre à chaque instant dans son récit pour nous tancer ou nous instruire ; il ajoute la morale de théorie à la morale en action. […] Volontiers ils sont frondeurs ; volontiers ils entendent insinuer les choses défendues, et souvent, par abus de logique, par entraînement, par vivacité, par mauvaise humeur, ils frappent à travers le gouvernement la société, à travers la religion, la morale. […] La tendresse, la bonté, l’amour sont dans ses personnages un effet des nerfs, de l’instinct, ou d’une maladie morale. […] Cette présence assidue d’une intention morale nuit au roman comme au romancier. […] Dès lors on rentre dans le monde réel, on se laisse aller à l’illusion, on jouit d’un spectacle varié, aisément déroulé, sans prétention morale.
« Cette amitié n’est ni morale ni poétique… » Vous l’avouez vous-même, il avait raison. […] Moi-même, à la fin de l’année 1830, j’éprouvai dans ma vie morale des troubles et des orages d’un genre nouveau. […] On peut dire que sa politique, sa morale publique et sociale datèrent de là. […] ” « Toute la biographie intime et morale de Virgile est dans ces paroles et dans ce sentiment. […] Je ne suis pas embarrassé pour Virgile de ce qu’il eût passé pour être s’il eût vécu chez les modernes ; je crois qu’il eût passé pour un peu mieux que cela, et que la vraie morale eût eu à se louer plus qu’à se plaindre de lui, aussi bien que la parfaite convenance.
Callisthène cependant pénétra près de lui avec Anaxarque et tâcha d’abord doucement, et selon les règles de la morale, de se rendre maître de sa douleur en s’insinuant peu à peu auprès de lui par ses discours et en tournant adroitement tout autour, sans toucher à la plaie et sans lui rien dire qui pût réveiller son affliction. […] Il laissa exécuter les conspirateurs contre sa vie ; il épargna Callisthène, dont la complicité n’était que morale. […] Les secrétaires de Sylla ne les ont pas replacées dans leur ordre ; mais voici l’ordre que leur assignent les traducteurs et les commentateurs les plus éclairés et les plus accrédités des derniers siècles : Politique, Logique, Physique, Rhétorique, Météorologie, Morale, Histoire naturelle, etc. […] L’être qui commande doit avoir la vertu morale dans toute sa perfection ; sa tâche est absolument celle de l’architecte qui ordonne, et l’architecte, ici, c’est la raison. […] « Reconnaissons donc que tous les individus dont nous venons de parler ont leur part de vertu morale, mais que la sagesse de l’homme n’est pas celle de la femme, que son courage, son équité, ne sont pas les mêmes, comme le pensait Socrate, et que la force de l’un est toute de commandement, celle de l’autre, toute de soumission.
Écoutez-le plutôt : « Il n’y a pas en l’homme — dit-il — de ces choses (things) qui soient distinctes et séparées et qui s’appellent intellect, imagination, fantaisie, etc., etc., comme il y a des pieds, des mains et des bras… Quand nous entendons dire d’un homme qu’il a une nature intellectuelle et une nature morale, et que ces natures existent à part l’une de l’autre, ce sont des nécessités de langage, et nous devons parler de cette manière si nous n’aimons mieux n’avoir pas à parler du tout. […] Mais il n’est pas moins vrai que, dans cette préface du VIIIe volume, il a subi l’influence de ces idées, qui sont, du reste, dans la tendance universelle d’un temps qui se croit très fort d’intelligence et qui trouverait assez commode de n’avoir plus de morale, même à sacrifier. […] Vous l’avez vu, Carlyle a supprimé les facultés et la morale humaines au profit d’un grand homme qu’il a trop adoré ; car on n’adore bien le génie qu’en le comprenant, et c’est le seul amour, l’amour du génie, qui ne doive pas porter de bandeau. […] Eh bien, par respect pour Shakespeare, je ne veux pas, moi, du Shakespeare qu’on a inventé au détriment de la nature humaine et de la morale éternelle ! […] » Tel il parle, ce magnanime Henri, cette idéale figure qui monte, à chaque instant du drame, dans la beauté morale et dans la noblesse, aussi haut qu’un homme puisse y monter, mais dont l’originalité n’est cependant pas toute là encore… Non !
Il fallait bien rendre le sanglier terrible, pour montrer la folie du convoiteux ; la morale exige donc ces détails de la description. […] Et tout cela a un but, qui est de prouver la morale, et d’empêcher les amants de se quitter. […] Voyons seulement comment il a transformé Pilpay son modèle, et fait un poëme d’une simple matière, ce qu’il a dû changer pour accommoder le récit à la morale, combien de fois il a fallu créer de toutes pièces des caractères. […] 183 Tous les caractères que construit La Fontaine servent de preuve à sa morale, et tous les détails servent de confirmation à la preuve. […] Quand Pilpay veut ouvrir son drame d’une façon naturelle, il se perd dans des récits sans fin, et souvent détruit d’avance sa morale.
Dès lors, que peut-on souhaiter de mieux à une société civilisée qu’une religion nationale, fondée sur les vrais sentiments du cœur humain, conforme aux règles d’une morale pure, consacrée par le temps, et qui, sans intolérance et sans persécution, réunisse, sinon l’universalité, au moins la grande majorité des citoyens, au pied d’un autel antique et respecté ? […] Il faut dire cependant, à cet égard, que la constitution morale du général Bonaparte le portait aux idées religieuses. […] S’il s’agissait pour le premier Consul de flétrir l’impiété, ce parricide moral de l’humanité ; de relever le sentiment religieux, cette piété filiale de l’esprit humain dans l’âme du peuple ; de faire respecter, honorer, vénérer sous toutes ses formes sincères les cultes libres qui sont les actes volontaires et spontanés de cette piété du cœur humain, et qui, en rappelant sans cesse l’homme à sa source et à sa fin, sont sa filiation divine, sa noblesse entre les créatures, sa conscience, sa morale, sa vertu, sa consolation, son espérance, rien ne serait plus plausible que l’argumentation de M. […] Thiers pervertirait ici la morale éternelle, si on n’en signalait pas le sophisme et le danger aux hommes. […] Pour accomplir sa noble tâche, la dictature, à notre avis, sous la forme du consulat à vie, suffisait donc au général Bonaparte, et, en le créant monarque héréditaire, on tentait quelque chose qui n’était ni le meilleur pour sa grandeur morale, ni le plus sûr pour la grandeur de la France.
En même temps, et comme vérité dernière, la comédie a trouvé sa morale. […] Il essaye d’abord d’un sermon de morale sur Agnès. […] Ainsi, la morale des sages et la morale de la vie sont également satisfaites, quand on le voit puni d’un travers innocent par une contrariété passagère, et récompensé de sa vertu par l’avantage d’échapper à un malheur certain. […] dans une contrariété vive et présente, on peut tirer quelque soulagement d’une autre passion ; mais un aphorisme de morale n’y fait rien. […] Outre la morale qu’il a sauvée, en se passant du confessionnal, quel mérite d’invention n’y a-t-il pas à remplacer le confesseur de Boccace par un tuteur égoïste et dur, et la dame tant soit peu effrontée de Florence par une jeune fille claquemurée dans la maison d’un jaloux, qui veut se sauver de son tyran et se marier honnêtement ?
Ce qui est poésie dans la nature physique ou morale, et ce qui n’est pas poésie, se fait reconnaître à des caractères que l’homme ne saurait définir avec précision, mais qu’il sent au premier regard et à la première impression, si la nature l’a fait poète ou simplement poétique. […] La littérature morale de l’Inde se compose, selon le même critique, de formules et de maximes qui, sous une forme brève et sentencieuse, renferment les préceptes moraux les plus épurés. […] Le génie héroïque et le génie sacerdotal s’y confondent tantôt dans des récits de batailles, tantôt dans des raffinements spiritualistes de la morale et de la théologie. […] Le commentateur chrétien de ce poème trouve, dans ce pardon universel et surhumain du héros, une faute de morale, une omission de cette justice qui doit rétribuer le châtiment aux coupables. […] La morale de ces grands poèmes symboliques et sacrés de l’Inde primitive est donc aussi divine que la poésie en est sublime ; il en découle partout une onction qui n’attendrit pas seulement l’imagination, mais qui édifie le cœur.
Il existe donc un monde invisible où l’homme, après avoir achevé sa destinée matérielle, poursuit sa destinée intellectuelle et morale. […] C’est par là qu’au grand détriment de la morale de la nation, la routine l’honore, et l’indulgence lui pardonne. […] Mais la Fontaine cependant, tout en corrompant la morale de l’enfance et les cœurs de la jeunesse, a bien mérité de la langue en lui restituant quelques-uns de ces tours gaulois qui sont les dates de son origine et les familiarités de son génie. […] Il y a des vices dans les sacerdoces, et ces vices mêmes sont plus vicieux que dans les autres conditions, parce qu’ils jurent plus avec la sainteté de Dieu et avec la pureté de la morale. […] Eux seuls ils ont la parole à la tribune des âmes ; ils sont les orateurs de la morale ; la chaire est leur trône.
Et quand ils voulurent exprimer dans une seule figure la suprême beauté intellectuelle et morale, ils sculptèrent la figure d’un vieillard, le vieil Homère, visage presque sépulcral sur lequel la cécité même, infirmité des sens, ajoute à la beauté intellectuelle, morale et recueillie en dedans du vieillard ; car s’il est beau d’être jeune, s’il est beau d’être mûr, il est peut-être plus beau encore de vieillir avec les fruits amers, mais sains de la vie dans l’esprit, dans le cœur et dans la main. […] Il ne voyait, avec raison, dans les partis opposés que des queues de factions, d’intrigues et d’ambitions sans tête, propres à perpétuer les désastres de la France, mais nullement à y constituer la liberté pratique et morale. […] Tu as été élevée sous ce règne terre à terre où la France de 1830, antichevaleresque et antilibérale tout à la fois, s’était fondu un trône à son image avec des rognures d’écus entassées dans ses coffres-forts, et où le matérialisme de la jouissance ne prêchait pour toute morale aux enfants de tels pères que le mépris de toute noble intellectualité ! […] L’âme d’un peuple, c’est sa littérature sous toutes ses formes : religion, philosophie, langue, morale, législation, histoire, sentiment, poésie ! […] Tu pourrais le lire dans Cicéron, si tu n’aimais mieux lire la ballade à la Lune ou les facéties de tes pamphlétaires que le Songe de Scipion ; toute la jeunesse romaine, après les longues guerres civiles, séduite par l’éclat des armes et par les robes flottantes de César, d’Antoine, de Dolabella, fut prise d’un épicuréisme insolent, d’une insouciance pour les lettres, et d’un mépris pour les choses cultivées et honorées jusque-là, qui devaient précipiter vite la ruine morale de l’Italie ; il ne resta du parti des patriciens de la vieille liberté et de la vieille austérité romaines, que des têtes chauves abandonnées par les idolâtres de la gloire militaire et raillées par les poètes lascifs du plaisir et de la jeunesse, tels que le lâche Horace qui avait jeté son bouclier.
J’aurais trop à dire, et je dirais trop peu, si je voulais suivre Mme de Rémusat dans cette cour où elle se trouva ainsi lancée à vingt-deux ans, au sortir d’une existence solitaire et morale. […] Son état de souffrance la reporta vers les idées religieuses dont son enfance n’avait jamais manqué, et qui depuis n’avaient été que distraites ; elle rêva, elle pria, surtout elle médita : « La méditation, a-t-elle dit, diffère de la rêverie en ce qu’elle est l’opération volontaire d’un esprit ordonné. » Des réflexions qu’elle écrivit vers le même temps, après avoir lu celles de Mme Du Châtelet sur le Bonheur, nous la montrent bien contraire à cette morale égoïste et sèchement calculée de l’amie de Voltaire, comme d’ailleurs elle eût été peu encline à la morale purement sentimentale que de plus tendres avaient puisée dans Rousseau. […] Quand on regrette si vivement les plaisirs de la conversation (c’est comme pour les scrupules en morale), on est bien près de mériter l’exception heureuse et de rattraper quelques bons moments. […] Tout le but, tout l’esprit en est dans l’accord de la morale, du sérieux et de la grâce.
Mais, justement, il est remarquable que ces lettres, adressées à une jeune cousine, d’humeur frivole, à ce qu’il semble, continuent, sous leur simplicité relative et leur demi-abandon, l’attitude morale qu’exprimaient Moïse, la Colère de Samson, le Christ aux Oliviers et la Maison du Berger, et attestent à la fois la sincérité et la profondeur de son pessimisme et l’efficacité merveilleuse de son orgueil. […] Huysmans, En route, nous fait concevoir une aventure morale d’un rare intérêt : la transformation du naturalisme en mysticisme et la purification d’une âme par le dégoût. […] L’extraordinaire sensibilité physique et morale qui est son tout le lui interdisait. […] Enfin, dans le brillant concours de nos conteurs ou dialoguistes mondains, dans cette lutte à qui nous offrira, sous prétexte de morale ou même sans prétexte, les plus surprenants tableaux de mauvaises mœurs dites élégantes, je crois démêler, chez Henri Lavedan, une peur d’être dépassé, une ardeur de frapper plus fort que les autres et de peindre plus cru, une excitation et comme une ébriété de pinceau. […] En sorte que je ne sais si l’on vit jamais chez aucun écrivain, plus surprenant accord de la sensibilité pittoresque et de la sensibilité morale.
On ne peut prendre sa place sans profanation. » Somaise observe au mot Maxime, que la morale des précieuses est d’attirer dans leur parti toutes tes personnes de qualité, pour primer sur les autres cercles. […] Il me reste à parler de la morale des précieuses. […] Voyons la morale qu’elles observent comme beautés. […] Au mot Morale, qu’elles ont pour maximes de s’interdire tous les dehors de l’amour vulgaire, et de rechercher J’estime par la beauté des ouvrages ou des discours ; de se donner aux plaisirs d’imagination, la réalité seule pouvant blesser la morale.