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1101. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau était plus moral que Balzac et plus vrai comme artiste.

1102. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Or, ces gens-là, que suppose Feydeau pour avoir le plaisir de leur répondre, sont évidemment des cuistres de moralité, faciles à découdre sans qu’on soit pour cela, en fait de raisonnements vainqueurs, un sanglier d’Érymanthe ; mais la question n’en reste pas moins tout entière de la moralité dans l’art, lequel n’atteint réellement son but idéal et suprême qu’à la condition d’étre moral dans l’effet ou l’émotion qu’il produit, — ce qui, par parenthèse, est précisément le contraire de l’effet produit par les livres de Feydeau.

1103. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Les oraisons funèbres de madame de Montausier, de la duchesse d’Aiguillon et de la dauphine de Bavière, ne pouvant offrir des événements, offrent une foule d’idées morales qui en sortent et qui les embellissent.

1104. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Ce livre, où les idées morales sont souvent profondes, où l’expression est quelquefois négligée, mais vigoureuse, où l’on voit partout une âme pleine d’humanité jointe à un caractère plein de force, peut à plusieurs égards être comparé à nos meilleurs livres de morale.

1105. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

* Quand la passion de gouverner est entrée dans le cœur d’un homme, elle en chasse le sens moral. […] * Des écrivains moraux m’imputent d’avoir dit qu’il y a deux morales ; ce que je sais de leur vie me fait regretter de ne l’avoir pas dit. […] De ce que je pus entrevoir, dans un temps si court, de ses qualités morales, aucune ne m’intéressa plus que sa modestie. […] Qu’a-t-il manqué à cet épouvantable épisode de la guerre de 1870, en fait de crimes et de vertus, de grandeurs et de bassesses morales ? […] Que j’essaye donc d’ôter de mon être moral tout ce que la France y a mis ; que me restera-t-il en propre ?

1106. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Sorel, Rubempré, Ruy-Blas, Emma Rouault, Vingtras sont des sensibilités en transfert de classe, avec les intenses désordres moraux dont ce phénomène s’accompagne. […] C’est bien le ton sec et rapide que Beyle chercha toujours, les notations brèves, les formules ramassées d’un algébriste moral qui n’a pas le temps de s’attarder a des explications. […] C’est là une des raisons pour lesquelles il exerça sur ses cadets immédiats cette influence dont je voudrais indiquer ici le principe moral, avant d’en marquer le caractère plus purement technique. […] Le drame moral de la vie de Lamartine entre 1830 et 1848 tint tout entier dans ce conflit entre sa nature et les conditions que les circonstances imposaient à son action, du moment qu’il voulait agir et d’une manière immédiate. […] N’y avait-il pas une « ivresse des facultés morales » dans l’hypnotisme de sa propre œuvre qui lui faisait répondre à un ami écrasé par un deuil de famille : « Revenons à la réalité.

1107. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Hélène commence à baisser la tête devant cette beauté et cette grandeur morales. […] Et alors il nous semble qu’ils commettent je ne sais quel inceste moral. […] En un seul point : Barbe-Bleue est plus moral. […] épouvantablement moral ! beaucoup plus moral que l’Abbé Constantin !

1108. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Dumas, parce que je sens très nettement que nous ne portons pas sur ses personnages le même jugement moral. […] » Que c’est moral ! […] que c’est moral !  […] Brieux avait fait preuve d’un sentiment moral très franc, très candide, un peu austère. […] Quel dommage seulement que le « postulat » moral en soit si dur !

1109. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Feuilletez les trente volumes des Lundis, vous n’y trouverez pas un article qui ne touche par quelque point à un problème moral. […] Vous y saisirez à plein le passage du réalisme physique au réalisme moral. […] Parlant de lui-même et de son avenir, dans sa correspondance avec son fidèle Tributien, Barbey disait : « Portrait dépaysé, je cherche mon cadre. » C’était vrai, au physique aussi bien qu’au moral. […] Ces talents peuvent avoir été de tout premier ordre, et ce siècle ne léguer à son successeur que des ruines intellectuelles et morales. […] Elle renaît, depuis que nous recommençons d’admettre que les phénomènes religieux doivent être considérés d’un point de vue religieux, les phénomènes moraux d’un point de vue moral, le psychisme tout entier d’un point de vue psychique.

1110. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

On a quelque témoignage de cette veine de réflexions philosophiques et morales dans un Eloge de Vauvenargues, sujet qu’avait proposé l’Académie d’Aix, et pour lequel M. […] Mignet, par le haut développement grave et moral qui lui concilie tous les respects, a montré assez qu’il ne l’est pas. […] A chaque mouvement, il faut songer à la veille, au lendemain, à ses flancs, à ses derrières ; mouvoir tout avec soi. munitions, vivres, hôpitaux ; calculer à la fois sur l’atmosphère et sur le moral des hommes ; et tous ces éléments si divers, si mobiles, qui changent, se compliquent sans cesse, les combiner au milieu du froid, du chaud, de la faim et des boulets.

1111. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Elle lit avec avidité nos auteurs, Mme de Sévigné, la Marianne de Marivaux, même l’Écossaise de Voltaire, ces primeurs du temps ; le Monde moral de Prevost, qu’elle appelle « une sorte de roman nouveau et très-bien écrit, sans dénoûment encore : aussi est-ce moins une intrigue que des réflexions sur diverses histoires détachées : il y a du riant et du tragique, de la finesse et de la solidité dans les remarques. […] Mme de Charrière, dans ses hardiesses du moins, avait des points fixes, des portions morales élevées où elle tenait bon : elle put souffrir de n’en pas trouver cnez autrui de correspondantes. […] Après une discussion sérieuse et moyennant une interprétation motivée, elle conclut par dire « qu’en y pensant un peu, on trouvera que cette dernière production de l’auteur de Caliste est une des compositions les plus morales, comme elle est une des plus originales et des plus piquantes qui ait paru depuis longtemps. » Nous oserons donc ne point paraître plus effarouché en morale que ne l’a été Mme Guizot233.

1112. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Comme pensée toutefois, comme coup d’œil moral, il est très-supérieur à cette respectable demoiselle, et on ne saurait se figurer, avant de l’avoir lu, ce qui se rencontre parfois chez lui de délicat comme observation et comme langue. […] Qu’aurait-il pensé de N., qui a tant d’esprit et qui se croit si moral, mais qui dès sa jeunesse, et jusque dans ses frais d’esprit, n’a jamais rien fait d’inutile ? […] La dernière lettre que j’ai à produire, et qui est restée jusqu’ici enfouie dans le recueil qu’on ne lit pas, est d’un tout autre caractère que la précédente, et d’un intérêt moral tout particulier ; elle nous rend la conversation d’un des hommes qui causaient le mieux, avec le plus de douceur et d’insinuation, de ce La Rochefoucauld qui n’avait de chagrin que ses Maximes, mais qui, dans le commerce de la vie, savait si bien recouvrir son secret d’une enveloppe flatteuse.

1113. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Ces hommes pensent, agissent et sentent presque tout à fait comme nous, et l’on se sent bien vite leur égal ; seulement chez eux tout est plus clair, plus pur, plus moral ; tout est raisonnable, bourgeois, sans grande passion et sans hardis élans poétiques, ce qui fait ressembler ce roman à mon Hermann et Dorothée et aux œuvres de Richardson. […] Mais, dites vous-même, n’est-ce pas bien curieux que les sujets du poète chinois soient si moraux et que ceux du premier poète de la France actuelle soient tout le contraire ? — Un talent comme Béranger, dis-je, ne pourrait rien faire d’un sujet moral.

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