» Des jugements très-particuliers sur les divers traducteurs italiens les plus admirés montrent à quel point ces questions de style l’occupaient, et combien il travaillait déjà à tremper le sien. […] Horace, en effet, selon Leopardi et selon quelques autres, aurait été en son temps un grand novateur, un artiste aussi habile que peu timoré en fait de langage ; il s’était de plus montré sévère ou dédaigneux pour ses prédécesseurs, pour Plaute, pour Catulle, et dans cette réaction archaïque un peu tardive, dont Fronton était l’un des chefs, on le lui faisait payer136. […] Le jour où il voudra exprimer nettement sa pensée la plus chère, une profession de foi faite pour être montrée, nous verrons que c’est en français tout naturellement qu’il la consignera. […] « Où sont-ils allés nos songes fortunés qui nous montraient de ce côté l’inconnue retraite d’habitants inconnus, ou bien le lieu d’abri des astres durant le jour, et le lit mystérieux de la jeune aurore, et le sommeil caché du grand astre durant les nuits ? […] J’avais cru d’abord que c’était à cette époque même et pendant son voyage à Rome que Leopardi avait eu maille à partir avec Manzi ; mais celui-ci était mort en février 1821, et la vengeance de Leopardi remonte à l’année 1817 et se rattache à une polémique littéraire dans laquelle Manzi s’était montré grossier.
À son retour, dans le repas des réjouissances, sa mère lui montra un violent poison qu’elle aurait mis dans sa boisson pour le soustraire à la sentence, et « pour montrer qu’elle n’était pas poltronne, ajoute Jonson, elle était résolue à boire la première. » On voit qu’en fait d’actions vigoureuses, il trouvait des exemples dans sa famille. […] Ils vivent librement, largement, au milieu des choses vivantes ; ils voient les convoitises s’agiter, s’élancer sans pudeur, sans hypocrisie, sans adoucissement, et ils les montrent telles qu’ils les voient, celui-ci aussi hardiment, quelquefois plus hardiment que les autres, étayé comme il l’est sur la vigueur et la rudesse de son tempérament d’athlète, sur l’exactitude et l’abondance extraordinaire de ses observations et de sa science. […] Quand Séjan veut acheter une conscience, il questionne, il plaisante, il tourne autour de l’offre qu’il va faire, il la jette en avant comme par jeu, afin de pouvoir, au besoin, la reprendre ; puis quand le regard intelligent du coquin qu’il marchande lui a montré qu’il est compris : « Point de protestations, mon Eudémus. […] On observe le visage de Séjan et on ne sait que prévoir ; Séjan s’est troublé ; puis, un instant servile, il s’est montré plus arrogant que jamais. […] Il se moque des auteurs qui, dans la même pièce, « montrent le même personnage au berceau, homme fait et vieillard de soixante ans, qui, avec trois épées rouillées et des mots longs d’une toise, font défiler devant vous toutes les guerres d’York et de Lancastre, qui tirent des pétards pour effrayer les dames, renversent des trônes disjoints pour amuser les enfants135. » Il veut présenter sur la scène « des actions et des paroles telles qu’on les rencontre dans le monde, donner une image de son temps, jouer avec les folies humaines. » Plus de « monstres, mais des hommes », des hommes comme nous en voyons dans la rue, avec leurs travers et leur humeur, avec « cette singularité prédominante qui, emportant du même côté toutes leurs puissances et toutes leurs passions », les marque d’une empreinte unique136.
« Ces goûts changeront ; cette sincérité s’altérera ; le poète se révélera avec plus de pudeur ; il nous montrera les blessures de son âme, les pleurs de ses yeux, mais non plus les flétrissures livides de ses membres, les égarements obscurs de ses sens, les haillons de son indigence morale. […] J’approchai de sa lèvre, comme miroir, l’ébène brillante d’un petit crucifix que je porte d’ordinaire au cou, don testamentaire de madame de Cursy ; il ne s’y montra aucune haleine. […] Comme le naturaliste consommé, vous voyez le fruit dans la racine, vous suivez la sève dans ses nœuds, vous en montrez les déviations par les accidents de sa vie. […] s’écrie Lycidas ; qui eût répandu les fleurs dont la prairie est semée, et montré l’ombre verte sous laquelle murmurent les fontaines ? […] « Virgile aimait trop la gloire pour ne pas aimer la louange, mais il l’aimait de loin et non en face ; il la fuyait au théâtre ou dans les rues de Rome ; il n’aimait pas être montré au doigt et à ce qu’on dît : C’est lui !
Pour exprimer pleinement la vie, l’art doit montrer l’action, et le dialogue vivant, fondé exactement sur la prose de la conversation commune ; de cette prose l’artiste prendra l’essence, l’accentuera, y joindra la rime, l’allitération, et, par des modulations, notera la suite des sentiments. […] Wagner semble vouloir montrer une indulgence croissante. […] Mais il semble qu’ici le Maître, surpris de l’injustice montrée envers lui par ses compatriotes, ait eu un doute sur la réalité de cette rénovation. « L’esprit allemand serait-il donc mort ? […] Saint-Saëns sont venus après lui, qui ont montré possibles bien d’autres merveilles. […] Le drame a besoin de montrer des faits ; et il doit les montrer par tous les moyens.
Je n’y pouvais rien trouver de choquant, surtout puisque déjà, avant le commencement de la guerre, les Parisiens s’étaient, pour leur amusement, donné en représentation nos malheurs qu’ils supposaient certains ; au contraire, j’espérais même qu’enfin, avec des esprits capables, on réussirait à se montrer original en traitant d’une façon populaire ce genre de sujets ; car, jusqu’ici, même en la plus basse sphère de ce qu’on appelle notre théâtre populaire, tout en était resté à une mauvaise imitation des inventions parisiennes. […] Je n’ai voulu mettre au jour aucun autre côté du caractère français que celui dont la lumière nous fait, en réalité, nous autres Allemands, paraître plus ridicules : car eux, dans toute leur folie, se montrent toujours originaux, tandis que nous, par notre dégoûtante imitation, nous descendons encore au dessous du ridicule. […] … Je voudrais que les Allemands eussent à montrer, non une caricature de la civilisation française, mais le type pur d’une civilisation vraiment originale et allemande. […] Le christianisme y est montré pareil aux religions hindoues, tenant une égale part de la Vérité. Les paroles de Jésus, rarement citées, montrées, plutôt, de vagues symboles, n’ont plus une autorité décisive.
Huber, que les Aphis ne montrent aucune aversion pour les Fourmis. […] Il serait fort étrange que quelqu’un se fût jamais imaginé d’apprendre à un Chien à tomber d’arrêt, si quelques Chiens n’avaient montré une tendance naturelle à le faire ; or l’on sait qu’une pareille tendance se manifeste quelquefois chez diverses races, et je l’ai constatée moi-même chez un pur Terrier. […] Les Loups, les Renards, les Chacals et les diverses espèces félines qu’on a essayé d’apprivoiser, se montrent tous acharnés à la poursuite des Poules, des Moutons et des Porcs. […] Ils les pourchassent bien quelquefois, sans nul doute ; mais comme ils sont châtiés d’abord et tués ensuite, s’ils se montrent incorrigibles, il en résulte que l’habitude, jointe à une certaine action sélective, a concouru à les civiliser héréditairement. […] Or, si dans une portée un petit a montré plus de gentillesse ou moins de sauvagerie, il aura été privilégié et gardé pour la reproduction, tandis que tous les autres auront été impitoyablement vendus ou tués.
La noblesse française, toute portée qu’elle est à prendre aveuglément ses rois pour modèles, ne montra pas pour les lettres le même goût que François Ier. […] J’en appelle à ces productions avortées que leurs illustres auteurs condamnent avec tant de raison à ne point sortir de l’obscurité, et que méprisent tout bas ceux qui les connaissent, après les avoir louées tout haut ; j’en appelle surtout à la manière dont le public en pense, lorsque, par quelque malheur ou quelque maladresse de la vanité, elles osent se montrer à la lumière. […] En vain m’objectera-t-on les honneurs rendus à Corneille, qui avait, dit-on, sa place au théâtre, et qui était salué dès qu’il se montrait, par toute l’assemblée ; je réponds ou que ce fait est exagéré, ou qu’on faisait acquitter à ce grand homme dans le particulier la préférence que la nation lui accordait en public. […] Ce Diogène qui bravait dans son indigence le conquérant de l’Asie, et à qui il n’a manqué que de la décence pour être le modèle des sages, a été le philosophe de l’antiquité le plus décrié, parce que sa véracité intrépide le rendait le fléau des philosophes même ; il est en effet un de ceux qui ont montré le plus de connaissance des hommes, et de la vraie valeur des choses. […] Parmi les grands qui paraissent faire cas des gens de lettres, ceux qui ont quelques prétentions au bel esprit, forment une espèce singulière ; la vanité leur a donné ces prétentions, l’orgueil les empêche de les montrer indifféremment à tout le monde.
N’accusons pas l’indifférence des contemporains de Vico ; essayons plutôt de l’expliquer, et de montrer que La Science nouvelle n’a été si négligée pendant le dernier siècle que parce qu’elle s’adressait au nôtre. […] En effet Vico n’avait pu dans un discours montrer que la partie philosophique de son système, et avait été obligé d’en supprimer les preuves, c’est-à-dire toute la partie philologique. […] Pour dire la mer, ils la montraient de la main ; plus tard ils dirent Neptune. […] Les nobles se dévouent au salut de la patrie, auquel tiennent tous les privilèges de leur ordre ; les plébéiens, par des exploits signalés, cherchent à se montrer dignes de partager les privilèges des nobles. […] Une seule anecdote montrera l’état de gêne où il se trouvait, et l’indifférence de ses protecteurs.
Tout ceci soit dit pour montrer que Louise Labé a pu s’émanciper quelque peu dans ses vers sans trop déroger aux convenances d’un siècle infiniment moins difficile que le nôtre. […] Et pour ce que les femmes ne se montrent volontiers en public seules, je vous ai choisie pour me servir de guide, vous dédiant ce petit œuvre… » Louise Labé se présente donc devant le public en tenant la main de cette demoiselle honorée dont elle se signe l’humble amie : voilà sa condition vraie et si peu semblable à celle qu’on lui a faite à distance. […] Mais quand mes yeux je sentirai tarir, Ma voix cassée et ma main impuissante, Et mon esprit en ce mortel séjour Ne pouvant plus montrer signe d’amante, Prîrai la Mort noircir mon plus clair jour ! Ce dernier vers pourra sembler un peu serré, un peu dur, mais le sentiment général, mais l’expression vive du morceau, ces yeux qui tarissent, montrer signe d’amante, ce sont là des beautés qui percent sous les rides et qui ne vieillissent pas.
J’allais périr,… quand la Gaieté, mon inséparable compagne, soulevant d’une main le voile de l’avenir, me montra de l’autre le beau ciel de ma patrie, où le bonheur semblait m’appeler. » Et voilà sa barque remise à flot, aventureuse et légère ; le voilà plus en humeur, plus en veine que jamais, se croyant quitte une bonne fois avec le malheur, et n’invoquant pour tous patrons à l’avenir que Momus (comme on disait alors) et que Thalie : Naturam expellas furca, tamen usque recurret. […] J’ai indiqué à dessein, chemin faisant, les dates de presque toutes les pièces que j’ai citées ; on aura pu remarquer qu’elles sont toutes d’avant 1815 ; non pas que Désaugiers n’ait fait de charmants couplets depuis ; mais ce que je tiens à bien montrer, c’est qu’il est proprement le chansonnier de l’Empire, celui d’avant 1815 en effet. […] Je continue de le peindre tel qu’on me l’a montré, tel qu’il m’apparaît tout à fait présent. […] vi) nous montrent Désaugiers chef d’orchestre au petit théâtre dit des Victoires nationales, rue du Bac, vers l’année 1799.
Ici Tacite reprend le récit de la guerre civile, après avoir ainsi montré en Orient le germe d’un autre règne. […] Plus vous me montrez de chances de succès, s’il me convenait de vivre, plus beau et plus méritoire, à moi, me sera-t-il de mourir ! […] « Il faisait fournir des barques et des canots à ceux qui voulaient fuir ; il anéantissait les lettres et les notes qui auraient pu servir de témoignage du zèle qu’on avait montré pour lui, des injures qu’on avait proférées contre Vitellius ; il distribuait des gratifications avec mesure, et nullement comme un homme qui n’a rien à ménager après lui ; ensuite il s’appliqua à consoler le fils de son frère, Salvius Coccéianus, enfant en bas âge, qui tremblait et qui pleurait, louant sa tendresse, gourmandant son effroi, l’assurant que le vainqueur ne serait pas assez barbare pour refuser la grâce de ce neveu, à lui, qui avait conservé à Rome toute la famille de Vitellius, et qui allait, par la promptitude de sa propre mort, mériter la clémence de ce rival : car ce n’était point, ajoutait-il, dans une extrémité désespérée, mais à la tête d’une armée demandant à combattre, qu’il épargnait volontairement à la république une calamité nouvelle ; qu’il avait assez de renommée pour lui-même, assez d’illustration pour ses descendants ; que le premier, après les Jules, les Claude, les Servius, il avait porté l’empire dans une nouvelle famille ; que son neveu devait donc accepter la vie avec une noble assurance, sans oublier jamais qu’Othon fut son oncle, et cependant sans trop s’en souvenir. » VIII « Après ces soins donnés aux autres, il prit quelques moments de repos. […] Montrez-moi un historien de cette trempe dans les auteurs modernes, fût-ce Bossuet !
C’est par l’analyse et la critique qu’ils procèdent, et il nous semble que le moyen le plus sûr et le plus facile de prouver les beautés d’un livre, c’est de les montrer. […] Ce n’étaient pas seulement des étudiants qui y apportaient leur turbulence habituelle ; des gens du monde, des fonctionnaires de l’état, y venaient avec leurs distractions accoutumées ; des femmes même s’empressaient d’y montrer l’élégance de leur toilette. […] « Il doit, s’il est jaloux qu’on se plaise à l’entendre, « Se montrer tour à tour Trissotin ou Clitandre ; « Il doit, changeant de voix aussi bien que de nom, « Être Tartuffe, Alceste, Achille, Agamemnon. […] « Et si, par un défi vous vouliez me confondre, « Avec Molière alors j’aurais à vous répondre « Je pourrais, par malheur, lire aussi mal que vous, « Mais je me garderais de le montrer à tous. » Matinées littéraires, Rue Duphot, 12.
Par cette comparaison saisissante, il montra mieux que ses contemporains par leurs théories, et mieux qu’il n’eût fait lui-même par des écrits originaux, quels guides l’esprit français devait suivre, à quelles sources notre langue pouvait puiser des richesses durables. […] Sainte-Marthe disait qu’Amyot, « en portant la langue au plus haut point de pureté dont elle semblait capable, n’avait guère moins acquis de gloire par cette voie que s’il avait conquis de nouvelles provinces par l’épée, et étendu les limites du royaume130. » Huet le loue « d’avoir apporté dans sa traduction tant d’esprit et tant de bonnes dispositions, tant de subtilité et tant de politesse, qu’on peut dire qu’il a été le premier qui ait montré jusqu’où pouvaient aller les forces et l’étendue de notre langue131. » — « Quelle obligation dit Vaugelas, ne lui a point notre langue, n’y ayant jamais eu personne qui en ait mieux su le génie et le caractère que lui, ni qui ait usé de mots ni de phrases si naturellement françaises, sans aucun mélange des façons de parler des provinces, qui corrompent tous les jours la pureté du vrai langage français ! […] Le caractère de Montaigne, tel que nous le montrent les Essais, est celui d’un homme nonchalant par humeur, non moins que par la faveur d’une condition qui lui permettait le repos ; irrésolu, tantôt par l’effet des lumières, qui font voir autant de raisons pour s’abstenir que pour agir, tantôt par la fatigue de délibérer, détestant l’embarras des affaires domestiques, et préférant l’inconvénient d’être volé à l’ennui de veiller sur son bien ; ennemi de toute contrainte, jusqu’à regarder comme un gain d’être détaché de certaines personnes par leur ingratitude ; ne donnant prise sur lui à rien ni à personne, ne se mettant au travail qu’alléché par quelque plaisir simple, naïf, vrai avec lui-même et avec les autres ; ayant le droit de parler de sa facilité, de sa foi, de sa conscience, de sa haine pour la dissimulation, dans un temps où toutes ces qualités étaient autant de périls142 ; « ouvert, dit-il, jusqu’à décliner vers l’indiscrétion et l’incivilité » ; délicat à l’observation de ses promesses jusqu’à la superstition, et pour cela prenant soin de les faire en tous sujets incertaines et conditionnelles143 ; franc avec les grands, doux avec les petits ; le même homme que le besoin d’ouverture pouvait rendre incivil ; poussant la civilité jusqu’à être prodigue de bonnetades 144, notamment en été, dit-il, sans doute parce qu’on risque moins en cette saison de s’enrhumer en général, ayant les vertus de l’honnête homme, et sachant, en un cas pressant, en montrer ce qu’il en fallait, mais n’en cherchant pas l’occasion un mélange de naïveté et de finesse, d’ouverture et de prudence, de franchise et de souplesse ; modérant ses vertus comme d’autres modèrent leurs vices ; mettant pour frein à chacune ce grand amour de soi, dont il ne se cache pas et qui formait son état habituel ; enfin, s’il fut vain, ne l’étant guère moins de ses défauts que de ses qualités.