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709. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Mais l’histoire de la philosophie nous montre comment il est contraint, pour expliquer le donné, de faire appel à l’inconscient et de lui faire une place à côté ou même au-dessus du conscient. […] Comme le montre le savant et profond ouvrage de M.  […] Les habitants de Kœnigsberg mettaient leur montre à l’heure en voyant le philosophe Kant faire sa promenade journalière. […] De plus elle nous montre, avec l’hétérogénéité relative des lois, leur influence mutuelle. […] Mais une juste notion des lois naturelles lui rend la possession de lui-même, en même temps qu’elle lui montre que sa liberté peut être efficace et diriger les phénomènes.

710. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Il me montre ensuite un certain nombre de petits albums explicatifs de son talent, où, en deux ou trois coups de mine de plomb, qu’on pourrait appeler des instantanés du crayon, il surprend une attitude, un mouvement, un geste, — et rien que cela de l’homme ou de la femme, qui lui sert de modèle. […] Et parlant du dessin, qu’il a publié ce matin, dans L’Écho de Paris, il me dit qu’il avait voulu exprimer, à propos de l’adultère, l’espèce de remords qu’une femme de la société éprouve devant le dégoût inspiré, dans une chambre d’hôtel, par la serviette posée sur le pot à l’eau, pour le bidet… Et en effet, il me montre un dessin, où la femme est douloureusement hypnotisée par ce pot à l’eau ; mais il n’avait pas trouvé la légende philosophique, montant de ce pot à l’eau. […] Une vente, où se trouvent mêlés aux livres, un bon mobilier de chambre à coucher en palissandre ciré, une belle pendule Empire en bronze doré, une tête d’homme de Ribot, deux dessins de Boulanger, et une montre d’or à remontoir. […] Lavoix me le montre avec son parler, tout farci de mots latins et grecs, et quelques instants après, qu’il avait manqué d’être écrasé, lui disant : « Oui, par une voiture à deux chevaux, un bige, mon cher collègue. » C’était lui, qui se défendant de toujours travailler, faisait l’aveu, que le dimanche, il lui arrivait parfois de lire un livre futile, et le livre qu’il montrait, était le dix-septième volume de l’Histoire de l’Empire, de Thiers. […] Une danse qui est une douce oscillation des torses, s’enfiévrant peu à peu, et d’où se détache et jaillit de temps en temps, une femme devant son fiancé, devant l’homme aimé, et qui se torsionne debout, comme sous une étreinte passionnée, et passant sa main entre ses cuisses, la retire, et la montre tout humide de la jouissance amoureuse.

711. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Plus savante et plus raffinée en sa psychologie, cette poésie aristocratique nous montre les mêmes énergies au service d’autres mobiles ; et c’est déjà, au-delà des frontières des nations et des religions, la tendance à universaliser ; si bien qu’aujourd’hui encore, en tout pays civilisé, Tristan vit et meurt pour Yseut, et Lancelot s’obstine à la recherche du Graal. — Toujours dans le domaine épique, ce sont les lais ; Marie de France ; les branches primitives du Roman de Renart, d’où la satire est encore absente ; la première partie du Roman de la Rose où, sous une forme épique, il y a beaucoup de lyrisme, de celui de l’époque. […] Toinet a dressé récemment la liste des « épopées » au xviie  siècle ; ce travail est méritoire, bien qu’il ne mentionne que des œuvres oubliées à juste titre ; il montre l’étendue du mal. […] Lanson l’a dit : « Prenons le témoignage des contemporains : Quinault les satisfaisait, et Racine leur fit l’effet d’un brutal. » Et ailleurs : « Quinault montre à bâtir un roman héroïque et galant : car le vide de ces tragédies ne peut être rempli que par les complications romanesques. » De là les préfaces amères de Racine ; de ce découragement résulte sans doute, en partie, son retour à la religion. […] Ce xviie  siècle, si riche en œuvres et en hommes, nous montre mieux que toute autre époque l’action combinée de trois forces souvent contraires : l’esprit général de la période (qui est épique), la tradition savante (qui enseigne le culte de la tragédie, de l’épopée, et qui donne les règles précises de ces « formes »), l’individualité (qui tend à la liberté) ; de là les résultats les plus variés, dans les œuvres de valeur relative comme dans celles de valeur absolue ; par exemple : le moule rigide étouffant l’esprit (épopée) ; la forme nouvelle et vivante (roman) ; la forme vidée (lyrisme) ; la forme en conflit avec le contenu (tragédie romanesque), mais galvanisée par le génie héroïque (Corneille) ; l’art suprême, original, s’harmonisant avec la tradition savante, méconnu du public (Racine) ; ou se créant une forme personnelle (La Fontaine) ; l’individualité du précurseur, arrêtée à mi-chemin, révélant un monde en fait, et un autre en puissance (Molière). […] Par contre, voyez comment Paul Astier de L’Immortel est devenu, par une transformation intime et directe, le Paul Astier de La Lutte pour la vie ; la préface que Daudet a mise à son drame montre avec netteté que l’indignation morale a fait passer le poète du récit au drame.

712. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Son jugement excellent et fin lui montre les sottises des hommes ; mais Rabelais ne va pas jusqu’à s’en affliger. […] S’il se montre indépendant de la coutume et des préjugés de son temps, son père lui en a donné l’habitude. […] Il faut qu’on nous montre la source, pour ainsi dire, de l’inconsistance et des contradictions humaines. […] Ceci réservé, convenons que dans cette section se trouvent d’excellentes choses, et que l’auteur y montre parfois une vraie vigueur de pensée et une remarquable vérité d’observation. […]   La Bruyère n’oublie pas les femmes ; mais il ne montre la femme que sous le costume des femmes du monde.

713. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Ce défaut se montre aussi parfois dans les Confidences ; mais il n’a pas, comme dans Raphaël, un caractère systématique. […] Il faut que le père se montre à nous, tout entier, avec ses angoisses, ses défaillances et que la victoire demeure pourtant à l’ambition cachée sous le manteau du patriotisme. […] L’amour d’Adrienne pour Albert, si habile que se montre le poète, ne signifie pas grand-chose, au milieu d’une guerre qui moissonne quelques milliers de têtes. […] La lecture des Méditations montre bien qu’elles ont été conçues, écrites sans l’intervention de la volonté. […] Plus les mots sont ménagés avec avarice, plus la pensée se montre à découvert.

714. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Je m’y suis quelquefois arrêté pour entendre le vent gémir autour de la statue de Charles II, qui montre du doigt la place où périt son père. […] Mais la scène ne se montre dans toute son horreur qu’au bord même de l’Océan. […] Dans l’examen de l’ancien ministère public en France, il montre une connaissance approfondie de notre histoire. […] Dans le livre second de son ouvrage, M. de Bonald montre l’application aux états particuliers de la société. […] L’imagination se montre dans tous les instants , dit l’auteur.

715. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il nous apprend qu’on lui faisait l’honneur de dire de lui « que comme don Quichotte avait eu la tête tournée par la lecture des romans, il lui était arrivé la même chose par celle de Plutarque. » Il n’est que bizarre, et il montre plus de bonhomie que de tact et de goût (de ce goût qu’avait si fort son ami Voltaire, et qui est avant tout sensible au ridicule), lorsqu’il écrit de lui-même à la date de juin 1743, environ un an avant de devenir ministre : Je me sens doux et sévère, je tiens beaucoup de Paméla et de Marcus Porcius Caton. […] Il s’y montre lui-même par contrecoup mieux que partout ailleurs, et il plaide indirectement pour ses propres qualités et un peu aussi pour ses défauts ; continuant donc son monologue et ce parallèle secret entre son frère et lui : Qui prendra, dit-il, pour des affaires sérieuses son choix à la figure, aux airs importants, au discours spirituel, et au bon air dans la dépense et dans le maintien, fera toujours une mauvaise affaire ; ce n’est là que la superficie, et même la perfection de cette superficie a dû nécessairement prendre sur le fond, et être faite à ses dépens.

716. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Prenant le sujet de Titus et Bérénice dont Racine a fait une tragédie, il montre comment, en le traitant narrativement, on pourrait en faire aussi bien un poème épique. […] Lorsque Homère nous montre les vieillards causeurs assis sur les murailles de Troie, au haut des portes Scées, au moment où ils vont louer la beauté d’Hélène, il les compare à des cigales harmonieuses qui chantent posées sur un arbre dans un bois, et exhalent leur voix de lis.

717. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Villon ne s’en tint pas là : il vint un moment où il descendit jusqu’à une Margot, dont il nous ouvre le bouge, et il s’y montre installé comme chez lui, — mieux que chez lui. […] La page de critique conjecturale où il se répand à ce sujet, et où il se laisse aller à quelques regrets sur son auteur favori, est trop heureuse de développement et d’une trop bonne venue pour que nous en privions le lecteur : On ne peut, nous fait-il remarquer, afficher plus de mépris pour la campagne que n’en montre Villon dans cette pièce.

718. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Là, montre-moi ce miroir ; regarde derrière, et moi devant. […] Dans un des articles de son grand Dictionnaire 43, il décrit la salle synodale de Sens, une de ces vastes salles destinées à des réunions nombreuses, où il fallait trouver de la lumière, de l’air, de grandes dispositions ; il nous la montre réunissant toutes les conditions d’utilité et de beauté.

719. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Le mariage entre Rodrigue et Chimène, malgré la rivalité de don Sanche qui n’est là que pour la montre, semble convenu d’avance ; le comte y donne les mains. […] Il se montre chevaleresque et plus que courtois pour elle en cette rencontre, et ne s’éloigne qu’en emportant avec lui ses vœux et sa bénédiction.

720. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Dans ce simple récit, il se montre, sans y songer, tout à son avantage. […] Il se montre dans toute cette Correspondance prudent, avisé, vigilant, mais sans vouloir hâter la marche des réformes et demandant le secours du temps.

721. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Ce n’est point pourtant dans les Mémoires de Mme Roland que je trouverais précisément ce rapport de ressemblance entre l’art et la littérature ; ils sont trop courants, trop naturels, trop vivants ; si l’on excepte deux ou trois traits, elle s’y montre plus fille de Jean-Jacques encore que des vieux Romains. […] « Il y a telle femme ; dit La Bruyère, qui anéantit ou qui enterre son mari, au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention… » Elle, elle a trop éclairé le sien, elle l’a mis sur le pinacle, et elle a achevé par là même de l’écraser, de l’enterrer sous ses révélations dernières ; dans ses lettres à Buzot, elle l’appelle d’un ton où perce la pitié « le malheureux Roland » ; elle le montre à la fin abattu, baissé, démoralisé (c’était bien permis).

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