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840. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Ils ont publié Diderot parce que c’est Diderot et que Diderot est un gros personnage, enflé comme une bulle de savon par la Critique moderne, et même à l’état du ballon pour l’énormité… La Critique moderne, la Critique romantique, a placé Diderot à une hauteur où son propre siècle — le siècle de l’Encyclopédie pourtant ! […] L’opinion moderne, reconnaissante, probablement, de ce qu’il avait travaillé à la destruction de l’autorité religieuse et politique, l’accepta beaucoup trop sur le pied où il se donna d’un homme de génie, et la Critique, si basse souvent, suivit l’opinion, au lieu de la conduire. […] La tragédie bourgeoise de Diderot, qui est devenue le drame moderne, n’était rien de plus que du la Chaussée, et les contemporains eux-mêmes de Diderot ne furent pas les dupes des airs superbes de sa théorie. […] Ses Salons battent incessamment en brèche la conception de l’art telle qu’elle s’établit de plus en plus dans l’esprit moderne, attentif seulement aux beautés techniques et se permettant très bien des impertinences comme celle de ce coussin de couleur qui choque tant Diderot dans la pauvre étable de Bethléem. […] Tous les têtards de la poésie moderne grouillent dans le frai des théories de Gœthe, et Gautier, qui a cherché à le reproduire chez nous, est fait avec son albumine.

841. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Et pourquoi, Messieurs, hésiterions-nous à le dire, en d’autres termes, plus modernes ou plus actuels ? […] C’est de là, Messieurs, que va bientôt se dégager et sortir la formule ou la loi du roman moderne. […] Mais n’est-ce pas ici qu’il faut être modernes, et secouer, ou jamais, l’autorité d’Aristote ? […] je suis un Moderne, moi ! […] Mme Dacier mise à part, — qui était presque un homme, — toutes les femmes étaient alors modernes.

842. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Très évidemment les sociétés modernes, aussi bien pour leurs simples citoyens que pour leurs soldats, s’occupent peu de la qualité et ne s’inquiètent que de la quantité. […] » Les sociétés modernes, et depuis une antiquité assez reculée elles sont modernes, sont donc de soi antinietzschéennes ; et Nietzsche ne peut pas s’empêcher d’être un peu antisocial et surtout de le paraître. […] La solidarité est une vertu particulièrement moderne dont on fait beaucoup d’état dans les discours officiels comme aussi dans les discours populaires. […] Napoléon qui voyait dans les idées modernes et en général dans la civilisation quelque chose comme un ennemi personnel, a prouvé par cette hostilité qu’il était un des principaux continuateurs de la Renaissance. […] S’il en était capable, il ne serait ni chair ni poisson ; il serait… moderne. » L’artiste, par conséquent, est aussi impersonnel que possible.

843. (1923) Au service de la déesse

Ils inventent le roman moderne. […] Leur roman, c’est le roman vrai, le roman moderne. […] Goncourt a beau vous répéter : « C’est moderne ; c’est la vérité moderne ; l’art moderne », et moderne à tout bout de champ, — ce ne l’est plus. […] On dira que je réduis le roman, — le roman moderne !  […] Il semble si moderne ; et, à certains égards, il est si moderne !

844. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Les progrès de la physiologie moderne ont prouvé que toutes ces localisations absolues des conditions de la vie sont des chimères. […] Des expériences modernes ne permettent pas d’en douter. […] On peut ajouter qu’il en fut le dernier représentant ; l’esprit moderne n’a pas accueilli une doctrine dont la contradiction avec la science était devenue trop manifeste. […] De son côté, l’iatrochimie, qui n’est qu’une face de la doctrine cartésienne, poursuivit sa marche et fut définitivement fondée à l’avènement de la chimie moderne. […] Cependant la conception de Bichat, dégagée des erreurs presque inévitables à son époque, n’en reste pas moins une conception de génie sur laquelle s’est fondée la physiologie moderne.

845. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Café de lettres Dans une ville imaginée, figurez-vous un café pas du tout comme les modernes caboulots. […] Blanc sur blanc, comme chez Whistler et quelques autres peintres, si modernes, qu’ils semblent n’exister que dans l’avenir ! […] Il y a quelque peu trop de Gothique chez nos voisins (et cependant même leur Gothique moderne est plein de charme) tout comme chez nous se voit beaucoup trop de Roman ! […] Cette manière de concevoir et de procéder me semble et semblera sans doute plus particulièrement vivante et directe que toute cette psychologie purement descriptive qu’affectent nos « modernes ». […] Dans un « conseil aux jeunes gens », M. le vicomte de Colleville leur dit, en deux vers excellents, à propos de jeunes filles modernes — et éternelles !

846. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXV » pp. 97-99

Que les bons citoyens trouvent le million, moi je me charge de trouver les hommes… » Ces hommes (les collaborateurs du journal) seraient au fond le véritable pouvoir moral de la nation, les administrateurs de la pensée publique, le concile permanent de la civilisation moderne… Il y a en ce temps-ci quelque chose de plus beau que d’être ministre de la Chambre ou de la Couronne, c’est d’être ministre de l’opinion !

847. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie »

Sainte-Beuve était loin, sans doute, de se croire aussi bon prophète, quand, quelques pages plus loin, dans l’étude ci-dessus (page 272), à propos de l’édition moderne de l’Art poétique de ce même Vauquelin, par M. 

848. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Docquois, Georges (1863-1927) »

Hors des redites et des banalités, il sait relater, en phrases substantielles, colorées, durables, tels aspects et mouvements caractéristiques de la vie moderne.

849. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Redonnel, Paul (1860-1935) »

Louis-Xavier de Ricard De poète plus moderne que Paul Redonnel il n’y en a certes pas, — et pourtant il est en même temps la survivance, en ses qualités intimes d’artiste, des troubadours de la grande époque — supposez

850. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 421-423

Ce personnage est le principal mobile de l’action ; & sans agir pour lui-même, sans affoiblir l’intérêt qui roule sur les Amans, ni emprunter aucun secours étranger, il parvient à faire sortir le dénouement du fond du sujet ; ce qui est très-rare dans un Valet intrigant, & peut-être même sans exemple chez nos meilleurs Comiques anciens & modernes.

851. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 548-551

Nous conviendrons cependant qu’ils ne sont pas sans mérite ; ils annoncent une étude réfléchie de l’Ecriture & des Peres, la connoissance des hommes & des mœurs nationales, sur-tout le talent de s’exprimer avec autant de correction que de noblesse & de facilité ; nous ajouterons qu’ils ne sont pas défigurés par ces raisonnemens subtils ou entortillés, ces idées bizarres ou communes, ces tours pénibles, ces expressions recherchées, qui caractérisent la plupart des Prédicateurs modernes : mais il faut avouer aussi que ce n’est point assez pour soutenir la réputation glorieuse qu’ils lui avoient acquise dans la Chaire.

852. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

La crainte des flammes vengeresses et de l’éternité formidable de notre Enfer, perce à travers le rôle de cette femme criminelle39, et surtout dans la scène de la jalousie, qui, comme on le sait, est de l’invention du poète moderne.

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