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1351. (1886) Le naturalisme

Un homme entre dans une église, s’agenouille aux pieds d’un confesseur et lui raconte sa vie sans omettre une circonstance, sans voiler ses bassesses ni ses fautes, sans cacher ses sentiments ni atténuer ses mauvaises actions. […] Bien qu’il soit allé à Paris, comme presque tout le monde y est allé, un étranger peut difficilement se rendre compte si les mœurs françaises sont aussi mauvaises. […] Bien peu d’entre les critiques qui crient le plus fort contre le naturalisme, s’aperçoivent des mauvaises herbes déterministes qui croissent dans le jardin de Zola. […] Comme chaque auteur entend la morale à sa manière, ils l’expliquent ainsi : je laisse au jugement du lecteur de décider ce qui est le plus mauvais, de laisser la morale de côté ou de la falsifier. […] Il en arrive de même dans la vie où les mauvaises actions sont punies par leurs propres conséquences.

1352. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le principe de Porta était bien l’anthropophagie, mais comme il ne voulut pas donner à ses contemporains de mauvais conseils, il tourna la difficulté par un procédé ingénu. […] Tous, bons ou mauvais, descendaient dans ces ténèbres extérieures, où il ne se passait rien, où ne régnait que la nuit ; eux seuls, parmi les peuples anciens, semblent n’avoir eu aucune préoccupation de l’au-delà. […] Cette mauvaise hérédité fut heureusement compensée par sa mère, personne gaie, intelligente et spirituelle, mais il en résulta, dans le grand poète, un état qui le faisait ressembler tantôt à son père, tantôt à sa mère. […] A une mauvaise nouvelle on peut éprouver des sensations de constriction, d’étouffement, d’étourdissement. […] La conscience n’est peut-être que la sensation d’un effort, un état consécutif à un mauvais travail, C’est la lampe qui fume.

1353. (1903) Le problème de l’avenir latin

Quelque mauvais génie — le génie de la terre germanique, dirait-on — semble méthodiquement ruiner tout ce que les Romains tentent de ce côté. […] Un mot explique tout, donnant, pour ainsi dire, la clef d’un problème qui serait simple, si tant de nuages et de malentendus ne l’obscurcissaient, si tant d’ignorance, d’indifférence et de mauvais vouloir n’en reculaient indéfiniment la solution. […] Cet enseignement est tout au plus propre à former de bons fonctionnaires et de mauvais littérateurs, des avocats et des hommes de salon, des cerveaux faibles ou déments, des êtres délicats et souples qui passeront leur existence vide à effleurer les choses au lieu de les étreindre. […] C’est là le germe initial de corruption et le principe mauvais auquel on aboutit toujours lorsqu’on remonte le cours des maladies dont souffrent les grands organismes latins. […] Fortement persuadés que les anciennes méthodes d’existence sont mauvaises, imbus d’idées modernes, orientés vers de nouveaux horizons, plus ou moins clairement conscients des besoins de l’avenir, ces nouveaux Latins constituent, dans leur milieu, un germe d’affranchissement.

1354. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

La première version de la traduction des nouvelles de Poë était assez mauvaise ; peu à peu, pendant qu’elle passait sous la main des imprimeurs, elle a reçu la forme définitive et lucide que nous lui connaissons. […] Chacun de nous porte toutes les mauvaises dispositions en lui. […] Oui, on le mit sous les verrous, le pauvre faune ; on voulut lui rendre la raison en le condamnant à regarder du mauvais côté de hautes murailles blanches. […] Nulle mauvaise pensée ne me venait. […] Faites donc des plans, quand la mauvaise réussite est certaine, mais surtout occupez-vous donc du problème qu’agitent en ce moment tant de têtes vides, pour déterminer la forme future du roman.

1355. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

S’il raille, c’est en effleurant ; l’âpreté et la vivacité blessante seraient ici de mauvais ton ; le style mesuré est de mode, pratiqué et universel au même titre que l’art de bien attacher ses canons et son rabat. […] Quelles sont déjà lugubres, ces montagnes, et de mauvais augure, sous ce grand linceul à longs plis ! […] Une seule de leurs paroles réfute ceux qui déclarent l’homme mauvais par nature. […] Tout ce mal vint de la mauvaise éducation et des mœurs d’Athènes. […] La cuisine, l’écurie, le garde-manger, la maçonnerie, la ménagerie, les mauvais lieux, il prend des expressions partout.

1356. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

« Mais bientôt l’esprit, grandissant, commença à généraliser, et nim en vint à signifier toute chose mangeable ; il y ajoutait, selon l’occasion, tantôt le mot bon, tantôt le mot mauvais, qu’il avait appris en même temps, et disait ainsi : nim bon et nim mauvais. […] nim), pour dire mauvais, répugnant à manger. — Il est certain que le verbe nimer (to nim), signifiant manger, se serait développé en lui, si son esprit en mûrissant n’avait adopté la langue courante qui s’offrait à lui toute faite. » — L’initiative de l’enfant se manifeste encore par l’usage incorrect qu’il fait de nos mots en leur donnant un sens qu’ils n’ont point pour nous et qu’il invente.

1357. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Aujourd’hui que nous avons à parler à propos d’Audubon de la cause américaine, nous le faisons en tremblant, car nous craindrions également ou d’être injuste envers un grand peuple naissant dans l’Amérique du Nord, ou d’être injuste envers l’autre moitié de ce peuple qui soutient une mauvaise cause dans l’Amérique du Sud. […] « Si vous voulez bien comprendre, au contraire, que, l’esclave étant une mauvaise propriété, mais enfin une propriété légale, garantie par l’État comme toutes les autres, vous ne pouvez l’exproprier sans indemnité aux propriétaires, et sans donner en même temps aux propriétaires du sol, par votre indemnité, les moyens de payer un salaire à l’esclave émancipé pour son travail devenu libre, je reste alors et je poursuivrai persévéramment avec vous cette œuvre d’humanité et de civilisation !  […] L’Indien, d’un geste éloquent, désigna les deux fils de la mégère, et s’écria en mauvais français à peine intelligible : — Eux vouloir tuer celui-là, l’homme blanc, et moi, l’homme rouge.

1358. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

J’en étais informé par sa correspondance, et, en arrivant à Chambéry, je n’eus qu’à recueillir le fruit d’un an de patience et à emmener avec moi la femme accomplie que l’attachement le plus fidèle et le plus dévoué me destinait pour compagne de mes jours bons et mauvais. […] XXXII Ma renommée de poète à peine éclos, ma qualité de diplomate français, l’accueil dont j’étais l’objet à la cour du souverain, mon bonheur intérieur, la présence de mes meilleurs amis, le loisir réservé à la poésie de ma vie comme à celle de mes pensées, ma reconnaissance pour tous ces dons de la Providence et mon penchant à la contemplation pieuse qui s’est toujours accru en moi dans les moments heureux de mon existence, comme les parfums de la terre qui s’élèvent mieux sous les rayons du soleil que sous les frimas des mauvais climats, semblaient me promettre une félicité calme dont je remerciais ma destinée ; lorsqu’un événement étrange et inattendu vint changer du jour au lendemain cet agréable état de mon âme en une sorte de proscription sociale qui se déclara soudainement contre moi, et qui me fit craindre un moment de voir ma carrière diplomatique coupée et abrégée au moins en Italie, ce pays du monde dont j’aimais le plus à me faire une patrie d’adoption. […] Le dieu qu’adore Harold est cet agent suprême, Ce Pan mystérieux, insoluble problème, Grand, borné, bon, mauvais, que ce vaste univers Révèle à ses regards sous mille aspects divers : Être sans attributs, force sans providence, Exerçant au hasard une aveugle puissance ; Vrai Saturne, enfantant, dévorant tour à tour ; Faisant le mal sans haine et le bien sans amour ; N’ayant pour tout dessein qu’un éternel caprice ; Ne commandant ni foi, ni loi, ni sacrifice ; Livrant le faible au fort et le juste au trépas, Et dont la raison dit : « Est-il ?

1359. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Pour les autres, il n’avait que défiances, menaces et mauvais procédés. […] Voilà, vue du bon côté, la transformation accomplie ; la voici vue du mauvais. […] Aussi le sabre et la pensée, qui ne peut se passer d’indépendance, font-ils d’ordinaire mauvais ménage, et le dressage des futurs soldats est-il calculé, en vue de leur inculquer le respect de la discipline, même en matière intellectuelle.

1360. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Camille Benoit disait : « … Il fut un temps où Wagner était regardé comme un simple énergumène ; le prendre au sérieux semblait à la plupart un paradoxe, une gageure, une mauvaise plaisanterie. […] mais quel mauvais usage il en fait ! […] Contre-sens : Wagner explique, dans le pamphlet cité, l’influence, mauvaise, de la mode Louis XIV, en Allemagne, et la caractérise, par l’usage des perruques, pris à Versailles ; et il ajoute que le grand Bach réagit contre l’esprit étranger, le repoussa, rejeta son influence, et s’écarta, — sortit de la perruque.

1361. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Que Sigurd fût classé dans cette catégorie, il ne se trouverait pas, je pense, en mauvaise compagnie ? […] C’est précisément à ce titre que nous regrettons de le voir représenter aujourd’hui dans une salle si défectueuse, où il n’est possible de bien entendre de nulle part, l’acoustique laissant fort à désirer ; où beaucoup de places sont mauvaises ; où les premières sont spécialement affectées aux exhibitions de toilettes et aux conversations mondaines ; où l’orchestre, enfin, manque d’ensemble… et d’un chef pour le conduire. […] Un fait absolument nouveau ne peut donc être jugé que par la sensibilité elle-même, qui seule prononce sans intermédiaire, sous l’action immédiate de l’impression bonne ou mauvaise, c’est-à-dire des gradations et des nuances du plaisir et de la douleur.

1362. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Mardi 20 avril Du moment qu’il y a un concert universel d’éloges dans la presse, sur un livre, on peut sûrement affirmer, que le livre n’est pas bon, et par contre, affirmer également, quand l’éreintement de la presse est général, que le livre n’est pas mauvais. […] Mauvaise impression produite dans la salle, sans que je m’en doute trop, par la scène châtrée de Bourjot, que Céard supprime, sur la crainte, exprimée par Zola, que la scène ne soit accrochée. […] Ce soir, je trouve Porel dans son cabinet, tout, tout seul, assis dans sa chaise curule, les bras tombés autour de lui, et qui m’accueille par ces mots : « A-t-elle été assez mauvaise la presse, Le Petit Journal, Le Gil-Blas… C’est indigne… Ils se gardent bien d’avouer le succès d’hier… Ça tue la location. » Et je vais l’attendre dans sa loge, où il m’a promis de venir, et où il ne vient pas.

1363. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Ce sont là des rouages inutiles et mauvais ; ils ne servent en rien à soulager les infortunes de la foule des misérables, dont les maux s’aigrissent encore par suite de la dureté de cœur qu’engendrent chez les riches et les puissants leur situation même, et leur avidité de richesse et de pouvoir. […] À peine a-t-il l’oreille du public qu’il se lance, inconsidérément souvent, dans une lutte acharnée contre tout ce qu’il prenait pour des abus, l’institution pourtant utile des workhouses, les mauvaises écoles, la rapacité des gens de loi, l’insolence des bureaucrates, tous les vices et les défauts que nous l’avons vu flageller. […] Ce fut là une mauvaise passe dont Dickens se souvint toute sa vie, avec un mélange d’humiliation, de colère, qu’il ne surmonta jamais.

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