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1691. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

On ne peut assurément prétendre que le temps ait manqué à Flaubert pour parachever la Tentation de saint Antoine. […] Aussi ne blâme-t-il point en termes exprès maître Ramon, comme n’eût pas manqué de le faire un Molière ou un Shakespeare. […] Elles n’y manquèrent point. […] Il manquait de mesure et blasphémait contre la beauté. […] Assurément, il manque de douceur, de tolérance et de courtoisie.

1692. (1914) Une année de critique

D’imagination surtout elle manque visiblement quand il s’agit d’expliquer les motifs de sa fuite. […] Mais ce qui manque aujourd’hui c’est, pour que cette bonne volonté-là ne s’égare point, une direction. […] On devine ce qui lui manquera : c’est comme un parfum d’humanisme. […] l’imagination ne lui manque pas. […] Il ne manque pas, d’ailleurs, à la cité des eaux.

1693. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

. —  Ce qui manque à l’éloquence d’Addison, de l’Anglais et du moraliste. […] Les hautes et fines parties de l’esprit lui manquent. […] C’est en France que l’âge classique a rencontré sa perfection ; de sorte que, comparés à lui, ceux des autres pays manquent un peu de fini. […] Puis cent traits qui peignent le temps : le manque de lecture, un reste de croyance aux sorcières, des façons de paysan et de chasseur, des ignorances d’esprit naïf ou arriéré. […] Il y avait des multitudes affairées à la poursuite de babioles qui brillaient et dansaient devant leurs yeux ; mais souvent, au moment où ils croyaient les saisir, le pied leur manquait, et ils étaient précipités… Je poussai un profond soupir, et le Génie, touché de compassion, me dit de regarder vers cet épais brouillard dans lequel le courant portait les diverses générations de mortels engloutis.

1694. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

. —  Pourquoi chez Dickens l’ensemble manque à l’action. […] Les enfants. —  Ils manquent dans la littérature française. —  Le petit Joas et David Copperfield. —  Les gens du peuple. […] C’est le bonheur qui lui manque ; son inspiration est une verve fiévreuse qui ne choisit pas ses objets, qui ranime au hasard les laideurs, les vulgarités, les sottises, et qui, en communiquant à ses créations je ne sais quelle vie saccadée et violente, leur ôte le bien-être et l’harmonie qu’en d’autres mains elles auraient pu garder. […] Le fond du caractère anglais, c’est le manque de bonheur. […] Mais, par-dessus tout, ils ont un sentiment anglais et qui nous manque : ils sont chrétiens.

1695. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Sur ce boulevard, pendant des heures entières, il cheminait à pas lents, voûté comme un aïeul, perdu en de vagues souvenirs, et s’affaissant de plus en plus dans le sentiment indéfinissable de son existence manquée. […] Que lui manque-t-il ? […] Ses forces portent à vide ; la matière leur manque ; elles se consument et le rongent. […] Je lui reproche encore aujourd’hui ce manque d’originalité vraie ; je goûtais mille fois mieux vos intimités novatrices de Joseph Delorme. […] Dans un premier écrit sur le Romantisme en 1818, il avait dit : « … La France et l’Allemagne sont muettes : le génie poétique, éteint chez ces nations, n’est plus représenté que par des foules de versificateurs assez élégants, mais le feu du génie manque toujours ; mais, si on veut les lire, toujours l’ennui comme un poison subtil se glisse peu à peu dans l’âme du lecteur ; ses yeux deviennent petits, il s’efforce de lire, mais il bâille, il s’endort et le livre lui tombe des mains. » « Quelle fut donc ma surprise quand je reçus de lui, avec qui je n’avais eu d’ailleurs que des relations assez rares et de rencontre, une lettre ainsi conçue : « Après avoir lu les Consolations trois heures et demie de suite, le vendredi 26 mars (1830).

1696. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Il manquait à ces dix-huit pensionnaires un souffre-douleur. […] Si d’abord il voulut se jeter à corps perdu dans le travail, séduit bientôt par la nécessité de se créer des relations, il remarqua combien les femmes ont d’influence sur la vie sociale, et avisa soudain à se lancer dans le monde, afin d’y conquérir des protectrices : devaient-elles manquer à un jeune homme ardent et spirituel, dont l’esprit et l’ardeur étaient rehaussés par une tournure élégante et par une sorte de beauté nerveuse à laquelle les femmes se laissent prendre volontiers ? […] J’ai manqué crever d’aise ! […] était-ce besoin d’essayer leurs forces, ou manque de pitié ? […] Chez une maîtresse de maison, cette façon d’agir atteste un manque d’éducation ou son mépris pour celui qu’elle met ainsi comme à la porte du discours ; mais ce fut embarras chez la comtesse.

1697. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Tersite manqué blesse le regard, et Adonis manqué offre encore, à défaut de la vie, un certain charme primitif de lignes courbes, régulières, de contours que le regard suit sans effort. […] Ruskin, le célèbre critique anglais, sépare entièrement la vie physiologique de la vie intérieure ; non sans raison d’ailleurs, il refuse à un détail anatomique parfaitement rendu le pouvoir de produire l’émotion. « Une larme, par exemple, peut être, dit-il, très bien reproduite avec son éclat et avec la mimique qui l’accompagne sans nous toucher comme un signe de souffrance. » Soit, mais n’oublions pas que le physique et le moral sont intimement liés, que, si un détail physiologique d’une parfaite exactitude ne nous touche pas, c’est qu’il n’est pas suffisamment fondu avec l’ensemble ; qu’enfin, si le peintre avait parfaitement reproduit à nos yeux tous les caractères physiologiques de l’émotion, il ne pourrait manquer d’exciter l’émotion, parce qu’alors il aurait rendu aussi avec la même exactitude la vie intérieure du personnage. […] Ses cris sincères, quoique trop oratoires par moments, ne pouvaient manquer d’aller au cœur des hommes. […] Il cherche des effets, et tout effet qui apparaît comme cherché se trouve par là même manqué.

1698. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Pourquoi, dès lors, l’homme ne retrouverait-il pas la confiance qui lui manque, ou que la réflexion a pu ébranler, en remontant, pour reprendre de l’élan, dans la direction d’où l’élan était venu ? […] Mais il a manqué de chaleur. […] Ses pièces étant soumises, une à une, aux plus dures épreuves, certaines étant rejetées et remplacées par d’autres, elle aurait le sentiment d’un manque çà et là, et d’une douleur partout. […] Pour franchir l’intervalle entre la pensée et l’action il fallait un élan, qui manqua. […] L’immutabilité serait ainsi au-dessus de la mutabilité, laquelle ne serait qu’une déficience, un manque, une recherche de la forme définitive.

1699. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Il y manque la vie. […] Les pastiches sont presque toujours froids, quelque illusion que donne la forme ; l’étincelle intérieure manque, l’inspiration personnelle fait défaut, on piétine sur place. […] Cette méthode donnait de mauvais résultats, parce que les élèves, ne possédant que superficiellement le génie latin, manquaient d’inspiration pour trouver les développements. […] Homère n’y manque pas : « Il repousse la table du pied. » Les prétendants « frémissent, ils se lèvent en tumulte de leurs sièges et regardent de tous côtés sur les murs, cherchant à saisir les boucliers et les lances ». […] Les prairies ne manquaient jamais et toujours dans ces prairies de gras pâturages, des agneaux qui bêlent, des brebis qui bondissent.

1700. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Jules Sandeau » pp. 322-326

Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet.

1701. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

Le goût manqua donc à leur langage en même temps et par la même raison que la moralité à leurs actes, et, comme ils furent humains sans vertu, ils furent vrais avec emphase.

1702. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

En religion, en politique, en astronomie, il a prouvé de reste que l’invention ne lui manquait pas ; en littérature, il n’a pas moins tenté, et d’assez admirables monuments sont debout encore pour attester, dans leur rudesse première, ce qu’il a osé et ce qu’il a pu.

1703. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Vous avez bien lu, Francisque Sarcey, qui alors… mais, depuis… On comprend qu’avec de pareils guides, Bergerat ne pouvait manquer d’aller loin.

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