Étienne, et dans Molière la qualité de poëte ne me paraît inférieure à aucune autre ; mais je me garderai bien d’accuser le spirituel auteur des Deux Gendres de vouloir renverser l’autel du plus grand maître de notre scène. […] Soudain Ariel ou Puck, Scapin ou Dorine, Chérubin ou Fenella, merveilleux lutins, messagers malicieux et empressés, s’agiteront autour du maître, le tirailleront de mille côtés pour qu’il prenne garde à leurs êtres chéris, à leurs amants séparés, à leurs princesses malheureuses ; ils les évoqueront devant lui, comme dans l’Élysée antique le devin Tirésias, ou plutôt le vieil Anchise, évoquait les âmes des héros qui n’avaient pas vécu ; ils les feront passer par groupes, ombres fugitives, rieuses ou éplorées, demandant la vie, et, dans les limbes inexplicables de la pensée, attendant la lumière du jour. […] Despréaux me l’a dit ainsi, l’ayant appris du curé d’Auteuil, qui l’assista à la mort ; car elle est morte à Auteuil, dans la maison d’un maître à danser, où elle étoit venue prendre l’air. » On a besoin de croire, pour excuser ce ton de sécheresse, que Racine voulait faire indirectement la leçon à son fils, et condamner ses propres erreurs dans la personne de celle qui en avait été l’objet. […] si, les yeux mouillés encore, Ressaisissant son luth dormant, Il n’a pas dit, à voix sonore, Ce qu’il sentait en ce moment ; S’il n’a pas raconté, poëte, Son âme pudique et discrète, Son holocauste et ses combats, Le Maître qui tient la balance N’a compris que mieux son silence : Ô mortels, ne le blâmez pas ! […] Ingres, comme on a l’œil rempli de l’éclatante variété pittoresque du grand maître flamand, on ne voit d’abord dans l’artiste français qu’un ton assez uniforme, une teinte diffuse de pâle et douce lumière.
Il restera dans notre poésie, comme un des maîtres du sonnet : non pas par son Olive malgré des pièces exquises, mais par ses Regrets et ses Antiquités romaines. […] Ronsard : effort vers l’ode et l’épopée Par la force du talent, par la grandeur de l’effort, par l’éclat du succès, Ronsard est le maître de la poésie du xvie siècle. […] On ne peut dire que l’immense effort des odes pindariques ait été du tout perdu pour Ronsard : cette rude gymnastique le fit maître de ses rythmes ; il n’eut qu’à mettre de côté l’antistrophe et l’épode, pour avoir à sa disposition une belle forme lyrique. […] Tout le monde imite les procédés du maître. […] Il ménagea bien ses intérêts dans toutes les négociations et marchandages qu’il traita pour ses maîtres.
Cette opposition perpétuelle du texte vrai et du texte mutilé est la meilleure leçon de style ; on y voit clairement et sans phrases ce que c’est que le génie : c’est comme si l’on comparait le tableau d’un grand maître avec le carton de ce tableau. […] Il fit les plus brillantes études au collège de Navarre ; ses maîtres pressentirent son éloquence, son impétuosité, ses élans lyriques, sa capacité singulière dans la science des textes et dans les querelles d’érudition. […] Il y parle en maître, il a Dieu dans sa main, il foudroie son auditoire, il ne descend jamais, comme l’orateur politique, dans les détails secs et minutieux d’une affaire particulière, il ne parle que du devoir en général, de la vie humaine, des dangers du monde, de la providence de Dieu. […] Cousin, pour y atteindre, avait besoin de s’exalter ; Bossuet restait maître de lui-même au plus fort de son éloquence ; M. […] Au reste, le jeune homme suivit tous les pas de son maître ; il fut comme lui théologien et philosophe ; il voulut comme lui allier la raison et la foi ; il accabla de superbes paroles les matérialistes qui commençaient à lever la tête ; il aima la liberté pour lui-même, et défendit contre Rome les privilèges français, qui étaient les siens.
Érudition encore, et combien sympathique et lucide, avons-nous trouvé près du Dr Louis Laurent, médecin de la marine, qui s’intéressa, comme siennes, à nos propres recherches ; autorité du maître, enfin, de la psychologie clinique actuelle, près de M. le professeur Pierre Janet dont nous étions depuis longtemps l’admirateur respectueux. Ils sont nos maîtres, aussi, ces précieux artistes qui, nous permettant une communion directe avec leurs personnes, nous furent hospitaliers et bons : M.
Ce n’est point la faute des maîtres, c’est, encore une fois, la faute de l’usage. […] Aussi les disciples qui, soit par tempérament, soit par paresse, soit par docilité, se conforment sur ce point aux idées de leurs maîtres, sortent pour l’ordinaire du collège avec un degré d’imbécillité et d’ignorance de plus. […] Ce plan d’étude irait, je l’avoue, à multiplier les maîtres et le temps de l’éducation. […] D’ailleurs, j’en prends à témoin les maîtres, l’émulation dans les collèges est bien rare ; et à l’égard de la société, elle n’est pas sans de grands inconvénients. […] Je ne puis penser, sans regret, au temps que j’ai perdu dans mon enfance : c’est à l’usage établi, et non à mes maîtres, que j’impute cette perte irréparable ; et je voudrais que mon expérience pût être utile à ma patrie.
Ces portes, c’étaient celles d’une société occulte et d’une certaine franc-maçonnerie dont le juif Martinez de Pasqualis était le maître. […] Il lui arriva seulement, à la vue de toutes ces cérémonies et de ces cercles qui sentaient la cabale, de dire au maître avec le bon sens du cœur : « Comment, maître, il faut tout cela pour prier le bon Dieu ? […] Cette vue en faveur de la jeunesse le menait à dire encore que, dans les relations de maître à élève, l’élève, quand il était bon, était celui des deux qui valait le mieux, surtout quand il n’avait pas eu le malheur de se gâter l’esprit par les systèmes. Et la raison qu’il en trouvait, c’est que l’élève se donne toujours tout entier, tandis que le maître se réserve par un côté et se dissimule toujours. […] — Ce n’est pas qu’il n’y eût, par moments, bien de l’ambition et un gros orgueil au fond de ce doux Ballanche : il se croyait par éclairs un révélateur et un précurseur de je ne sais quel dogme futur qui serait plus vrai que tous ceux du passé ; mais le plus souvent le Léviathan dormait au fond du lac comme son doux maître. — Un jour, me parlant de Chateaubriand, Ballanche me disait : « Ne croyez-vous pas, monsieur, que le règne de la phrase est passé ?
Qu’ils sont rares les auteurs comme Horace et Montaigne, qui gagnent à être sans cesse relus, compris, entourés d’une pleine et pénétrante lumière, et pour qui semble fait le mot excellent de Vauvenargues : « La netteté est le vernis des maîtres ! […] Et nous-mêmes qui savons le fort et le faible, qui vous avons vu naître, briller et mourir, nous y applaudirons et nous y applaudissons déjà, à ce commencement d’illusion, parce qu’après tout votre renommée charmante, si elle dépasse un peu vos œuvres, ne fera pourtant qu’égaler votre génie, — ce que ce génie aurait été si vous en aviez daigné pleinement user et en artiste plus maître de sa force […] Suivant lui, François, d’abord surnommé Corbueil, serait né en 1431 (l’année même de la mort de Jeanne d’Arc) à Auvers, près Pontoise, ce qui ne l’empêchait pas de se dire Parisien, sans doute parce qu’il était venu de bonne heure à Paris et y avait été élevé. « Rien d’ailleurs dans ses œuvres n’indique une enfance passée aux champs, absolument rien ; au contraire, tout y trahit l’enfant de la cité et le polisson du ruisseau. » Le nom de Villon, sous lequel il se fit ensuite connaître, n’était probablement qu’un surnom d’emprunt qu’il dut à un Guillaume Villon, lequel n’était ni son père, comme on l’a avancé, ni son oncle, mais seulement son maître. […] Le docte Allemand de tout à l’heure, qui sait si bien ce que le père et la mère de Villon lui avaient transmis dans le sang, a conclu, de ce que Villon a dit qu’il n’était pas maître en théologie (je le crois bien), qu’il était, au moins, maître en quelque chose. […] cet écolier que je me figure, qui a respiré la bonne âme de Villon et non la mauvaise, et pour qui le poète, même complètement connu plus tard, était demeuré une passion, il revit de nos jours, il est devenu maître et de la meilleure école, et c’est lui qui a été, cette fois, le commentateur, l’apologiste (là où c’était possible), l’interprète indulgent et intelligent de Villon par-devant la Faculté, et aussi devant le public.
Je ne craindrai pas de présenter à l’avance le jugement filial que portait Eckermann de ces conversations si vivantes, après que la mort du maître l’eut laissé dans un vide profond et dans un deuil inconsolable. […] Il remarque tout dès le seuil, comme en entrant dans un temple, — l’intérieur du vestibule qui, sans être riche, a beaucoup de noblesse et de simplicité, quelques plâtres de statues antiques placées sur l’escalier, et qui annoncent le goût prononcé du maître du logis pour l’art plastique et pour l’antiquité grecque. […] Eckermann donne la réplique au maître, ne le contredit jamais, et l’excite seulement à causer dans le sens où il a envie de donner ce jour-là : avec lui, Gœthe cause de lui-même, de la littérature contemporaine en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en France, en Chine, partout ; et après des années d’un commerce intime, il lui rendra ce témoignage qui fait aujourd’hui sa gloire : « Le fidèle Eckart est pour moi d’un grand secours. […] Si l’on s’est trompé dans le dessein de l’ensemble, te travail entier est perdu ; si dans un vaste sujet on ne se trouve pas toujours pleinement maître des idées que l’on vient à traiter, alors de place en place se voit une tache, et l’on reçoit des blâmes. […] Je lui ai conseillé de faire des chansons d’ouvrier, et surtout des chansons de tisserand ; et je suis persuadé qu’il réussira, car il a vécu depuis sa jeunesse parmi des tisserands ; il connaît à fond son sujet, et il sera maître de sa matière.
Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste. […] Ils se formèrent sous le maître des maîtres, la pratique et l’expérience. […] nous le savons de reste, les choses humaines, dès qu’elles ont atteint une certaine hauteur, retombent assez vite, s’embrouillent et se gâtent assez tôt : et sans sortir du domaine de l’architecture, cette Notre-Dame de Paris dont la façade s’était élevée en moins de quinze ans avec une célérité prodigieuse, œuvre d’un maître dont on a oublié de nous transmettre le nom, ne fut pas même terminée d’après le plan primitif : il manqua toujours les deux flèches au front des deux tours, d’où elles se seraient élancées, également aériennes et légères, mais variées sans doute dans leur dentelure et dissemblables entre elles sur leur double base. […] Viollet-Le-Duc ; et s’il a, comme je crois l’avoir vu, le portrait du premier Mansart, du seul digne de renom, dans son cabinet et sur sa cheminée, il faut même que ce soit un pinceau bien habile et bien cher qui le lui ait fait accepter : autrement il eût préféré, sans nul doute, un maître de la pure Renaissance. […] En un mot, on peut dire de lui ce que je crois avoir lu quelque part, au sujet d’un maître d’autrefois, qu’il tient également bien Le compas, le crayon, la truelle et la plume.
Servante depuis l’âge de seize ans dans une famille d’abord riche, elle a donné ses économies à ses maîtres ruinés ; elle continue sans gages son œuvre de fidélité. Aujourd’hui, elle sert les petits-enfants de ses premiers maîtres, et, quoique devenue presque aveugle, elle travaille, elle se prive de nourriture pour ceux à qui elle a consacré sa vie. […] L’esclavage cesse le jour où l’esclave, que l’antiquité concevait comme sans moralité et sans religion, devient moralement l’égal de son maître. […] Marie Arot (Saint-Servan, Ille-et-Vilaine) sert depuis cinquante-quatre ans les mêmes maîtres. […] Joachim Fontaine, maître porion aux mines de Liévin (Pas-de-Calais), a sauvé la vie à seize personnes, surprises par des éboulements ou atteintes par le feu grisou.
Et sans doute, un bon élève ne fait pas forcément un maître ; mais plus sûrement qu’un mauvais. […] Où pouvions-nous les puiser chez les maîtres, sinon dans le livre ? […] David vient de fonder son néo-classicisme ; c’est le maître du mode abstrait. […] Les deux maîtres du genre seront Augier et Dumas fils. […] Place au metteur en scène, seul maître du texte et du jeu !
Il adore son maître et il le calomnie, il lui prêche l’économie et s’enivre à ses dépens. […] c’est notre maître à tous… ps, ps… tenue irréprochable. […] Le hasard est un grand maître. […] Il ne faut pas chercher à comparer cette œuvre dramatique au beau poème de Victor Hugo sur le même sujet ; le maître est le maître, mais un sentiment vrai appartient à tous, et cette pensée du pardon pour Caïn est aussi personnelle à M. […] L’entrevue des deux femmes est traitée de main de maître.
Les despotes de l’Orient et du Nord avaient trop besoin d’inspirer la crainte pour exciter d’aucune manière l’esprit de leurs sujets ; et le désir de plaire à ses maîtres, est une sorte de familiarité avec eux qui effaroucherait leur tyrannie. […] Il fallait qu’ils conservassent, dans leurs rapports avec leur maître, une sorte d’esprit de chevalerie, qu’ils écrivissent sur leur bouclier pour ma dame et pour mon roi, afin de se donner l’air de choisir le joug qu’ils portaient ; et mêlant ainsi l’honneur avec la servitude, ils essayaient de se courber sans s’avilir. […] Les liens délicats, les préjugés maniés avec art, formaient les rapports des premiers sujets avec leur maître : ces rapports exigeaient une grande finesse dans l’esprit ; il fallait de la grâce dans le monarque, ou tout au moins dans les dépositaires de sa puissance ; il fallait du goût et de la délicatesse dans le choix des faveurs et des favoris, pour que l’on n’aperçût ni le commencement, ni les limites de la puissance royale.