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339. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Les jésuites qui gouvernaient cette maison d’éducation n’épargnaient rien, il faut le reconnaître, pour donner à leur enseignement et à leur discipline l’agrément et même la grâce du foyer tant regretté où l’enfant avait laissé sa mère, ses sœurs, ses vergers, ses horizons du premier âge. […] Les maîtres me reçurent des mains de ma mère avec une bonté indulgente qui me prédisposa moi-même au respect ; les écoliers, au lieu d’abuser de leur nombre et de leur supériorité contre les nouveaux venus, m’accueillirent avec toute la prévenance et toute la délicatesse qu’on doit à un hôte étranger et triste de son isolement parmi eux ; ils m’abordèrent timidement et cordialement ; ils m’initièrent doucement aux règles, aux habitudes, aux plaisirs de la maison ; ils semblèrent partager, pour les adoucir, les regrets et les larmes que me coûtait la séparation d’avec ma mère. […] Je retrouvai insensiblement auprès d’eux la piété naturelle que ma mère m’avait fait sucer avec son lait. […]              La mère, qui tremble,              Aux branches du tremble. […] Ce nourrisson prend des plumes ; sa mère lui apprend à se soulever sur sa couche.

340. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si l’on ne rencontre pas partout et toujours dans la nature d’innombrables formes de transition, cela dépend donc principalement du procédé même de sélection naturelle, en vertu duquel les variétés nouvelles tendent constamment à supplanter et à exterminer leurs souches mères. […] En pareil cas, il nous est donc impossible de reconnaître la forme mère de deux ou plusieurs espèces quelconques, même en comparant minutieusement la structure de l’ancêtre avec celle de ses descendants modifiés, à moins que nous n’ayons pour nous guider une longue chaîne, presque parfaite, de toutes les variétés intermédiaires. […] D’après la théorie de sélection naturelle, toutes les espèces aujourd’hui vivantes sont en connexion avec la souche mère de chaque genre par une série graduée de différences à peu près égales à celles qui distinguent aujourd’hui les variétés de la même espèce ; comme chacune de ces souches mères, maintenant éteintes, en général, a été à son tour en connexion avec des espèces encore plus anciennes ; et ainsi de suite, selon une régression continuellement convergente vers le commun ancêtre de chaque grande classe. […] Seulement, si elles acquièrent quelque avantage décisif sur d’autres formes, par suite de nouvelles modifications et de nouveaux progrès, elles s’étendront peu à peu jusqu’à supplanter leur souche mère. […] Ces intervalles n’ont-ils pas dû suffire à la multiplication des espèces sorties d’une ou de plusieurs souches mères, espèces qui apparaîtront tout d’un coup comme un groupe soudainement créé ?

341. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Elle était fille d’une mère peu estimable et sortait d’une race galante de laquelle on n’a pas trop dit. […] Le sang de sa mère en elle se tempérait de sentiments plus doux et plus tendres qui lui composaient une sorte d’honneur. […] Et se faisant gausseur à son tour, il propose pour dernier moyen de faire publier par tout le royaume « que tous les pères, mères ou tuteurs qui auraient de belles filles de haute taille, de dix-sept à vingt-cinq ans, eussent à les amener à Paris, afin que sur icelles le roi élût pour femme celle qui plus lui agréerait ». […]  » s’attire une querelle très vive avec la mère.

342. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Il était de fière et forte race, descendant des anciens ducs et rois de Bretagne, allié et apparenté aux principales maisons souveraines : « Je me contenterai, écrit à ce sujet un de ses anciens biographes, de dire seulement une chose assez belle et assez particulière, c’est qu’en quelque lieu de l’Europe qu’il allât, il se trouvait parent de ceux qui y régnaient. » On sait le mot de sa sœur répondant à une déclaration galante de Henri IV : « Je suis trop pauvre pour être votre femme, et de trop bonne maison pour être votre maîtresse. » Né au château de Blein en Bretagne en 1579, Henri de Rohan, l’aîné de sa famille, fut donc élevé avec de grands soins par sa mère veuve, Catherine de Parthenay, qui mit de bonne heure sur lui son orgueil et ses espérances. […] En un mot, il reçut des soins de son excellente mère une éducation hardie et mâle, que la nature en lui favorisait, et que l’austérité de sa communion religieuse confirma : il eut la jeunesse ardente, frugale et grave. […] Il a laissé de son voyage une relation destinée à fixer ses souvenirs, à contenter ses amis, et dédiée à sa mère. […] Rohan ne passa point le reste de sa vie à pleurer et à, soupirer, ni même à servir inviolablement, comme il en faisait voeu en terminant cet écrit, la France, le jeune roi et sa mère.

343. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Leur mère, reine puissante, s’appelait dame Uote. […] « — Que me parles-tu d’un époux, ma mère bien-aimée ? […] « Expliquez à ma mère les honneurs dont je jouis ici. […] Et si vous voulez vous rendre auprès d’elle, vous aurez satisfait aux vœux de ma mère. […] Le jeune Gîselher amena les joueurs de viole en présence de sa mère.

344. (1929) Amiel ou la part du rêve

Mais Dieu aurait dû me laisser ma mère. » Il tient beaucoup de cette Neuchâteloise, jolie, douce, un peu intérieure, faible de santé. […] Liberté et indulgence abondaient chez ses nouveaux père et mère, l’oncle Frédéric et la tante Fanchette. […] Les mères, ravies d’un empressement respectueux, caressaient des espoirs. […] Plutôt qu’à la future couche conjugale, Amiel songe à ceci : un esprit à meubler, une avidité faustienne de savoir à rassasier, et des mères autres que celles des salons genevois, — les Mères ! […] Il les passa, ces années, rue Verdaine, comme pensionnaire de sa filleule et de la mère de sa filleule.

345. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — Préface (1859) »

Les poëmes qui composent ces deux volumes ne sont donc autre chose que des empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Ève, mère des hommes, jusqu’à la Révolution, mère des peuples ; empreintes prises, tantôt sur la barbarie, tantôt sur la civilisation, presque toujours sur le vif de l’histoire ; empreintes moulées sur le masque des siècles.

346. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

Cette mère se meurt de douleur dans le Carrache, et chez vous aussi. […] Les femmes du Carache sont effrayées du péril de cette mère expirante, et les vôtres aussi.

347. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Mlle Des Houlières, recevant le 4 juin 1711 la visite de Brossette, le dévot commentateur de Boileau et le curieux questionneur en matières littéraires, lui répondait, entre autres choses, sur cette animosité qui s’était déclarée entre sa mère et M. […] Racine fût bien au-dessus de Pradon, il ne laissoit pas de le regarder comme une espèce de concurrent, surtout quand il sut que Pradon composoit en même temps que lui la tragédie de Phèdre… Pradon venoit souvent chez ma mère, pour laquelle il avoit beaucoup de considération, et au goût de qui il avoit assez de confiance pour la consulter sur les ouvrages qu’il faisoit… La Phèdre de M. […] « Ma mère voulut voir la première représentation de la Phèdre de Racine : elle envoya retenir une loge quelques jours à l’avance à l’hôtel de Bourgogne ; mais Champmêlé, qui avoit soin des loges, fit toujours dire aux gens qui venoient de la part de madame Des Houlières, qu’il n’y avoit pas de places et que toutes les loges étoient retenues. Ma mère sentit l’affectation de ce refus et en fut piquée. […] Ce fut pendant ce même souper que ma mère fit ce fameux sonnet : Dans un fauteuil doré, Phèdre tremblante et blême… » Je tire ce récit des manuscrits de Brossette. — Mettez-vous à la place de la femme auteur à qui on refuse une loge ; il y a là, à ses torts envers Racine, une circonstance atténuante.

348. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Pendant ses vacances, le jeune lévite reste isolé dans le monde, vivant le plus possible avec son curé, évitant les compagnies frivoles, déjà respecté de ceux qui l’approchent, et même de sa mère. […] Partout où il a été curé, il s’est lancé dans de telles entreprises, écoles, hospices, orphelinats, que tout le bien de sa mère y a passé, et il s’est mis dans de tels embarras d’argent que son évêque, après l’avoir quelque temps suspendu de ses fonctions, l’a relégué à Saint-Xist, un village perdu dans la montagne. Il arrive là avec sa vieille mère et commence par recueillir chez lui une pauvresse et sa bande d’enfants. […] Ce saint n’hésite pas, pour secourir les pauvres, à réduire à la pauvreté la vieillesse de sa mère. […] Julien Savignac, le Chevrier, l’Abbé Tigrane, Mon oncle Célestin, le Roman d’un peintre, le Roi Ramire, Lucifer, Barnabé, chez Charpentier  Les Courbezon, Mademoiselle de Malavieille, le Marquis de Pierrerue (2 vol.), la Petite Mère (4 vol.), chez Dentu.

349. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Sans doute, je ne suis pas seul quand je suis auprès de ma mère ; mais que de choses que ma tendresse pour elle me commande de lui taire, et qu’après tout elle ne pourrait comprendre ! […] L’amour filial avait absorbé en moi toutes les autres affections dont j’étais capable et auxquelles Dieu ne m’a pas appelé ; et puis il y avait entre ma mère et moi des liens tout spéciaux tenant à mille circonstances délicates qu’on ne peut que sentir. […] Figurez-vous l’isolement le plus complet, sans ami, sans conseil, sans connaissance, sans appui au milieu de personnes froides et indifférentes, moi qui venais de quitter ma mère, ma Bretagne, ma vie toute orée, tant d’affections pures et simples. […] Ô maman, ma petite chambre, mes livres, mes études calmes et douces, mes promenades à côté de ma mère, adieu pour toujours ! […] Et ma mère, dont la pensée autrefois était mon soulagement dans mes peines, cette fois, c’était mon souvenir le plus douloureux.

350. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Si tu es le plus brave, si une mère divine t’a enfanté, celui-ci est le plus puissant et commande à un plus grand nombre. […] Le père meurtrier arma l’épouse adultère, la mère criminelle suscita le fils parricide. […] C’était elle, en effet, qui protégeait l’enfance des forêts ; le gibier naissant croissait sous sa garde ; son culte était le code cynégétique de la Grèce. — « La belle Déesse — dit le Chœur — est propice aux petits des lions sauvages, à tous les petits des bêtes des bois qui pendent encore aux pis de leurs mères. » Artémis a donc pris les Atrides en haine depuis cette curée. […] » — Cette fois le mort a tort, car c’est la mère qui répond, et de façon à le faire trembler si son âme entend. — « Ne prends pas ce souci, il est tombé mort par moi. […] L’effrayante unité de son caractère ne se dément pas ; la triple haine de la mère frappée dans sa fille, de la femme jalouse d’une rivale, de l’adultère qui veut que l’époux fasse place à l’amant, en noue les jointures.

351. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Né le 9 mars 1749 d’une race florentine établie depuis cinq siècles en Provence, le cinquième de onze enfants et l’aîné des garçons, Gabriel-Honoré de Mirabeau avait, en naissant, apporté plusieurs des traits essentiels de la famille paternelle, mais en les combinant avec d’autres qui tenaient de sa mère. Il fut énorme dès l’enfance : « Ce n’était suivant la définition de son père, qu’un mâle monstrueux au physique et au moral. » Défiguré, à l’âge de trois ans, par une petite vérole maligne et confluente, sur laquelle sa mère, pour l’achever, s’avisa d’appliquer je ne sais quel onguent, il acquit ce masque qu’on sait, mais où la physionomie, qui exprimait tout, triomphait de la laideur. […] Il avait les gros yeux de la race, et qui, charmants dans les portraits de ses père, oncle et aïeul, le devenaient aussi chez lui toutes les fois qu’une femme s’oubliait à le regarder : « Ce sont ces certains yeux couchés, disait-il, que, sur mon honneur, je ne saurais appeler beaux, dusses-tu me battre (c’est à Sophie qu’il écrivait cela), mais qui enfin disent assez bien, et quelquefois trop bien, tout ce que sent l’âme qu’ils peignent. » Il tenait pourtant de sa mère (Mlle de Vassan) des caractères qui gâtaient fort et qui ravalaient même, disait son père, la hauteur originelle du type, qui en altéraient certainement la noblesse, mais qui en corrigèrent aussi la dureté. Il tenait de sa mère la largeur du visage, les instincts, les appétits prodigues et sensuels, mais probablement aussi ce certain fonds gaillard et gaulois, cette faculté de se familiariser et de s’humaniser que les Riquetti n’avaient pas, et qui deviendra un des moyens de sa puissance. […] On annonça le marquis de Lancefoudras, et, sous ce nom formidable, parut hardiment Mirabeau, dont la vue causa une telle émotion à Sophie, que sa mère en devina tout de suite le sujet.

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