…… Renversement des lois de ce monde, les femmes nous ont pris… même la fatuité !
Selon la loi de toute révolution populaire, celle qui eut son prodrome à la prise de la Bastille et son épilogue au 9 thermidor était déchirée en deux parts lorsque le mouvement dit du Fédéralisme se produisit en 1793 ; et comme Caen, dit Vaultier, fut une des villes de France où le mouvement se prononça le plus (nous allons voir tout à l’heure avec quelle vigueur), ce qui se passa à Caen donne l’idée de ce qui se passa dans les autres villes, et cela fait véritablement pitié.
« La loi fondamentale, — continue-t-il, — c’est la tendance de la sensation et de l’image à renaître. » Et si c’est toute l’intelligence que cela, c’est aussi tout le livre.
Son admirable talent est toujours plus ou moins culbuté au milieu de ces cohues, où le public, étourdi et fatigué, subit la loi de celui qui crie le plus haut.
Les vers d’Horace étaient pour les Romains ce qu’était le ciseau de Phidias pour les Grecs, ils embellissaient ce qu’il fallait adorer : aussi l’usurpateur caressait le poète, et le poète reconnaissant ne cessa de célébrer un vainqueur qui tremblait dans une bataille, un législateur qui violait ses lois, un réformateur soupçonné d’inceste avec sa fille.
« En détruisant les délateurs, votre sage sévérité a empêché qu’une ville fondée sur les lois, ne fût renversée par les lois32.
C’est à la même idée que tenait l’apothéose de leurs prédécesseurs ; la fantaisie de se faire adorer de leur vivant ; les temples qu’on leur élevait dans toutes les parties de l’empire ; la multitude énorme de statues d’or et d’argent, de colonnes et d’arcs de triomphe ; le caractère sacré imprimé à leurs images et jusqu’à leurs monnaies ; le titre de seigneur et de maître que Tibère même avait rejeté avec horreur, et qui fut commun sous Domitien ; la formule des officiers de l’empereur, qui écrivaient, voici ce qu’ordonne notre Seigneur et notre Dieu 50 ; et quand les princes, par les longs séjours et les guerres qui les retenaient en Orient, furent accoutumés à l’esprit de ces climats ; la servitude des mœurs, l’habitude de se prosterner, consacrée par l’usage et ordonnée par la loi.
Il faut voir de quel air Despréaux est traité : Ce rimeur, se traînant dans l’ornière d’Horace, Prétendait à son tour régenter le Parnasse, Aux lois du sens commun soumettre l’art des vers ; Limiter le génie et lui donner des fers.
Demain celle qui unit les amours entre les ombrages des arbres formera des huttes de verdure avec des branches de myrte entrelacées ; demain Dioné donne des lois du haut de sa couche de reine.
Entre tant, à Biskra, il démoralisait un petit Arabe en l’encourageant à voler des ciseaux, et en Normandie il protégeait les braconniers qu’il aime pour leur mépris des lois. […] Très intelligent, il comprend malgré les cachotteries qu’il est le fils du vieux comte : celui-ci le reçoit, s’attendrit un instant, lui accorde une part d’héritage, mais l’exclut de la famille, selon la loi. […] Dans la vie spirituelle des premiers, une crise se fait infailliblement, où ils veulent raisonner leur art, découvrir les lois obscures en vertu desquelles ils ont produit… » Et parmi les critiques spécialisés, les meilleurs sont de ces poètes morts jeunes, ou même restés inédits, dont a parlé Sainte-Beuve. […] L’émotion musicale n’est guère mesurable : l’écriture musicale obéit à des lois mathématiques. […] Tout ouvrage de l’esprit livré au public relève de la critique, en vertu des lois sur la liberté de la presse.
Ou plutôt ce n’est pas tout, car depuis cinquante ans nous avons fait des progrès ; — le progrès n’est-il pas la grande loi de la société moderne ; — ce n’est pas le tout d’aujourd’hui ; aujourd’hui qui oserait commencer La Fontaine autrement que par une leçon générale d’anthropogéographie. […] Nous observerons ensuite les procédés par lesquels elle bâtit, assemble, varie et emplit ses cellules ; et nous tâcherons d’indiquer les lois chimiques et les règles mathématiques d’après lesquelles les matériaux qu’elle emploie sont fabriqués et équilibrés. […] Le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales. […] Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. » Je copie cette citation, pour ne pas découper mon exemplaire ; nous sommes épouvantés, aujourd’hui, de cette assurance, et de cette limitation ; quelles expressions d’audace et de limitation théocratique : on voit le bout des sciences historiques : dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; … l’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes ; … le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales ; l’inégalité des races est constatée ; les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes, on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elle les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. » Je me garderai de mettre un commentaire de détail à ce texte ; il faudrait écrire un volume ; il faudrait mettre, à chacun des mots, plusieurs pages de commentaires, tant le texte est plein et fort ; et encore on serait à cent lieues d’en avoir épuisé la force et la plénitude ; et je ne peux pas tomber moi-même dans une infinité du détail ; d’ailleurs nous retrouverons tous ces textes, et souvent ; c’était l’honneur et la grandeur de ces textes pleins et graves qu’ils débordaient, qu’ils inondaient le commentaire ; c’est l’honneur et la force de ces textes braves et pleins qu’ils bravent le commentaire ; et si nul commentaire n’épuise un texte de Renan, nul commentaire aussi n’assied un texte de Taine ; aujourd’hui, et de cette conclusion, je ne veux indiquer, et en bref, que le sens et la portée, pour l’ensemble et sans entrer dans aucun détail ; à peine ai-je besoin de dire que ce sens, dans Taine, est beaucoup plus grave, étant beaucoup plus net, que n’étaient les anticipations de Renan ; ne nous laissons pas tromper à la modestie professorale ; ne nous laissons d’ailleurs pas soulever à toutes les indignations qui nous montent ; je sais qu’il n’v a pas un mot dans tout ce Taine qui aujourd’hui ne nous soulève d’indignation ; attribuer, limiter Racine au seul dix-septième siècle, enfermer Racine dans le siècle de Louis XIV, quand aujourd’hui, ayant pris toute la reculée nécessaire, nous savons qu’il estime des colonnes de l’humanité éternelle, quelle inintelligence et quelle hérésie, quelle grossièreté, quelle présomption, au fond quelle ignorance ; mais ni naïveté, ni indignation ; il ne s’agit point ici de savoir ce que vaut Taine ; il ne s’agit point ici de son inintelligence et de son hérésie, de sa grossièreté, de son ignorance ; il s’agit de sa présomption ; il s’agit de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense avoir fait, enfin ce que nous voyons qu’il a fait, peut-être sans y penser ; il s’agit de savoir, ou de chercher, quel est, au fond, le sens et la portée de sa méthode, le sens et la portée des résultats qu’il prétend avoir obtenus ; ce qui ressort de tout le livre de Taine, et particulièrement de sa conclusion, c’est cette idée singulière, singulièrement avantageuse, que l’historien, j’entends l’historien moderne, possède le secret du génie.
C’est même une méthode qui a comme force de règle et titre de loi au théâtre. […] Subissons la loi qui nous désincorpore. […] Pieds et poings liés, voilà comment la loi jette la femme aux mains de l’homme. […] Elle entremêle ses récriminations contre son mari de récriminations contre la loi que les hommes ont faite contre les femmes. […] La Loi de l’homme est faiblement jouée par M.
Elle écrivit à quinze ans des extraits de l’Esprit des Lois, avec des réflexions ; à cet âge, en 1781, lors de l’apparition du Compte-rendu, elle adressa à son père une lettre anonyme où son style la fit reconnaître. […] Leroux (Revue Encyclopédique, mars 1833) a démontrée explicite au sein du dix-septième siècle, par plus d’un passage de Fontenelle et de Perrault, et que le dix-huitième a propagée dans tous les sens, jusqu’à Turgot qui en fit des discours latins en Sorbonne, jusqu’à Condorcet qui s’enflammait pour elle à la veille du poison, cette idée anime énergiquement et dirige Mme de Staël : « Je ne pense pas, dit-elle, que ce grand œuvre de la nature morale ait jamais été abandonné ; dans les périodes lumineuses comme dans les siècles de ténèbres, la marche graduelle de l’esprit humain n’a point été interrompue. » Et plus loin : « En étudiant l’histoire, il me semble qu’on acquiert la conviction que tous les événements principaux tendent au même but : la civilisation universelle… » — J’adopte de toutes mes facultés cette croyance philosophique : un de ses principaux avantages, c’est d’inspirer un grand sentiment d’élévation. » Mme de Staël n’assujettit pas à la loi de perfectibilité les beaux-arts, ceux qui tiennent plus particulièrement à l’imagination ; mais elle croit au progrès, surtout dans les sciences, la philosophie, l’histoire même, et aussi, à certains égards, dans la poésie, qui, de tous les arts, étant celui qui se rattache le plus directement à la pensée, admet chez les modernes un accent plus profond de rêverie, de tristesse, et une analyse des passions inconnue aux anciens : de ce côté se déclare sa prédilection pour Ossian, pour Werther, pour l’Héloïse de Pope, la Julie de Rousseau, et Aménaïde dans Tancrède. […] Une idée neuve et féconde, fort mise en œuvre dans ces derniers temps, développée par le Saint-Simonisme et ailleurs, appartient en propre à Mme de Staël : c’est que, par la Révolution française, il y a eu véritable invasion de Barbares, mais à l’intérieur de la société, et qu’il s’agit de civiliser et de fondre le résultat, un peu brut encore, sous une loi de liberté et d’égalité. […] Dans la Bibliothèque universelle et historique de Le Clerc, année 1687, à propos des Remarques de Vaugelas, on trouve (car ces querelles du jour sont de tous les temps) une protestation savante et judicieuse d’un anonyme contre les règlements rigoureux imposés à la phrase, contre ces restrictions de la métaphore auxquelles on avait prêté force de loi. […] Qu’on juge de ce que devait être cette entraînante lecture dans une société exaltée par les vicissitudes politiques, par tous les conflits des destinées, quand le Génie du Christianisme venait de remettre en honneur les discussions religieuses, vers l’époque du Concordat et de la modification de la loi sur le divorce !