Avoir lu Aristote et Kant, et le prouver à chaque ligne en parlant de La Fontaine, là est le tour singulier et comme la gageure. […] Ce chaos de lignes violemment brisées annonce l’effort de puissances dont nous n’avons plus l’idée.
» Celui-ci, dégageant tout d’un coup son talent de parole comme une épée qu’on sort du fourreau, a saisi toutes les occasions éclatantes, les a rehaussées même par une affectation de singularité, et n’a pas craint de pousser à bout son antithèse absolue et provocatrice, de poser hautement sa contradiction à la fois monacale et libérale, mettant désormais quasi sur la même ligne (nouveauté étrange !) […] Quelque chose du même esprit de rénovation soufflait un peu partout dans le jeune Clergé averti : il fit en ces années de grands efforts et des progrès dans des directions différentes et sur des lignes parallèles.
Tel autre passe des heures accoudé sur son journal ; tel a toujours l’œil à son baromètre ; tel qui se croit moins fou a la voisine d’en face qu’il lorgne du matin au soir ; celui-ci a la chasse à l’affût où il se morfond, celui-là la pêche à la ligne où il s’enrhume. […] Ô ligne aveugle et inflexible, ne pouviez-vous donc vous détourner un peu et vous laisser attirer doucement du côté de ceux (comme il y en a beaucoup) qui ne demandent qu’à être traversés de part en part, sauf à être ensuite largement guéris et dédommagés ?
Mme de Pompadour, du moins, eut le tact de comprendre qu’elle ne pouvait avoir vis-à-vis de cette reine vertueuse et offensée qu’une ligne de conduite et qu’une attitude tolérable : le respect le plus profond, la soumission la plus entière, le désir de lui complaire en tout et de la servir ; faire dire d’elle en un mot : « Mieux vaut celle-là qu’une autre. » Cet éloge tel quel, Mme de Pompadour le mérita. […] Un autre jour, la reine entrant chez la duchesse de Luynes la trouva occupée à écrire au président Hénault ; elle prit la plume, écrivit quelques lignes en déguisant sa main et en ajoutant : « Devinez qui !
C’était le triomphe de cette stratégie de l’impudeur savante, qui fait parler les lignes et les contours autant et plus clairement que la voix, que les yeux mêmes ; qui met dans une courbe, dans un balancement du buste, dans une saillie du corsage, dans un développement du bras, dans une retraite de la jambe, toutes les forces concentrées de la chair, tout l’appât d’un corps lascif qui se promet… IV Mais cette sensualité que développe la vie du monde est plus fine qu’impétueuse ; les grandes passions ne se rencontrent guère dans ce milieu artificiel. […] Rabusson n’a rien écrit de plus attendri que ces lignes.
Il faut qu’on nous accorde que toute poésie vit de métaphore, et que le poète est un artiste qui saisit des rapports de tout genre par toutes les puissances de son âme, et qui leur substitue des rapports identiques sous forme d’images, de même que le géomètre substitue au contraire des termes purement abstraits, des lettres qui ne représentent rien de déterminé, aux nombres, aux lignes, aux surfaces, aux solides, à tous les corps de la nature, et à tous les phénomènes7. […] Aux lignes, aux surfaces, aux solides, le géomètre substitue des nombres, parce qu’il ne considère que des rapports.
Saint-Pierre n’a qu’une ligne de beauté qui tourne et revient indéfiniment sur elle-même, et se perd dans les plus gracieux contours : Chateaubriand emploie toutes les lignes, même les défectueuses, dont il fait servir les brisures à la vérité des détails et à la pompe des ensembles.
L’aîné, dont on a lu des écrits dans la Revue des deux mondes, est, depuis plusieurs années, professeur d’histoire naturelle à l’université de Liège ; il a voyagé quatre fois en Amérique du Sud, et compte en première ligne parmi les entomologistes les plus distingués de notre temps, esprit net, investigateur patient, observateur précis et sévère. […] Seulement, sans se donner trop de peine, il remportait tous les prix à la fin de l’année ; il avait sa tragédie sur le chantier, comme tout bon rhétoricien ; il jouait des scènes d’Iphigénie avec un de ses camarades, aujourd’hui professeur de droit à Dijon, tous deux (l’Achille et l’Agamemnon) habillés en fantassins de ligne, et y allant bon jeu, bon argent.
Entre ces deux femmes si éloignées et si distantes, quels sont les noms qui comptent véritablement, qui méritent de figurer en première ligne dans la série des femmes célèbres par leur talent d’écrivain ? […] Le je et le moi sont à chaque ligne ; mais quelles sont les connaissances qu’on peut avoir, si ce n’est par le je et le moi ?
Horace, en effet, revient à chaque ligne dans ces lettres, et c’est lui qui parle aussi souvent que Fénelon. […] Destouches avait envoyé au prélat quelques épitaphes latines : Les épitaphes, répond Fénelon, ont beaucoup de force, chaque ligne est une épigramme ; elles sont historiques et curieuses.
C’est que Rulhière savait si bien par cœur son Jean-Jacques, qu’il le reconnaissait à chaque ligne, dans ses soupçons, dans ses reproches : Comme je suis au courant du caractère de notre homme et de son faire, comme je pourrais, en cas de besoin, lui tenir lieu de secrétaire intime et le suppléer en son absence, je ne me suis guère occupé, en lisant votre correspondance, que de ce qu’il devait, d’après mes données, vous dire ou vous écrire ; et j’ai si bien rencontré, que je m’en suis félicité. […] Rulhière, par cet écrit, se montre à nous dans la vraie ligne de progrès qu’il suivait volontiers, dans la voie des réformes qu’appelait l’opinion publique et que dirigeait le gouvernement même.
Mais, dans une note qu’il ajouta à la lettre de son ami, La Harpe, l’un des rédacteurs du Mercure, le prit de plus haut : S’il s’est tu jusqu’à présent, disait-il, c’est par mépris : Mais aujourd’hui que l’on voudrait infirmer l’hommage que je rends à la liberté, et faire croire que ma haine pour l’aristocratie n’est que le sentiment de jalousie que l’on suppose aux conditions inférieures, je suis obligé de déclarer qu’en effet le hasard m’a fait un assez bon gentilhomme, d’une famille originaire de Savoie et établie dans le pays de Vaud, remontant en ligne directe jusqu’à l’année 1389, où l’un de mes ancêtres était gentilhomme de la chambre de Bonne de Bourbon, comtesse de Savoie. […] C’est une sottise inexcusable, mais il ne veut consulter personne, et, s’il écrit une seule ligne contre ses ennemis, il est perdu sans ressource.
Contre les savants de profession et ceux qui posent l’autorité avant tout en matière de belles-lettres et de beaux-arts, il est clair, à la façon dont le combat s’engage et dès les premières lignes, que Perrault aura en bonne partie raison. […] Contre les doctes de ses amis, Charpentier46, Ménage, le couple Dacier et les pédants en us ; contre ces illustres traducteurs qui, à la moindre critique sur Platon ou sur Homère, se fâchent « comme s’ils en étaient descendus en ligne directe (car des collatéraux ne prendraient jamais la chose si fort à cœur) » ; contre eux tous, Perrault, ce me semble, a d’emblée gain de cause devant nous.