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42. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Loin de mériter la confiance de ses lecteurs, il ne peut leur inspirer que du dégoût. […] Le lecteur oublie qu’il a douté, pour commencer à croire. […] Ces histoires imprimées séparément ont été réunies pour la commodité du lecteur. […] Un air de raillerie, & beaucoup de partialité s’y font sentir aux lecteurs les moins pénétrans. […] Cet ouvrage est écrit avec cet art qui prouve un homme d’esprit, & qui intéresse tous les lecteurs.

43. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Il faut en montrer l’unité, et tirer, pour ainsi dire, d’une seule source, tous les principaux événements qui en dépendent : par là il instruit utilement son lecteur, il lui donne le plaisir de prévoir, il l’intéresse, il lui met sous les yeux un système des affaires de chaque temps, il lui débrouille ce qui en doit résulter, il le fait raisonner sans lui faire aucun raisonnement, il lui épargne beaucoup de redites ; il ne le laisse jamais languir, il lui fait même une narration facile à retenir par la liaison des faits… « Un sec et triste faiseur d’annales ne connaît point d’autre ordre que celui de la chronologie : il répète un fait toutes les fois qu’il a besoin de raconter ce qui tient à ce fait ; il n’ose ni avancer ni reculer aucune narration. […] Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] Car comme on ne se confesse pas au public, et qu’en outre on se connaît mal d’ordinaire, ce qu’on doit dire pour se peindre au lecteur n’est pas ce qu’on dirait dans la réalité. […] Cette gradation est nécessaire à observer : si ce qui précède immédiatement la conclusion était facilement réfutable, le lecteur se révolterait, et la démonstration n’aboutirait pas. […] Souvent aussi la division exacte entre les preuves de fait et les raisons théoriques ne saurait se faire, et une dissertation n’est qu’un enchaînement continu d’inductions et de déductions, de spéculations et d’observations, qui, par une progression régulière, par une clarté croissante, forment la conviction du lecteur.

44. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

La plupart du temps d’ailleurs, le lecteur qui acheta le roman sur la foi d’une publicité de scandale se déclare volé et les éditeurs sont obligés, en mettant en vente le volume qui suit, à des frais plus grands pour un résultat moindre. […] Certainement lorsqu’il signale les beautés, il incite ses lecteurs à connaître davantage le livre ou la pièce qui les renferme. Mais le plus souvent le critique s’adresse à celui qui a lu le livre et écouté la pièce, et c’est à ce spectateur, à ce lecteur qu’il doit donner de nouvelles raisons d’aimer ou de dédaigner l’ouvrage que tous les deux, connaissent de façon inégale. […] Les rares lecteurs qui s’inspireront des études sévères ne se soucieront plus des entrefilets tintamarresques des quotidiens19. […] des lecteurs ne se prend plus aux articles tintamarresques des quotidiens.

45. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

On sent qu’il se hausse, pour ainsi dire, jusqu’à Tacite, et cet effort d’impuissance choque encoiti plus le lecteur que la résignation modeste du bonhomme Dotteville. […] L’historien vous parle une langue si rapide, si forte, si poignante, qu’il vous enlève, vous tire à lui, vous force de penser avec lui en cette langue qui lui est propre, et, fût-on un latiniste assez vulgaire, pourvu qu’on comprenne, se fait comprendre face à face, sans trucheman, sans aucune de ces traductions sous-entendues que Cicéron en ses longs développements laisse à son lecteur tout le temps de faire. […] Distraits en effet à chaque pas par des difficultés de détail, forcés de reprendre souvent haleine, et de cheminer péniblement phrase à phrase ; de plus, dénués de verve personnelle, et revenant puiser sans cesse à celle de l’original, ils courent risque, s’ils n’y prennent garde, de laisser trace en leur ouvrage de ces allées et venues perpétuelles, et de fatiguer le lecteur par leur marche inégale et heurtée. […] Burnouf nous pardonnera de préférer la version de Jean-Jacques à la sienne sur trois ou quatre points que nous indiquerions, si nous ne voulions épargner à nos lecteurs des détails toujours inutiles et fastidieux.

46. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Ce seroit, dit-il, une immense carriere à fournir que la lecture de tous les ouvrages qui se rapportent à la Philosophie, & parmi ces ouvrages, il y en a beaucoup qui sont fort au-dessus de la portée des lecteurs ordinaires. […] Il est bon de remarquer qu’ils sont plus intelligibles dans la version & plus convenables aux différens ordres des lecteurs. […] in-8°. qui peuvent suffire aux lecteurs ordinaires. […] Comme nous sommes dans la classe de ces sortes de lecteurs, nous bornerons là ce que nous avions à dire sur les meilleurs livres qui traitent des différentes parties de la Philosophie.

47. (1913) Poètes et critiques

Les pages que je vais citer diront aux lecteurs la qualité de ces impressions. […] Plus d’un lecteur pourrait y reconnaître des qualités d’homme mûr. […] Tous les lecteurs l’ont deviné. […] Au Lecteur. — II. […] J’y renvoie le lecteur, puisqu’on ne peut pas tout citer.

48. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Nous continuerons d’entretenir nos lecteurs de la Correspondance de Diderot avec mademoiselle Voland. […] Il y a toujours sans doute beaucoup de tendresse et de douce intimité dans les lettres du philosophe à sa maîtresse ; mais la passion éclatante, épurée, et par moments sublime, a disparu dans une causerie plus molle, plus patiente, plus désintéressée ; les nouvelles, les anecdotes, les conversations sur toutes choses, s’y trouvent comme auparavant ; une analyse ingénieuse et profonde du cœur y saisit toujours et y amuse ; mais la verve de l’esprit supplée fréquemment à la flamme attiédie de la passion ; un gracieux commérage, si l’on peut parler ainsi, occupe et remplit les heures de l’absence ; on s’aime, on se le dit encore, on ne sera jamais las de se le dire ; mais par malheur les cinquante ans sont là qui avertissent désagréablement le lecteur et le désenchantent sur le compte des amants ; les amants eux-mêmes ne peuvent oublier ces fâcheux cinquante ans qui leur font l’absence moins douloureuse, la fidélité moins méritoire, et qui introduisent forcément dans l’expression de leurs sentiments les plus délicats, je ne sais quelle préoccupation sensuelle qui les ramène à la terre et les arrache aux divines extases de l’âme où s’égare et plane en toute confiance la prodigue jeunesse. […] Après tout, comme Diderot, en écrivant à sa maîtresse, n’écrivait que pour elle, et songeait assez peu à son lecteur de 1830, il faut bien s’accommoder de bonne grâce à cette variation de tons qui se fait remarquer dans le cours de sa correspondance ; il y aura toujours assez d’endroits à relire et à admirer. […] Les lecteurs curieux de ces sortes de cas particulier trouveront, pages 209 et 319, un petit roman métaphysique où toutes les finesses de l’amour-propre et de la coquetterie, toutes les jalousies et les délicatesses de l’amitié, sont en jeu et luttent pour ou contre un sentiment profond sincère et désespéré, c’est presque un pendant à l’histoire d’une Jeune grecque moderne, par l’abbé Prévost ; c’est une rareté précieuse, comme M. de Stendhal en a réuni plus d’une dans son livre de l’Amour.

49. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Pour un édifice si étonnant, il fallait un portique extraordinaire, afin d’introduire le lecteur dans ce monde inconnu, dont il ne devait plus sortir. […] Nous ne savons pas si le lecteur est frappé comme nous ; mais nous trouvons dans cette scène de la Genèse quelque chose de si extraordinaire et de si grand, qu’elle se dérobe à toutes les explications du critique ; l’admiration manque de termes, et l’art rentre dans le néant. […] Il est certain que l’amour des lecteurs se porte sur les Troyens, contre l’intention du poète, parce que les scènes dramatiques se passent toutes dans les murs d’Ilion. Ce vieux monarque, dont le seul crime est d’aimer trop un fils coupable ; ce généreux Hector, qui connaît la faute de son frère, et qui cependant défend son frère ; cette Andromaque, cet Astyanax, cette Hécube, attendrissent le cœur, tandis que le camp des Grecs n’offre qu’avarice, perfidie et férocité : peut-être aussi le souvenir de l’Énéide agit-il secrètement sur le lecteur moderne, et l’on se range sans le vouloir du côté des héros chantés par Virgile.

50. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Dans une composition littéraire, la sensibilité de l’écrivain, celle de l’auditeur ou lecteur, l’occasion, mille circonstances, l’information plus ou moins complète, le penchant de l’esprit vers tel ou tel genre de preuves, interviennent sans cesse et font que, sur chaque sujet, il y a autant de plans possibles qu’il y a de gens pour le traiter, et que le même homme, à deux moments différents, peut suivre deux différents plans. […] On ferait des têtes de chapitres sous lesquelles on n’aurait rien à mettre ; ces trous, devant lesquels le lecteur serait brusquement arrêté, l’empêcheraient de nous suivre où nous voulons le mener, et lui ôteraient toute confiance. […] Il faut dire ce qu’on pense, ce qu’on sait, laisser le reste, ne pas soulever les questions qu’on ne peut résoudre : au lecteur de faire la critique de notre œuvre, de mesurer notre science, d’estimer la droiture de notre raisonnement.

51. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Si le lecteur me demande : « La matière est-elle louable ?  […] Au lecteur superficiel M.  […] Les lecteurs de L’Illustration s’en sont infiniment divertis, aux dernières livraisons surtout.

52. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVI. Des Livres nécessaires pour connoître sa Religion. » pp. 346-352

Une telle étude est plus propre aux Théologiens qu’au commun des lecteurs, pour lesquels il ne faut que des livres dont la lecture ne coûte aucune fatigue. […] Ce petit recueil, dit M. l’Abbé Trublet, est un gros volume pour les lecteurs intelligens. […] Quelques lecteurs donnent la préférence à celle de le Tourneux en 13. vol.

53. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Le poète aura beau faire, il ne contentera jamais pleinement l’attente du lecteur. […] Le lecteur sent à chaque ligne qu’il se trouve en présence d’un génie original. […] L’improvisation éblouit l’auditoire ; il est bien rare qu’elle éblouisse les lecteurs. […] Le poète des Harmonies semble dire au lecteur : Voyez comme je suis puissant et fécond ! […] Comment le lecteur poursuivrait-il une tâche que l’auteur abandonne ?

54. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Par tous les chefs-d’œuvre en tous genres le lecteur est sans cesse ramené sur lui-même. […] Il y a aussi le demi-mot, et ce n’est, pas ce qui flatte le moins le lecteur qui pour tout demi-mot s’estime bon entendeur. […] Montesquieu connaissait son lecteur ; il lui avait appris tout le premier à chercher dans les livres le plaisir sans la peine. […] Il rentre bientôt dans son naturel, qui est de méditer librement, par saillies plutôt qu’avec suite, et dans son dessein, qui est moins de convaincre son lecteur que de l’éclairer. […] Il donne les raisons des lois ; il en laisse chercher la morale à l’hésitation du lecteur.

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