On ne pouvoit donc citer à la lettre tous les passages qu’on a emprunté d’eux ; si on l’avoit fait, on auroit laissé le lecteur dans l’incertitude. […] Il auroit été agréable pour moi, mais sans doute fort ennuyeux pour mes lecteurs, de donner un Livre tout rempli de louanges ; il falloit quelques Ecrivains médiocres pour faire contraste avec les excellens, & pour rompre l’uniformité. […] J’ai rendu justice à ceux-ci en les louant presque tous, & si quelque Lecteur pense que je leur aurois rendu plus de justice en les critiquant, qu’il se mette à la place de ces Ecrivains, & qu’il voie si son amour propre auroit supporté facilement les critiques même les plus justes. […] C’est ce que les Lecteurs equitables décideront. […] C’est en unissant ainsi ce qui peut être agréable & ce qui n’est simplement qu’instructif, qu’on peut se flatter de se faire lire, ou du moins de se faire supporter à ses Lecteurs ; car je n’aspire qu’à cela, & avec des talens médiocres peut-on avoir sans témérité des vues plus élevées ?
Vous sentez qu’il vous fait réfléchir, qu’il renouvelle en vous vos sensations et impressions de lecteur, qu’il éveille en vous des curiosités de lecteur, qu’en épousant ou en contrariant vos jugements, il fait que vous les révisez, à quoi sans doute votre goût s’exerce et s’affine ; qu’en vous dirigeant du côté de nouvelles lectures, il vous ouvre des pays nouveaux auxquels vous songiez vaguement, ou ne songiez point, et qui peuvent être d’une grande beauté on d’une étrangeté captivante. […] Il semble bien ; car enfin ce qui m’importe à moi lecteur (et en vérité, c’est mon devoir) c’est d’avoir une impression personnelle, c’est d’avoir une impression bien à moi, c’est d’être ému par Corneille très personnellement et non pas d’être ému par Corneille selon l’impression d’un autre. […] Le lecteur trouvera plus court de lire Rousseau lui-même ! […] Le lecteur ne doit savoir ni comment il juge ni s’il juge ; ni comment il sent, ni s’il sent. […] Le critique est cause que le lecteur fait des lectures méditées après avoir fait des lectures abandonnées ; le critique est cause que le lecteur fait des lectures dans un champ plus vaste de pensées ; le critique est cause que le lecteur, après avoir lu l’auteur tête-à-tête, le lit à trois ou à quatre ; il ne faudrait pas étendre indéfiniment ce cercle et comme multiplier l’auditoire autour de l’auteur ; mais il faut, au bon moment, rompre le tête-à-tête.
Quoique ces diverses formules, au dire du discret conseiller, ne fussent pas sans quelque vertu tentatrice, l’auteur de ce livre ne se sentit pas assez d’humilité et d’indifférence paternelle pour exposer son ouvrage au désenchantement et à l’exigence du lecteur qui aurait vu ces magnifiques apologies, ni assez d’effronterie pour imiter ces baladins des foires, qui montrent, comme appât à la curiosité du public, un crocodile peint sur une toile, derrière laquelle, après avoir payé, il ne trouve qu’un lézard. […] Reconnaissant donc qu’il ne saurait trouver dans son talent ni dans sa science, par ses ailes ou par son bec, comme dit l’ingénieuse poésie des arabes, une préface intéressante pour les lecteurs, l’auteur de ceci s’est déterminé à ne leur offrir qu’un récit grave et naïf3 des améliorations apportées à cette seconde édition. […] Pour ne pas fatiguer le lecteur, l’auteur passe sous silence tout ce que sa mémoire ulcérée lui rappelle d’outrages de ce genre : Manet alto in pectore vulnus. […] Du reste, le lecteur bénévole pourra remarquer qu’on a rectifié plusieurs dates, ajouté quelques notes historiques, surtout enrichi un ou deux chapitres d’épigraphes nouvelles ; en un mot, il trouvera à chaque page des changements dont l’importance extrême a été mesurée sur celle même de l’ouvrage. […] Quelqu’un l’exhortait encore — car il doit tout dire ingénument à ses lecteurs — à placer son nom sur le titre de ce roman, jusqu’ici enfant abandonné d’un père inconnu.
Tout serait à citer, et la mémoire du lecteur de l’œuvre où se place cette bataille aura retenu bien d’autres épisodes saisis et projetés sur le vif. […] L’accomplissement de cette tâche est un grand fait et l’effort qu’il suppose suscite peu à peu, chez le lecteur admis à suivre cette haute entreprise, le sentiment de tension spirituelle, les élans et les arrêts, les joies et les défaillances que l’auteur put éprouver. […] Les êtres passent et repassent ; ils vivent, changent, déploient peu à peu la trajectoire de leur carrière et de leur nature ; entre le dehors et leur dedans s’établit ce jeu d’actions et de réactions d’atteintes et de résistances qu’est la vie ; le lecteur assiste à l’essor graduel et au déclin de leur nature ; et si magistral est l’art avec lequel la diversité des phases altère et ménage la permanence indélébile des individus, ils sont À chaque tournant du récit montrés autres et mêmes avec une si incontestable évidence de réalité, que ce cours de variations de carrières diverses, d’âmes changeantes de visages nouveaux, d’événements successifs, finit d’entraîner mystérieusement le lecteur dans leur muet tourbillon d’apparences et d’ombres. […] Comme ce passant encore, fasciné et tenu silencieux par ce fantôme de son visage et de la rive, passe et s’éloigne vaguement touché de crainte, puis ressaisi d’incurie et de plus pratiques pensées, le lecteur de Tolstoï se sent au cours même de l’œuvre vaguement mais sûrement repoussé du spectacle même qu’elle présente. […] Le lecteur sent le goût amer de ce désenchantement effleurer ses lèvres ; une ironie oblique et tacite, une arrière-pensée de déplaisir, comme un immense désir d’autre chose que le réel se glisse en son esprit lentement lassé, sans qu’un aveu soit sorti du livre, sans qu’une page formule le mécompte de l’écrivain et donne au lecteur le droit d’être sûr, la joie de la création et de l’existence, la joie de la perception de la force se ranime sans cesse et s’éteint dans son esprit, comme une flamme menacée, mal entretenue, et qui brûle en pure perte.
Seulement vous aurez appris à votre lecteur à lire en critique, et non pas à lire pour jouir de sa lecture, et peu s’en faut que le mot de Sainte-Beuve ne soit faux : le critique ne sait pas lire pour son plaisir et n’apprend pas aux autres à lire pour le leur. Il apprend au lecteur à lire en critique. […] Selon que le lecteur a lu déjà ou n’a pas lu l’auteur, le critique l’invite à lire dans telle disposition générale ou à relire (ou repenser) selon telle orientation nouvelle. […] Pour parler comme Bonald, qui voyait tout par trois et dans chaque triade un médiateur, la lecture se compose de trois personnages : l’auteur, le lecteur ; et le critique est le médiateur.
Le point est de sentir au juste, jusqu’où l’on peut compter sur la crédulité de ses lecteurs, et de mesurer exactement ses hardiesses à leurs lumieres. […] S’il décrit les voyages des dieux, c’est avec un amas de circonstances qui impatiente le lecteur. […] Outre que l’occasion demandoit nécessairement ces discours, ils sont encore rangés avec art, et dans un ordre propre à augmenter toujours le plaisir du lecteur. […] Les diffuses ennuyent, parce qu’elles ne laissent rien à penser : plaisir qu’il faut toujours ménager au lecteur, sans préjudice de la clarté. […] Enfin, j’ai songé à soûtenir les caractères, parce que c’est sur cette régle aujourd’hui si connue, que le lecteur est le plus sensible et le plus sévere.
Ses réfléxions exprimées avec noblesse, sont rarement amenées par le sujet ; elles paroissent quelquefois d’autant plus déplacées que l’auteur les fait à la suite de quelque intrigue, qui a non-seulement attendri, mais amolli les lecteurs. […] Il a l’art de faire passer dans l’esprit de ses lecteurs les sentimens les plus déliés, les fils les plus imperceptibles de la trame du cœur. […] Ils trouvent beaucoup de lecteurs & ne coûtent guéres à leurs auteurs. […] &c. qu’il en résulte pour le lecteur instruit, le mêlange le plus bizarre. […] Si quelque lecteur étoit curieux de connoître toutes les pauvretés qu’on a écrites en ce genre, il pourra consulter le Catalogue des Romans que le cynique Abbé Lenglet publia à la suite de son traité de l’Usage des Romans en 1735.
Thiers dégage ainsi ses résultats ; mais le lecteur le fait pour lui, et, par un raisonnement tacite, construit, chemin faisant, la philosophie de son histoire. Or, cette disposition du lecteur à accepter les événements comme des effets inévitables de causes connues, et à s’y résigner, doit-elle être reprochée à l’écrivain ? […] Initié à la raison des choses, le lecteur n’aurait qu’à se laisser aller de toute sa conviction au récit, et à reposer son intelligence dans le spectacle à la fois varié et continu qui se produirait sous ses yeux par un développement nécessaire, et qu’il ne pourrait s’empêcher de voir ni de comprendre. […] Il fallait bien pour l’historien, sous peine de se traîner, en pure perte, dans les détails des plus dégoûtantes atrocités, en venir à reconnaître les lois générales qui régissent les partis dans les temps de violence, sinon les énoncer en doctrine, du moins les sous-entendre dans l’exposition des faits, et en révéler le sens au lecteur par cette manière de traduction vivante et lumineuse. […] Thiers n’a pas prétendu répartir avec méthode ses émotions, et s’il lui arrive de jeter parfois une plainte sur les tombes entrouvertes de certains coupables immolés, cette plainte lui échappe sincère et légitime encore ; elle lui est arrachée, comme au lecteur, par quelque circonstance de leur supplice, et par cette conviction qu’ils n’ont été qu’égarés.
On comprendra aisément que l’emploi en est délicat, puisqu’il faut que le lecteur soit en état d’ajouter et de retrancher, en qualité et en quantité, au sens rigoureux des mots, précisément ce qui leur manque pour équivaloir à la pensée de l’écrivain, dont il n’a point de connaissance directe, et dont il faut lui faire deviner le degré précis et la nuance exacte. Il faut pour cela que l’écrivain connaisse son lecteur autant qu’il s’en fait connaître, et juge d’avance l’effet que fera sur lui l’impropriété du terme, pour le contraindre à faire la correction nécessaire. Si le lecteur prend l’hyperbole à la lettre, ou l’ironie au sérieux, l’écrivain a manqué son coup, comme le chasseur maladroit qui tue son chien en tirant un lièvre. […] Ainsi parfois, on interroge, sachant très bien ce qu’on demande ; on doute, étant certain ; on interpelle son lecteur, sans avoir besoin qu’il réponde ; on fait des questions, pour faire soi-même les réponses ; on s’écrie, voulant affirmer ; on n’achève pas sa pensée, pour la faire mieux entendre ; on dit qu’on ne parlera pas d’une chose, et l’on en parle. […] Enfin si les mots opposés ont des sons analogues, cette ressemblance donnera plus de relief au contraste des sens ; elle l’accusera, le soulignera, en forçant le lecteur à donner une articulation plus nette, un accent plus ferme aux mots presque identiques.
Un livre a des lecteurs ; une symphonie, un tableau une statue, un monument, des admirateurs. […] Sinon, le lecteur est choqué, trouve que l’on amplifie à plaisir, et saute les pages. Il existe donc des lecteurs réalistes et idéalistes, comme il existe des auteurs et des livres appartenant à ces deux écoles. […] L’organisation mentale d’un lecteur admiratif ne saurait être absolument semblable mais seulement analogue à celle de l’auteur qui lui plaît ; il est probable que la ressemblance sera purement générale, et il est possible que les facultés par lesquelles elle a lieu ne jouent dans l’existence du lecteur qu’un rôle subordonné. […] Les goûts divers d’un lecteur ont généralement entre eux une certaine connexité.
C’est la règle qu’on recommande le plus, mais qu’on pratique le moins, et sur l’observation de laquelle les lecteurs même ont le plus d’indulgence. […] La condition la plus indispensable dans les expressions nouvelles, c’est qu’elles ne présentent au lecteur aucune idée de contrainte, quoique la contrainte les ait occasionnées. […] Quelquefois, ne pouvant faire entendre sans beaucoup de paroles, à des lecteurs ordinaires, toute l’étendue du sens de l’auteur, j’ai mieux aimé en laisser entrevoir la finesse aux seuls lecteurs intelligents, que de l’anéantir dans une périphrase. […] En cette matière, plus qu’en aucune autre, chaque lecteur a, pour ainsi dire, sa mesure particulière, et, si l’on veut, ses préjugés, auxquels il exige qu’un traducteur se conforme. […] le commun des lecteurs la dispense même d’être fine.
Discours préliminaire, au lecteur citoyen *. […] Pour peu, vous-même, que vous fussiez Médecin, vous diriez sûrement, sage Lecteur : Il faut d’abord lier l’Energumene, le plonger ensuite dans l’eau froide, &, pendant le bain, lui mettre un bâillon, de crainte qu’il ne crie encore plus haut, & ne murmure contre son Médecin. […] Lecteur Citoyen, les Ouvrages des Philosophes de ce siecle fourmillent de déclamations du genre de celles que je viens de vous citer ; & pas un Prince pour les envoyer aux Petites-Maisons, pas un Ecrivain préposé pour les combattre, pas un Médecin nommé pour les traiter selon les saines regles de la Thérapeutique. […] Convenez, Lecteur impartial, que jamais les ennemis de notre Nation n’en ont parlé avec ce délire méprisant, & que les François qui honorent la Philosophie ressemblent au moins un peu à la femme de Sganarelle, qui aimoit à être battue. […] Vous n’ignorez pas, cher Lecteur, que c’est-là le langage qu’ont tenu & que tiennent encore les Protecteurs, les Partisans, Amis, Confreres, Journalistes, Familiers & autres Valets de la Philosophie.
Notre but principal est de contribuer à l’utilité du lecteur par le tableau des querelles littéraires. […] D’ailleurs, la variété des matières que présente cet ouvrage, pourra piquer la curiosité du lecteur qui ne cherche que l’amusement. […] ……… Souvent Homère dort : … Et son lecteur peut-être. Au milieu de toutes ces disputes, soutenues de part & d’autre avec tant de chaleur, à travers ce fatras d’injures & de libèles, parmi ces révolutions continuelles de la république des lettres, le lecteur pourra suivre le fil de nos connoissances, les progrès du goût, la marche de l’esprit humain.