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43. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

Le parterre avait très-bien jugé qu’elle était la seule à rappeler. — Tout cela a fini à près de une heure du matin. — Grande fête dans tout le quartier. […] Ce chat parmi la famine de Béthulie : jugez des plaisanteries ! […] Bref, il y a eu rumeur à la fin de la pièce, et l’auteur n’a pas jugé à propos de se faire nommer.

44. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Je le demande ; quelle est aujourd’hui la renommée de ceux qui ont voulu distribuer orgueilleusement les rangs & les places, qui ont voulu juger autrui sans avoir appris à se juger eux-mêmes ? […] Pour juger le procès, il faut assembler la multitude. […] Ainsi un Auteur de profession voit trop dans un Ouvrage, pour le bien juger ; & le Public, qui voit en gros, doit juger moins sévèrement & juger mieux. […] L’homme de goût, proprement dit, est inhabile à bien juger l’ouvrage, de l’homme de génie. […] Seigneur ; je l’ai jugé trop peu digne de foi.

45. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Très au-dessous de Charles-Quint, son père, dont il n’avait, si l’on en croit ses portraits, que la mâchoire lourde et les poils roux dans une face inanimée et pâle ; ce scribe, qui écrivait ses ordres, défiant qu’il était jusque de l’écho de sa voix ; ce solitaire, noir de costume, de solitude et de silence, et qui cachait le roi net (el rey netto), au fond de l’Escurial, comme s’il eût voulu y cacher la netteté de sa médiocrité royale ; Philippe II, ingrat pour ses meilleurs serviteurs, jaloux de son frère don Juan, le vainqueur de Lépante, jaloux d’Alexandre Farnèse, jaloux de tout homme supérieur comme d’un despote qui menaçait son despotisme, Forneron l’a très bien jugé, réduit à sa personne humaine, dans le dernier chapitre de son ouvrage, résumé dont la forte empreinte restera marquée sur sa mémoire, comme il a bien jugé aussi Élisabeth, plus difficile à juger encore, parce qu’elle eut le succès pour elle et qu’on ne la voit qu’à travers le préjugé de sa gloire. […] Ni catholique ni protestant, Forneron a bien jugé Philippe II et Élisabeth quand, tous les deux, ils ne sont ni l’un catholique, ni l’autre protestante, — mais, quand ils le sont, il ne les juge plus !

46. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il est très vrai qu’ils n’ont pas jugé les choses et les hommes comme Desmarets. […] A juger de la cause par le défenseur, on peut s’assurer qu’elle n’est pas la bonne. […] Il a fallu, pour en juger autrement, que Perrault et ses partisans prissent pour la raison le raisonnement. […] De là la vanité de gens qui se jugent moins par leur conscience que par le bruit qu’ils font, et les jalousies d’écrivains qui se disputent les bénéfices de ce bruit. […] Traité pour juger des poètes grecs et latins.

47. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Jugez de la peine que j’éprouvai quand j’appris qu’une maladie grave avait été la cause qui avait entravé votre correspondance. […] Jugez de mon embarras. […] Jugez combien je souffre, moi surtout qui avais donné à mon esprit une si franche liberté pour suivre sa ligne de développement. […] » jugez donc quand il s’agit des jouissances les seules chères à mon cœur. […] Celui-là est le Jupiter Olympien, l’homme spirituel qui juge tout et n’est jugé par personne.

48. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

La suite vous prouvera que mon cœur est fait pour l’amitié, que je n’en promets pas par-delà ce que j’en veux donner, que je ne suis point susceptible de dégoût sans cause, et que j’ai quelque discernement pour juger du mérite. […] Voulez-vous persuader à toute l’Europe, qui a les yeux sur vous, que, dans le nombre des gens qui vous aiment, il n’y en a pas un seul que vous jugiez digne de vous servir ? […] J’étais chargée de quelques propositions que je jugeais honorables et avantageuses28 ; vous les avez refusées : vous en étiez le maître. […] Si l’on examine de près et que l’on récapitule les circonstances de l’épisode que nous venons de toucher, on trouvera que les deux personnes de Paris qui jugèrent le plus sainement alors de cette déplorable et ridicule querelle, sont Turgot, dont la lettre à Hume est connue, et Mme de Boufflers. […] Parmi les personnes de la galerie et du public qui jugèrent de cette querelle en dehors de toute considération de parti et sur le simple informé général, il en est une dont la sagesse et la modération m’ont charmé.

49. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

IV La science n’a d’ennemis que ceux qui jugent la vérité inutile et indifférente et ceux qui, tout en conservant à la vérité sa valeur transcendante, prétendent y arriver par d’autres voies que la critique et la recherche rationnelle. […] Quand l’avenir nous verra dégagés de ce tumulte étourdissant, il nous jugera comme nous jugeons le passé. […] Il jugera notre œuvre comme nous jugeons celle du christianisme et la trouvera également partielle.

50. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

La méthode que pratiqua Sainte-Beuve et le but qu’il poursuivit sont indiqués suffisamment dans un article sur Chateaubriand jugé par un ami intime, dans le tome III des Nouveaux Lundis. Sainte-Beuve explique qu’il ne peut juger une œuvre « indépendamment de la connaissance de l’homme même qui l’a écrite ». […] Ici Sainte-Beuve revient à son ambiguïté du début, et dit tout d’une haleine : « Chaque ouvrage d’un auteur, vu, examiné de la sorte, à son point, après qu’on l’a replacé dans son cadre, et entouré de toutes les circonstances qui font vu naître, acquiert tout son sens, son sens historique, son sens littéraire… Être en histoire littéraire et en critique, un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. » Sainte-Beuve développe plus loin l’idée exprimée dans ce second membre de phrase, et conseille, pour apprécier un auteur, de le comparer à ses antagonistes et à ses disciples, de distinguer les diverses manières de son talent, de déterminer ses opinions sur certains sujets d’ordre général, enfin de résumer sa nature morale dans une formule exacte et concise. […] D’une part il veut juger l’auteur et faire cette sorte de critique proprement dite dont nous avons défini plus haut la nature. […] Pour les juger, il s’attache à déterminer la plupart des facteurs qui ont pu influer sur le développement intellectuel de leurs auteurs, c’est-à-dire le milieu physique, les antécédents héréditaires, l’éducation.

51. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

Il ne jugeait pas néanmoins impossible de ressaisir le sens naturel, physique, astronomique de ces traditions que les Grecs n’avaient pas comprises, et l’on sent qu’il y avait dans cette idée un fond de vérité suffisant pour la construction d’un roman ingénieux et agréable. […] Quand l’Assemblée constituante eut terminé ses séances et que le Te Deum final eut été chanté, Rabaut jugea tout achevé parce qu’il l’espérait ; il crut au repos parce qu’il était las : dans la joie de ses vœux accomplis, comme tant d’autres de ses vénérables collègues, il eût volontiers adressé au ciel le cantique de Siméon. […] Quelques nuages se promènent encore sur le ciel de la France  ; mais la Constitution est faite, la masse de la France est assise … Illusion naïve du savoir et de la vertu, qui fait sourire en même temps qu’elle attriste, illusion de tous les temps, de tous les lieux, de tous les hommes, la nôtre aussi, toutes les fois qu’il nous arrive de juger le passé d’hier avec nos idées du réveil et de croire y lire l’éternel avenir !

52. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Tout cela n’est point la poësie ; et cette maniére d’en juger, est une source infinie de contradictions. […] Ainsi certains de plaire en s’y abandonnant, ils ont imité des événemens et des objets, ce que leur humeur particuliére leur en a fait juger le plus agréable. […] C’est par-là qu’un traducteur peut être excellent ; c’est par-là qu’un lecteur équitable doit juger de son mérite. […] Ses ouvrages ne sont plus lûs, et je ne crois pas que beaucoup de gens veuillent juger par leurs yeux de ce que j’en vais dire. […] Peut-être même jugera-t-on sur ces ouvrages, que j’ai eu moins à combatre la crainte de paroître vain, que celle d’être effacé par ceux qui me loüent.

53. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 195

Il ne faut pas le juger par les éloges qu’on lui donne dans le Journal des Savans, où on l’appelle un Grand Homme. Peut-être n’en a-t-on jugé ainsi que par la multitude de ses Ouvrages, ou par celle de ses enfans, qui en égaloient, dit-on, le nombre.

54. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Quelque envie secrette qu’eut saint Bernard de mortifier le seul homme qui pût disputer avec lui d’esprit & d’érudition, il jugea plus convenable de montrer de la modération & de la douceur. […] Abailard jugea ce concile une occasion très-favorable de se faire connaître, & d’abbaisser son adversaire. […] La fuite d’Abailard fut jugée une défaite. […] Cet oracle de son siècle, aussi malheureux en écrits qu’en amour, fut au désespoir d’être jugé, sans qu’auparavant on l’eût entendu.

55. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Nul concurrent ne pouvait ou n’aurait osé s’y tromper… Des hommes si profondément littéraires, connaissaient trop l’histoire pour supposer que l’esprit de parti ou de secte la violât dans un travail qu’ils devaient juger et couronner. […] Si politiquement, socialement, on ne peut juger la Justice dans cette noble et respectueuse terre de France, il n’en est point ainsi en ce qui touche aux choses purement spéculatives de la pensée, et, sur ce terrain-là, on a le droit de juger les jugements entachés d’erreur ou de faiblesse. […] Martin Doisy catholique, aussi à l’aise dans son sujet que les protestants le sont peu, par la raison naturelle que pour juger l’Église qui n’a jamais varié, il ne faut pas être devenu — si tard que cela ait été — l’ennemi de cette Église, Martin Doisy a montré par tous les développements de son ouvrage que la charité, qui a sauvé et nourri le monde, n’a pas concentré son action dans les premiers temps du christianisme.

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