Ce n’est pas dans les étreintes d’une simple préface qu’on peut rien citer de ce livre, débordant d’une beauté continue, et qu’il faut prendre, pour le juger, dans la vaste plénitude de son unité.
Renan avait connu une crise de conscience, je crois qu’il faudrait la chercher un peu plus tard, quand il a terminé son essai sur l’Avenir de la Science et qu’après quelques tentatives, il se détermine à se conformer à la conduite dictée par les anciens : « Le philosophe doit sacrifier aux dieux de l’Empire. » Ce que Pascal formulait : « Il faut avoir une pensée de derrière la tête et juger du tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Cet aphorisme constitue le point essentiel du « renanisme » ; c’est à l’adopter que le maître put hésiter, parce qu’il avait l’amour de la vérité et qu’il dut lui en coûter de la taire à demi, comme il fit le plus souvent, dès sa trentième année.
Taine jugeait les choses avec un haut bon sens.
C’en est fait ; les heures de ma vie sont écoulées : je vais sourire en mourant. » On peut juger par ce morceau, quelle était la mythologie, le caractère et le tour d’imagination de ces peuples, plus connus jusqu’à présent par leur férocité que par leur génie ; mais ce qui mérite d’être observé, c’est que la plupart des scaldes ou chantres du nord étaient Islandais.
Nous voyons de même chez les Romains qu’au premier jugement où, selon Cicéron, il s’agit de la vie d’un citoyen, le roi Tullus Hostilius nomma des commissaires ou duumvirs pour juger Horace.
Comme science, il ne nous appartient pas de juger les Études, et nous ne hasarderons qu’un mot. […] S’il est insuffisant à remuer et, pour ainsi dire, à faire frémir avec grâce le voile de la nature, s’il lui est refusé de revêtir d’images transparentes, et accessibles à tous, les vérités qu’il médite, et s’il les ensevelit plutôt sous des clauses occultes, il contredit, sinon avec raison en principe (ce que je ne me permets pas de juger), du moins avec une portée bien supérieure, quelques-unes des douces persuasions propagées par Bernardin ; par exemple, que la nature, qui varie à chaque instant les formes des êtres, n’a de lois constantes que celles de leur bonheur […] Lemontey, en sa dissertation sur le naufrage du Saint-Géran, excellent littérateur, à l’affectation près, a fort bien jugé au fond, bien que d’un ton de sécheresse ingénieuse, ce chef-d’œuvre tout savoureux : « M. de Saint-Pierre, dit-il, eut la bonne fortune qu’un auteur doit le plus envier : il rencontra un sujet constitué de telle sorte qu’il n’y pouvait ni porter ses défauts, ni abuser de ses talents.
Voici deux figures d’hommes ou d’animaux ; vous jugez qu’elles diffèrent ou se ressemblent ; vous avez donc les idées de chaque figure, plus l’idée de la différence ou de la ressemblance. […] Reprenons l’exemple des couleurs. — « Voici du bleu et du rouge, disent les modernes disciples de Platon, vous jugez que ces deux couleurs différent ; mais la différence vous apparaît-elle bleue ou rouge ? […] En même temps les réactions motrices répondant à ces divers états, après s’être opposées, se superposent et se réconcilient : il y a harmonie, accord, action sans obstacle ; tout cela se sent et se fait, avant d’être jugé par la réflexion et exprimé par la parole.
Il crut s’être acquis par elle le droit de juger Racine ; &, dès 1676, il se plaignit, dans un ouvrage intitulé, Entretiens sur les tragédies de ce temps, de ce que ce poëte si tendre & quelques-uns de ses foibles imitateurs abandonnoient la marche des tragiques Grecs. […] Sa raison en fut révoltée, quoiqu’il ne l’eût pas toujours jugé de même. […] « Vous avez admiré, dit-il, vous avez pleuré au tragique : n’espérez pas, en revoyant le tragique après avoir vu la parodie, être ému comme vous l’avez été. » Vous ne retrouverez plus les beaux endroits ; vous les confondrez avec les plus repréhensibles ; vous jugerez d’une pièce entière d’après un bon mot, d’après une saillie heureuse ; la vertu sera représentée à vos yeux sous le masque d’un pédant ou d’un hypocrite : il aura été d’autant plus facile de la couvrir de ridicule, que rien n’y prête comme le sublime, comme les grands sentimens de la tragédie qu’on charge toujours, & qui, pour peu qu’on les charge encore, deviennent gigantesques ou puériles.
Ce n’est rien moins que la question du mal hardiment posée, hardiment débattue et jugée. […] La Nature nous échappe par sa grandeur ; ignorant ses motifs, nous voulons juger par les nôtres : rien n’est bon en soi ni mauvais, tout est rationnel, tout est parce qu’il doit être : La Nature nous dit : « Je suis la raison même. […] La science positive a beau dire et beau faire ; on vain elle nous dit que l’homme n’est qu’une pièce infiniment petite, perdue et entraînée dans le jeu du mécanisme universel ; l’homme, spectateur de la vie, la juge ; témoin de l’inégale répartition des biens et des maux, il s’en indigne ; témoin de sa propre vie, il se condamne quand il fait mal ; il ne peut s’empêcher de juger et la nature et lui-même.
… Et c’est ce qu’il faut rappeler à propos de Proudhon, quand il s’agit de le juger. […] Il est l’apôtre de la Révolution, et jamais de Maistre, qui la traitait de satanique, ne l’a jugée plus cruellement que lui. […] Or, les siècles se jugent aussi par leurs courtisanes.
Il y a une loi générale dont nous venons de trouver une première application et que nous formulerons ainsi : quand un certain effet comique dérive d’une certaine cause, l’effet nous paraît d’autant plus comique que nous jugeons plus naturelle la cause. […] Un personnage de tragédie ne changera rien à sa conduite parce qu’il saura comment nous la jugeons ; il y pourra persévérer, même avec la pleine conscience de ce qu’il est, même avec le sentiment très net de l’horreur qu’il nous inspire. […] Peut-être fallait-il que cette machine à juger nous apparût en même temps comme une machine à parler.
Sans doute, l’auteur jugeait ce rôle ingrat et peu intéressant. […] Est-ce que c’est à nous de juger ? […] Je prends cela sur moi… Dieu me jugera. […] Je me suis contenté d’en définir les personnages à ma manière, justement pour vous montrer que j’étais incapable de juger la pièce. […] Je ne me suis un peu pardonné ce mauvais sentiment qu’après avoir tiré de là un petit conte philosophique où il était sévèrement jugé.
Je ne saurais entrer dans plus de détails ; je me contenterai de dire qu’il ne faut pas juger ce livre sur le dénouement, un peu bien mélodramatique. […] Ainsi jugeaient les juifs sous l’œil froid des Romains. […] Ceux qui ont été seulement à Londres pendant quelques jours pourront juger de la vérité des impressions et des récits de l’auteur. […] » Dans les causes d’adultère jugées au tribunal de la Divorce Court, c’est neuf fois sur dix un officier qui comparaît comme co-respondent (complice d’adultère). […] Caro, de l’Académie française, vient de nous donner sur lui un livre qui permet de le juger sainement, comme homme et comme penseur.