La pièce des Femmes savantes, jouée pour la première fois, en 1672, est une dernière malice de Molière, à double fin : d’abord pour se défendre de la réprobation de quelques mots de son langage et de quelques erreurs de sa morale ; ensuite pour servir les amours du roi et de madame de Montespan, qui blessaient tous les gens de bien et dont la mort récente de madame de Montausier était une éclatante condamnation. […] Voici d’autres exemples fort remarquables de fausses applications, dans Les Femmes savantes : Charpentier, directeur perpétuel de l’Académie française, et l’un des fondateurs de l’Académie des inscriptions, le même que Louis XIV avait chargé des inscriptions à mettre sous les peintures de Versailles, et de la composition des médailles de son règne, le même que Boileau appelle le gros Charpentier, s’avisa de dire un jour, ou du moins le Carpenteriana lui fait dire que la marquise de Rambouillet s’était indignée de l’impertinence de Molière, qui avait joué les femmes de sa société et elle-même dans Les Femmes savantes, et que Ménage, à qui elle demandait vengeance, avait eu le courage de déclarer la pièce un ouvrage parfaitement beau, au-dessus de tout reproche et de toute critique.
Rousseau, depuis deux ou trois ans vous vous êtes un peu gâté ; voilà ce qu’on gagne aussi à jouer aux échecs avec des princes du sang1, à prendre un appartement au château de Montmorency. […] Rousseau, dans le temps qu’il habitait le château de Montmorency, y jouait quelquefois, avec feu le prince de Conti, une partie d’échecs.
Ils auraient été peut-être capables de jouer la grande partie contre la Révolution dont ils parlent à chaque page de leurs lettres, et qu’ils conseillèrent, mais en vain, de jouer, à leurs gouvernements.
Or, jamais cette impersonnalité exigée par les rhétoriques, rêvée par les niais et jouée par les sournois, ne nous a paru briller plus clairement de sa fausse lumière que dans l’Histoire de France publiée par Léopold Ranke, — le meilleur ouvrage peut-être qui ait jamais été écrit pour prouver que l’indifférence olympienne est la qualité des dieux de marbre qu’on n’invoque plus, mais qu’elle n’est jamais qu’une hypocrisie de la pensée, qui, pour sa peine, — comme on va le voir, — en reste blessée et mutilée presque toujours. […] Pour une raison ou pour une autre, Léopold Ranke a joué à l’impossible ; — l’impossible l’a tué !
» Une troupe d’acteurs avait, en 1594, joué un Hamlet à Newington. […] Il jouera, si on veut, le tyran, l’amant, la dame, le lion, etc., etc. […] Bianca elle-même a sa physionomie tout à fait indépendante du petit rôle qu’elle joue dans l’action. […] On pense généralement que cette comédie anonyme fut jouée avant the Taming of the Shrew de Shakspeare. […] On l’a joué longtemps sous cette nouvelle forme.
La Petite fille qui joue avec son chat qu’elle a enveloppé dans un des coins de son mantelet, mérite l’attention par sa vie, sa mignardise et l’élégance de son ajustement.
Celle-ci alors, en effet, a de quoi s’appuyer et à la fois de quoi jouer librement ; elle atteint au réel, et tour à tour se tient à distance ; elle serre de près le détail, et elle met à l’ensemble la perspective. […] C’est Ménalcas qui parle : « Vallons et vous, fleuves, descendance divine, si jamais le flûteur Ménalcas vous a chanté quelque air agréé, faites-lui paître de toute votre âme ses petites brebis ; et si Daphnis survient amenant ses tendres génisses, qu’il ne soit pas plus mal traité. » Daphnis aussitôt répond sur les mêmes idées, sur le même rhythme, il renchérit gaiement ; mais ses vers enchanteurs, s’ils l’emportent sur ceux de l’autre, le doivent surtout à l’harmonie, et cette supériorité fugitive ne se saurait rendre : « Fontaines et plantes, doux jet de la terre, si Daphnis vous joue de ses airs à l’égal des jeunes rossignols, engraissez-lui ce cher troupeau ; et si Ménalcas amène par ici le sien, ne lui ménagez pas votre abondance. » C’est ainsi entre ces aimables enfants, tant que dure le combat, un échange et un entrelacement de toute sorte de bon vouloir et de bonne grâce. […] La plénitude de la vie, la fraîcheur des amitiés premières, l’essor des espérances poétiques qu’anime et couronne déjà le premier rayon de la gloire, ces vives sources d’inspiration s’y jouent au sein d’une nature radieuse et féconde dont l’hymne grandiose finit par tout dominer. […] Et doucement il me dit, en montrant les dents, d’un regard souriant, et le rire jouait sur sa lèvre. » Au sujet de cette peau qui sent encore la présure, et que je n’ai pas voulu dérober par fausse bienséance, on remarquera que ce sont là des circonstances qui plaisaient aux anciens, bien loin de leur répugner ; ils les recherchaient plutôt volontiers. […] Sa beauté pend sur la joue de la nuit comme un riche joyau à l’oreille d’une Éthiopienne !
Je me piquerai peut-être un peu les doigts en émondant ce rosier à quarante-cinq feuilles qui enivre depuis trois siècles notre Italie ; mais, à mon âge et avec mon caractère, on a la main callée et la peau dure ; on peut jouer avec les feux follets de l’Arioste sans craindre de se brûler les doigts ou les yeux. […] C’étaient ces heures nonchalantes de l’avant-soirée entre la sieste et la promenade du soir, que nous passions dans la grotte de rocaille à respirer l’air de la mer, à causer sans suite, à rêver tout haut, à jouer de la main avec l’eau courante qui scintillait et chantait dans la rigole de marbre à nos pieds. […] « S’il est ami ou ennemi, elle ne le sait pas ; la terreur et l’espérance agitent son cœur serré par le doute ; elle attend, immobile, la fin de cette aventure, sans ébranler de sa respiration l’air qui l’environne ; le chevalier se couche à demi sur le bord incliné du ruisseau, passe un de ses bras sous sa tête où s’appuie sa joue, et s’abîme tellement dans une profonde rêverie qu’il paraît transformé en une insensible pierre. […] C’était la première fois qu’un grand poète jouait, pour ainsi dire, de son âme neuve et de son imagination encore endormie ; à lui seul ce visage était un poème. […] Elles continuèrent à jouer ainsi l’une avec l’autre devant moi, comme une jeune brebis avec son agneau devant un enfant qui les contemple.
Il faut du loisir et de la sécurité à longue échéance pour jouer avec les rêves. […] … « “Talma joue maintenant Auguste dans Cinna. […] Qu’importe des habits d’acteur si l’on ne joue plus de rôle ? […] La partie engagée, je joue si gros jeu ! […] Rien ne put le désenchanter de son illusion ; on le joua sans succès.
George Sand, à Genève, entendant Liszt jouer un rondo intitulé le Contrebandier, tâche de rendre les impressions qu’elle a éprouvées et compose un conte lyrico-fantastique qui porte le même titre126. […] Or les chansons de geste, les poésies guerrières et galantes des troubadours et trouvères, les mystères, qui étaient souvent joués par toute la population d’une ville, ont dans leur ensemble les mêmes caractères. […] Là, enfouis dans la verdure, des chalets coquets et mignons, où la reine de France venait battre le beurre de ses blanches mains et jouer à la bergère avec les dames et les seigneurs de sa cour. […] Le mot silhouette rappelle à la fois le plaisir que les gens du xviiie siècle trouvèrent quelque temps à jouer aux « ombres chinoises » et le financier Étienne de Silhouette, qui avait tapissé son château de profils noirs ainsi obtenus. […] La farce est née, dans les fêtes de la Basoche, de ces causes grasses qu’avocats et étudiants en droit plaidaient et jouaient à certains jours dans la grande salle du Palais de justice.
Or, Wagner était intimement lié avec lui… Liszt venait à Zurich voir Wagner et lui jouer Beethoven et Bach ; Büllow et Raffy apportaient l’encouragement de leur jeune enthousiasme. […] Cet opéra devait être joué par une troupe italienne. […] Et, en vérité, quel effet prodigieux feraient le premier et le second acte chantés et joués par des Italiens qui seraient à la hauteur de la tâche ! […] La fuite en de nouveaux pays… la création fiévreuse de Tristan, c’est-à-dire du drame qui se jouait en son propre cœur… lui sauvèrent la vie. […] de tous les chevaliers, il est le plus savant, le plus artiste ; il parle toutes les langues, il joue de tous les instruments, il écrit des « lays » et de la musique75.
Mme X… était, il y a huit jours, à la représentation de Fort-en-gueule, et la salle, à la voir toute charmante et toute souriante, ne pensait guère, que lorsque les yeux de cette femme regardaient dans sa jumelle, ils ne voyaient pas ce qui se jouait sur la scène, mais qu’ils voyaient les affreux instruments d’acier, les bistouris impitoyables qui allaient la déchirer, le lendemain matin, et lui faire, pour la septième fois, l’opération des glandes cancéreuses. […] » me dit-il avec de grands mouvements des bras colères, et un rire méprisant qui joue mal le « Je m’en fous ! […] » Au fond, cette chute est déplorable pour tout fabricateur de livres : pas un de nous ne sera joué d’ici à dix ans. […] Samedi 10 octobre Tout de mon long sur la terre, la joue sur le bras, c’est pour moi un des plaisirs de la chasse au bois, de somnoler, à demi éveillé par le fourmillement de la terre, le susurrement de l’air ensoleillé, les jappements lointains de la meute, dans les profondeurs de la forêt. […] Quand on a eu un échec, comme nous en avons eu, tous les deux, il faut, pour la revanche, être sûrs d’être joués par de vrais acteurs. » Il me paraît un peu embarrassé, et puis, après un silence, il accouche de : « Je suis au Gymnase, maintenant… ce n’est pas moi, c’est Peregallo qui a voulu la présenter. » Et il ajoute : « Il y a cinq robes dans ma pièce, et là, les femmes peuvent en acheter. » Il y a cinq robes dans ma pièce… Ô fascination du théâtre !
Comme il ne croit pas que son souverain, l’empereur Joseph, soit en mesure de la commencer assez vite, il demande à être provisoirement au service de la Russie : « Après avoir fait quelques sottises dans ma vie, dit-il à ce propos, j’ai fini par faire une bêtise. » Le voilà donc sans rôle défini, en qualité de militaire à moitié diplomate, et d’officier général à demi conseiller et très peu écouté, côte à côte avec le prince Potemkine, qui le caresse et le joue : « Je suis confiant, moi, je crois toujours qu’on m’aime. » On assiège Otchakov ; Potemkine n’est rien moins que militaire, et il veut le paraître. […] Le prince de Ligne était de cette race ; au moment de la prise de Belgrade, il écrivait à M. de Ségur, combinant avec art toutes ses sensations : « Je voyais avec un grand plaisir militaire et une grande peine philosophique s’élever dans l’air douze mille bombes que j’ai fait lancer sur ces pauvres infidèles… » Et après l’entrée dans la place : « On sentait à la fois le mort, le brûlé et l’essence de rose ; car il est extraordinaire d’unir à ce point les goûts voluptueux à la barbarie. » Il se plaît lui-même à se jouer à ces antithèses. […] Un jour qu’il était allé à Schönbrunn où était le jeune roi de Rome, l’enfant, à qui le vieux maréchal (car le prince de Ligne avait ce titre) agréait beaucoup, se mit à jouer aux soldats devant lui ; le maréchal se prêta au jeu et commanda la manœuvre.