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625. (1881) Le roman expérimental

Je vais tâcher de prouver à mon tour que, si la méthode expérimentale conduit à la connaissance de la vie physique, elle doit conduire aussi à la connaissance de la vie passionnelle et intellectuelle. […] Notre but est le leur ; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes des éléments intellectuels et personnels, pour pouvoir les diriger. […] Un mouvement intellectuel et social a peu à peu amené une transformation, qui est aujourd’hui complète. […] Toute la vie intellectuelle s’agitait alors dans le cercle étroit des hautes classes, dans les salons et les académies. […] Tout mouvement social entraîne un mouvement intellectuel.

626. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Il en est une espèce, qui constitue la vie intellectuelle ou intelligence. […] Quand l’être nous est assuré, nous voulons avoir le bien-être, intellectuel aussi bien que physique. […] Voilà donc un moyen de classer les différentes formes de l’acte intellectuel. Autant il y aura d’espèces d’objets à connaître, autant nous compterons de facultés intellectuelles. […] Elle nous apporte ainsi les matériaux de notre vie intellectuelle.

627. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Que dire encore de cette merveilleuse synthèse intellectuelle, qui fut nécessaire pour créer un système de métaphysique comme la langue sanscrite, un poème sensuel et doux comme l’hébreu ? […] Ce sont des compositions bien insipides que les œuvres des poètes latins des bas siècles, et pourtant, si on ne les a pas lues, il est impossible de se bien caractériser une décadence, de se figurer la cou-leur exacte des époques où la sève intellectuelle est épuisée. […] Mais la façon dont le peuple prenait la vie, le système intellectuel sur lequel le temps se reposait, on ne s’en occupe pas, et là pourtant est le grand principe moteur.

628. (1888) Études sur le XIXe siècle

Stephens insiste encore sur les qualités nécessaires à l’artiste qui veut entrer dans « l’ère nouvelle » : il doit être doué d’un large esprit de sacrifice, prêt à travailler « en humilité et vérité », décidé à ne rien céder à la dégradation du goût régnant, et surtout pur de cœur, libre de toute sensualité intellectuelle. […] Je ne crois pas qu’on trouverait dans l’histoire des arts un cas plus curieux que cette retraite d’un artiste tout jeune, célèbre avant l’âge, doué des facultés les plus exceptionnelles, et qui, pendant plus de trente ans, inconnu de la foule, exerça sur une partie considérable de l’élite intellectuelle de son pays une sorte d’occulte royauté. […] Dans son esprit, l’art et la religion sont deux manifestations d’un besoin unique, ou, pour employer les expressions qu’il emprunte volontiers à Schopenhauer, deux représentations intellectuelles (Vorstellungen) d’une même idée : l’art et la religion se complètent l’un l’autre et poursuivent des fins communes. […] Si nous cherchons, dans le seul genre du roman, la démonstration pratique de cette différence entre les conditions des deux littératures, nous verrons qu’en France il est toujours possible d’établir une sorte de parenté intellectuelle entre plusieurs écrivains ; il est certain, par exemple, que George Sand, J.  […] M. de Amicis n’est point un philosophe, tant s’en faut : toute sa nature répugne au trop grand effort intellectuel ; il est un dilettante aimable, qui se promène à travers le monde en curieux, avec le parti pris de le trouver très bon, et qui, toujours content, fait quelquefois partager sa satisfaction à ses lecteurs.

629. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Cet éveil fut si puissant, que l’amertume de la victoire de l’étranger s’en adoucit un peu dans son cœur, et que le souvenir de cette époque lui est demeuré surtout comme celui d’une émancipation intellectuelle : « C’est pour cela, dit-il avec ce tour d’esprit qui est le sien et où le sérieux et la raillerie se mêlent, c’est pour cela que je n’ai jamais eu un grand fonds d’aigreur contre la Restauration ; je lui savais gré en quelque sorte de m’avoir donné les idées que j’employais contre elle. » Il faudrait se bien représenter ici la physionomie du monde où vivaient ses parents, une variété du grand monde, aimable, polie, distinguée de manières et de goût, mais fort tempérée d’idées, et sans mouvement à cet égard, sans initiative. […] Dans toutes les branches, excepté la poésie, ils laissèrent des traces profondes, et contribuèrent plus que personne à fertiliser la dernière moitié de la Restauration, de même que leur rentrée en masse aux affaires après juillet 1830, en voulant doter le régime actuel de sa politique, l’a trop déshérité de la haute culture intellectuelle. […] Ces Mélanges, ainsi interprétés, sont une suite de chapitres composant des mémoires intellectuels. […] Imaginez un drôle spirituel et dévoué tel qu’il s’en présente en France à chaque insurrection intellectuelle ou autre, un enfant de Paris malgré son nom alsacien, aide-de-camp prédestiné pour toutes les journées de barricades.

630. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

C’est dire qu’il lui manquait d’avoir une autre humeur que la sienne, une autre complexion, une autre formation intellectuelle. […] Nous ramenons à quelques grandes lignes les traits de sa physionomie intellectuelle. […] Nul n’avait plus que lui admiré l’Allemagne pour son mouvement intellectuel, pour le labeur opiniâtre et fécond de ses savants. […] Constatons d’abord la médiocrité intellectuelle de la foule. […] Sitôt que les hommes sont réunis, le niveau intellectuel s’abaisse : au moins voilà une particularité qui prête à la méditation !

631. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

« Eugène, est-il dit dans l’Introduction, n’a point seulement servi la doctrine par des efforts purement intellectuels ; il voulait lui consacrer sa vie entière.

632. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

La vue intellectuelle de Montaigne va bien plus loin que celle d’aucun écrivain de l’antiquité.

633. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

C’est un des plus beaux exemples d’acrobatie intellectuelle que je connaisse, un des plus suivis, des mieux exempts de lassitude ou de distraction.

634. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Ysaye, le pianiste, quelques parents lointains dans une voiture avec Mme Jules Laforgue, Paul Bourget, Fénéon, Moréas, Adam et moi ; et la montée lente, lente à travers la rue des Plantes, à travers les quartiers sales, de misère, d’incurie et de nonchalance, où le crime social suait à toutes les fenêtres pavoisées de linge sale, aux devantures sang de bœuf, rues fermées, muettes, obscures, sans intelligence, la ville telle que la rejettent sur ses barrières les quartiers de luxe, sourds et égoïstes ; on avait dépassé si vite ces quartiers de couvents égoïstes et clos où quelques baguettes dépouillées de branches accentuent ces tristesses de dimanche et d’automne qu’il avait dites dans ses Complaintes, et, parmi le demi-silence, nous arrivons à ce cimetière de Bagneux, alors neuf, plus sinistre encore d’être vide, avec des morts comme sous des plates-bandes de croix de bois, concessions provisoires, comme dit bêtement le langage officiel, et, sur la tombe fraîche, avec l’empressement, auprès du convoi, du menuisier à qui on a commandé la croix de bois et qui s’informe si c’est bien son client qui passe, avec trop de mots dits trop haut, on voit, du fiacre, Mme Laforgue riant d’un gloussement déchirant et sans pleurs, et sur cet effondrement de deux vies, personne de nous ne pensait à la rhétorique tumulaire6. » Jules Laforgue représente le type accompli de l’intellectuel en 1880.

635. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Ainsi l’examen de leur œuvre et de leur vie nous apprend que Marivaux, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau, Ducis ont tous aimé, admiré, reproduit certains écrivains anglais : nous voici autorisés à déclarer que l’Angleterre a exercé sur la France une forte influence intellectuelle au cours du xviiie  siècle, et avec un peu d’attention, il est aisé de marquer dans quels domaines, entre quelles dates, en quel sens elle a agi.

636. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

  IIe Ordre : Opérations intellectuelles.

637. (1865) Du sentiment de l’admiration

Mais je n’en veux qu’à cette fausse sagesse, calculatrice et imprévoyante à la fois qui, sous prétexte de s’en tenir au nécessaire, n’essaie pas même de conquérir le superflu ; à cette sagesse banale qui considère le travail comme une action régulière et mécanique et qui s’interdit comme une imprudence tout effort intellectuel qui n’est pas rigoureusement commandé.

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