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24. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Stirner attaque tout désir qui n’est pas l’expression directe de son instinct à lui, de même qu’il attaque toute idée qui n’est pas issue de son cerveau et qui n’a pas pour résultat une justification ou une satisfaction de son égoïsme. […] Ce qu’il y a de plus clair chez Stirner, dans cet ordre d’idées, c’est un besoin effréné d’indépendance, une revendication frénétique en faveur de la liberté des instincts ; revendication qui porte d’ailleurs sur les instincts les plus généraux de notre nature, ceux qui constituent le fond physiologique de tout être humain : l’instinct sexuel, la faim, l’instinct du bien-être. […] Alors, les autorités ne fonctionnant plus, les passions antisociales de la population se sont déchaînées de façon à donner une idée bien faible de l’efficacité de l’instinct social.

25. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

L’antinomie morale La morale est l’expression idéalisée et sublimée de l’instinct social. […] L’illusion spiritualiste consiste à exploiter l’instinct de survie des individus. […] La discussion morale est un prétexte que prend l’instinct égoïste pour résister sournoisement à l’instinct social et pour ruser avec la règle. […] La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle.

26. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Ce sont la volonté, l’instinct, l’habitude. […] L’instinct est parfait. […] Chaque instinct est spécial. […] L’instinct n’est pour lui qu’une expérience devenue peu à peu habitude et instinct. […] L’instinct est immuable.

27. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Non seulement de nouvelles associations organiques, des aptitudes nouvelles organiques, de nouveaux instincts ne peuvent plus se former, mais encore presque toutes les aptitudes et tous les instincts que présente l’homme antérieur à la civilisation sont dissous. […] La moralité, dit Guyau, est l’affranchissement des instincts animaux et de toute passion… Mais en même temps que se dissolvent les tendances et les instincts contrariés, c’est-à-dire à mesure que ces associations d’aptitudes organiques innées cèdent aux changements extérieurs, se désorganisent et que l’homme devient plastique, la réflexion fait son apparition ; la conscience, la raison se font jour pour prendre la place vacante laissée par les instincts et les aptitudes innées. […] Instinct et raison sont deux phénomènes incompatibles… et comme la dissolution des instincts est l’effet du processus social, la conscience réfléchie est due à la même cause. […] Dans l’intelligence spectaculaire, l’instinct de connaissance s’est complètement dissocié de l’instinct social. Cette dissociation rentre dans une autre dissociation d’un caractère plus général et plus métaphysique : celle de l’instinct de connaissance et de l’instinct vital.

28. (1890) L’avenir de la science « II »

Les habitudes de la vie pratique affaiblissent l’instinct de curiosité pure ; mais c’est une consolation pour l’amant de la science de songer que rien ne pourra le détruire, que le monument auquel il a ajouté une pierre est éternel, qu’il a sa garantie, comme la morale, dans les instincts mêmes de la nature humaine. […] La combinaison est aussi impuissante à reconstruire les œuvres de l’instinct que l’art à imiter le travail aveugle de l’insecte qui tisse sa toile ou construit ses alvéoles. Est-ce une raison pour renoncer à la science réfléchie, pour revenir à l’instinct aveugle ? […] L’établissement social, comme l’établissement politique, s’est formé sous l’empire de l’instinct aveugle. […] La langue française, faite par des logiciens, est mille fois moins logique que l’hébreu ou le sanscrit, créés par les instincts d’hommes primitifs.

29. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Mais que l’instinct primitif subsiste, qu’il exerce une action disruptive, cela n’est pas douteux. […] On était entre « civilisés », mais l’instinct politique originel avait fait sauter la civilisation pour laisser passer la nature. […] Mais l’instinct résiste. […] L’instinct guerrier est si fort qu’il est le premier à apparaître quand on gratte la civilisation pour retrouver la nature. […] Nulle part il n’est plus dangereux de s’en remettre à l’instinct.

30. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Ajoutez à cet instinct créateur des religions, à ce double instinct créateur des religions, ou plutôt à cet instinct à deux faces doublement créateur des religions, les créateurs eux-mêmes, c’est-à-dire les organisateurs de l’instinct religieux. […] Vous ne connaissez pas la nutrition de vos instincts. […] Peut-être vivre c’est inventer. » Toujours est-il que le jeu de nos instincts et surtout les causes du jeu de nos instincts nous sont inconnues. […] Si l’on veut, l’aristocratisme est une forme de l’instinct de hiérarchie et l’instinct de hiérarchie c’est le patriotisme lui-même. […] Il y a des peuples qui ont, très fort, l’instinct social.

31. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Vielé-Griffin, qui se livre davantage à l’instinct et même exprime parfois directement ce qu’il veut dire. […] Tous les classiques, et avant eux les chantres épiques du Moyen-Âge, l’ont appliquée soigneusement et il semble qu’elle s’offre naturellement à l’instinct de qui veut écrire. […] Il semble naturel que son caractère — car cela ne tient-il pas de l’instinct plutôt que de la raison ?  […] Elle a le primesaut de l’instinct, mais il demeure en elle quelque chose de passager et d’inconsistant : fille de la fantaisie, elle en garde la faiblesse. […] La corrélation de l’amplitude lumineuse à l’intensité sonore se devine d’instinct.

32. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Ignorant et inculte, il aspire aveuglément à l’idéal, par l’instinct sourd et puissant de la nature humaine, il est énergique et vrai comme toutes les grandes masses de consciences obscures. Inspirez-lui ces chétifs instincts de lucre, vous le rapetissez, vous détruisez son originalité, sans le rendre plus instruit ni plus moral. […] Croyez-vous qu’il ne fait pas plus d’honneur à la nature humaine en témoignant, d’une façon irrationnelle sans doute, mais puissante, qu’il y a dans l’homme des instincts supérieurs à tous les désirs du fini et à l’amour de soi-même ! […] Et c’est à ces superbes débordements des grands instincts de la nature humaine que vous venez tracer des limites, avec votre petite morale et votre étroit bon sens ! […] Ce qu’il y faut blâmer, ce n’est pas le trop d’énergie, c’est la mauvaise direction donnée à de puissants instincts.

33. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Zola concentre tous ses regards sur les racines, sur les instincts et les origines, c’est-à-dire sur la base organique de l’être vivant. […] Aux libres et violents instincts, aux farouches sexualités ils opposaient le rêve, la virginité, l’amour cérébral, la spiritualisation de la chair. […] Un vague instinct de vie spirituelle semble l’animer parfois, mais les plus graves questions demeurent en dehors de son domaine. […] De la vie de l’instinct et du désir, de la vie des organismes et de la chair, des tragiques conflits de la force, elle s’est détournée avec hauteur, pour s’ensevelir dans la pourpre sombre de sa tristesse. […] Il a négligé par suite de voir l’homme dans sa totalité et dans son ensemble, dans sa conscience supérieure comme dans son instinct.

34. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il flatte ainsi les instincts secrets et puissants de tout le monde. […] Tous les meilleurs instincts de l’humanité et pour mieux dire tous ses instincts devenus bons, ne sont-ils pas satisfaits ? […] L’instinct de la lutte est peut-être son instinct le plus fort, et en tous cas, un instinct si puissant en elle qu’il y a à parier qu’il l’empêchera toujours et de céder aux impulsions altruistes, et même de voir son intérêt vrai. […] Certainement, attendu que dans toute période de l’histoire humaine il y a de l’instinct de révolte et de l’instinct de tyrannie. […] Procédé inverse, même instinct : vouloir que tout se ressemble.

35. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Ni la souple et ployable raison n’a su trouver une vérité constante, ni l’ondoyant et divers instincts n’a pu établir une forme universelle de vie. […] Et je remarque enfin qu’au-delà de la métaphysique et de ses émanations de l’ordre pratique, Montaigne travaille à nous faire douter des formes multiples où nous réalisons nos instincts, à nous persuader que ces formes, toutes relatives à nous, ne sont pas ces instincts, ni ne leur sont essentielles ; que donc nous ne devons pas nous opposer, nous diviser par là, ni refuser de voir nos semblables dans des hommes qui ne prient pas, ne parlent pas, ne s’habillent pas comme nous : est-ce raison d’assommer des sauvages parce qu’ils ne portent pas de hauts-de-chausses ? […] « Notre grande et puissante mère nature » nous enseigne à fuir la douleur et à chercher le plaisir : elle nous fournit les outils à cette besogne, nos instincts, nos organes, nos facultés ; elle nous prescrit le choix et la mesure. […] Je ne sais si on l’a assez remarqué, les plus fragiles ou fausses morales ont toujours été proposées par de très honnêtes gens qui ont pris dans l’instinct et dans le plaisir la règle fondamentale de la vie, parce que leur instinct et leur plaisir ne les écartaient pas sensiblement des actions sans lesquelles il n’y a plus de morale, partant plus de société : ainsi Helvétius, ainsi Montaigne. […] Il affirme la justice et l’humanité : par une horreur intime de la souffrance physique, son instinct écarte toutes les cruautés ; mais sa réflexion adhère à son instinct, et c’est toute son intelligence avec tous ses nerfs qui lui dicte d’éloquentes protestations contre la torture, et contre la barbarie des Espagnols dans le Nouveau Monde.

36. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Ce système de cloisons étanches donne une certaine satisfaction à l’instinct d’indépendance individuelle. […] » Le sentiment du bien être prédomine dans ces situations ; bien-être misérable et servile qui détache l’individu des aspirations élevées, de tout instinct de grandeur, de tout désir d’indépendance et d’affirmation de soi. […] « L’homme de la Renaissance maîtrisa ses instincts et affina sa personnalité uniquement pour mieux jouir de lui-même ; les instincts sociaux, la notion d’un bonheur collectif existaient à peine chez lui. […] Comment concilier avec la socialisation de la culture, avec la démocratisation et l’égalisation des valeurs l’instinct qui porte les individualités à se différencier et à étendre sur autrui leur volonté de puissance ? […] C’est dans cette pensée qu’ils s’efforcent de défendre l’initiative individuelle, facteur capital de la richesse, contre les instincts d’uniformité et d’égalité niveleuse (Tarde).

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