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543. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

D’ailleurs les rédacteurs de ses statuts avaient conçu à ce sujet, pour ne rien dire de plus, une étrange idée : non seulement ils voulaient (ce qui était raisonnable) marier, pour ainsi dire, chaque art mécanique à la science dont cet art peut tirer des lumières, comme l’horlogerie à l’astronomie, la fabrique des lunettes à l’optique ; mais ils prétendaient encore, qu’on nous passe cette expression, accoler chacun de ces arts à la partie des belles-lettres qu’ils s’imaginaient y avoir plus de rapport : par exemple, disaient-ils, le brodeur à l’historien, le teinturier au poëte, et ainsi des autres. […] Le faste de cet équipage était une galanterie du comte de Clermont, abbé de Saint-Germain, dont il régalait la vanité de la Leduc…31 » On imaginerait difficilement plus de bienséances violées à la fois.

544. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

On ne saurait imaginer quels péchés ni quels pécheurs la Vierge arrache à l’enfer, au supplice, au déshonneur, sur un mot de repentir, même sur un simple acte d’hommage et de foi. […] Imaginez-vous une sorte de revue où défilent sous leur nom, avec leur caractère, en propre personne ou par directe désignation, dix ou vingt bourgeois connus de la ville, où le poète, à côté de son père et de ses voisins, s’introduit, contant son mariage, comment il s’est défroqué pour épouser la belle qui l’a si délicieusement ravi et si vite lassé, comment il veut se démarier, et s’en aller à Paris étudier : écoutez ces propos salés et mordants de compères en belle humeur, qui en disent de dures sur les femmes, et voyez dans un brouhaha de « kermesse », selon le mot si juste de M. 

545. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Mais on ne comprendrait rien au développement du théâtre français, si l’on s’imaginait en avoir fini avec les mystères dès qu’on joue des tragédies : c’est une erreur que l’on commet souvent, quand on ne voit dans l’art dramatique qu’un genre littéraire. […] Quand ce bruit fut apaisé, il ne resta plus guère que Scudéry pour s’imaginer que d’autres pièces pouvaient se comparer au Cid.

546. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Plus il entasse ou gonfle ses métaphores, plus il s’imagine élever ses idées, et il s’est attiré de Veuillot par certaines méditations délirantes le mot cruel que l’on sait : Jocrisse à Pathmos. […] Toutes ces épopées symboliques, non historiques, sont réellement des mythes, où les formes de la réalité, imaginée ou vue, ancienne ou contemporaine, s’ordonnent en visions grandioses et fantastiques.

547. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Il y a du pédantisme dans ce débraillé, et de la naïveté dans ces affirmations méprisantes et superbes, il est difficile de rien imaginer de plus intolérant, de plus vague et de plus faux. […] La date même de l’action nous fait déjà, soupçonner que les théories de Sandoz ne seront pas aussi rigoureusement appliquées ici que se l’imagine M. 

548. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Il imaginait avec facilité et largeur des allégories plus ou moins mythologiques où il entrait toujours quelque chose à la gloire du roi : c’était le but final auquel il fallait tout rapporter. […] Si j’osais revenir, à propos de ces contes d’enfants, à la grosse querelle des anciens et des modernes, je dirais que Perrault a fourni là un argument contre lui-même, car ce fonds d’imagination merveilleuse et enfantine appartient nécessairement à un âge ancien et très antérieur ; on n’inventerait plus aujourd’hui de ces choses, si elles n’avaient été imaginées dès longtemps ; elles n’auraient pas cours, si elles n’avaient été accueillies et crues bien avant nous.

549. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

. —  Les plaintes hardies, les conseils, elle ne les ménage pas ; elle espère toujours qu’il en arrivera quelque chose par Mme de Maintenon aux oreilles de ceux qui gouvernent à Versailles : Est-il bien possible, madame, que tous les hommes que vous connaissez vous paraissent à bout, et qu’il n’y en ait point qui imaginent de nouvelles ressources ? […] Elle envoie et fait tenir au ministère français des plans de finances que des personnes habiles en Espagne ont imaginés ; mais on les rejette à première vue à titre de nouveauté, si bien qu’on aura du moins la « consolation de mourir dans les formes ».

550. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Si, par exemple, jouir et souffrir n’est encore que penser, et si penser n’est autre chose que représenter, l’esprit n’est plus que ce « miroir de l’univers » imaginé par Leibniz, qui paie l’honneur de tout refléter par l’obligation de ne rien produire lui-même. […] Cette insensibilité, à notre avis, ne peut être absolue, mais l’excès même du préjugé vulgaire, qui imagine une activité absolument dépourvue de tout sentiment et de toute perception, témoigne en laveur de la priorité de l’agir, sinon de son indépendance et de son état d’isolement.

551. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Nous allons passer en revue, étudier sommairement les divers personnages des contes indigènes en indiquant les attributions qui leur sont conférées selon les différentes races qui les imaginèrent. […] Les races qui ont imaginé ces potentats accommodants ne peuvent être ni méchantes, ni foncièrement férues de hiérarchie.

552. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Nous avons vu que, dans le genre dramatique, ils les adoptent eux-mêmes, et nous ne voyons pas que, dans les autres genres, ils en aient imaginé de nouvelles. […] Seulement, il s’attribue en propre ce qui est du domaine commun de l’esprit, et s’imagine avoir découvert ce qu’il n’a fait ; qu’exagérer ou corrompre.

553. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Mais la tige est assez belle pour qu’on regrette ce qu’eût été le fruit et pour qu’on l’imagine ; mais ces Essais, qui furent l’honneur de la Revue d’Édimbourg, et qui témoignent d’un talent plus grand dans le jeune homme qui les publia que les pages de sa maturité, disent suffisamment ce que Macaulay aurait pu être s’il n’avait pas préféré les faits politiques aux faits esthétiques, et s’il n’eût pas abandonné la littérature pour l’histoire. […] en morale, il eût toujours, je m’imagine, été sans profondeur.

554. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Tous ceux-là qui s’imaginaient être le plus en dehors du débat et qui se moquaient de nous et de nos querelles, tous les philosophes de ce temps qui croient encore aux lois morales (et tous veulent avoir l’air d’y croire, ces ennemis de Tartuffe !) […] Il ne l’a pas trouvé, j’imagine, en Allemagne, comme Schopenhauer et Hartmann l’ont trouvé en France.

555. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

J’imagine que, par épanouissement, M.  […] Remarquons avec Spinoza81 qu’imaginer un bien c’est le désirer, que voir ce bien possédé par un autre c’est souffrir, que par une illusion d’imagination, le possesseur nous semble l’accapareur de ce bien et l’auteur de notre souffrance.

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