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2008. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il y eut dès lors comme un premier aperçu jeté en causant, une première idée vaguement esquissée du duc d’Orléans possible comme roi de France ; ce n’était qu’un en-cas : M. de Talleyrand se contenta de répondre « que la porte n’était pas ouverte encore, mais que si elle venait jamais à s’ouvrir, il ne voyait pas la nécessité de la fermer avec violence ». […] L’ancien constituant au repos se retrouvait avec ses idées, j’ai presque dit avec ses principes. […] Mollien. » Dans ce cercle de M. de Talleyrand, on avait beaucoup d’esprit, mais on ne faisait pas une si grande dépense d’idées qu’on pourrait de loin le supposer. […] Dans les commencements de leur liaison et quelques années auparavant, M. de Talleyrand avait eu l’idée de donner à Paris un grand dîner de personnages considérables, et représentant chacun quelque chose : Cuvier, la science ; Gérard, la peinture… Royer-Collard devait y représenter l’éloquence politique. Il n’y alla point, mais il disait en plaisantant de l’idée : « Me voilà donc élevé à la dignité d’échantillon ! 

2009. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Cependant, pour masquer cette retraite et ne pas céder le champ de bataille aux Russes, qui étaient peut-être assez affaiblis déjà pour nous l’abandonner, Napoléon eut l’idée de laisser Grouchy avec l’arrière-garde, mais en plaçant près de lui Jomini, chargé d’une commission éventuelle. […] — avait naturellement identifié l’idée de tactique et la personne de Jomini. […] … Je me tais par prudence, et plutôt pour vous que pour moi… » Berthier, ce grand chef d’état-major dont je ne prétends point méconnaître les mérites appropriés au génie du maître, mais « à qui il fallait tout dicter » ; Berthier, « à qui vingt campagnes n’avaient pas donné une idée de stratégie », et qui n’en avait que faire sans doute dans son rôle infatigable d’activité toute passive ; Berthier, qui, au début de la dernière guerre d’Allemagne (1809), dépêché d’avance à Ratisbonne pour y rassembler l’armée, avait signalé son peu de coup d’œil personnel, son peu de clairvoyance dans l’exécution trop littérale des ordres en face d’une situation non prévue ; Berthier, qui pourtant s’était vu comblé de toutes les dignités, de toutes les prérogatives, et finalement couronné et doté jusque dans son nom de cette gloire même de Wagram, — un tel personnage avait certes beau jeu contre un simple officier en disgrâce, dont il ne prévoyait pas les titres distingués et permanents auprès de tous les militaires instruits et des studieux lecteurs de l’avenir. […] Au moment de céder et de partir pour Paris, Jomini exhalait sa plainte ; il voyait bien qu’on ne lui permettrait pas de donner sa démission et d’aller porter ailleurs sa connaissance des choses de guerre et ses idées : «  Hélas ! […] Consulté par l’Empereur sur le point où l’on pouvait franchir la Bérésina, il donna un bon avis, dissuada d’une manœuvre militaire, d’une concentration de forces dont Napoléon eut l’idée un moment, et qui eût été facile en Souabe ou en Lombardie, mais qui n’était plus de saison dans les circonstances présentes.

2010. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

En attendant, nous en avons tiré, à l’usage de notre public, un simple choix, tâchant de le rendre le plus agréable qu’il était possible à la lecture, et aussi de le rapporter à une idée d’étude et d’analyse. […] et lorsqu’on voudrait ensuite réparer et se reprendre aux nobles idées, aux sentiments vrais, le pourrait-on ?  […] Quand, pour plus de liberté et de politesse, nous parlons de Benjamin Constant sous le nom d’Adolphe, nous n’entendons pas borner cet Adolphe à la situation qu’il ]a dans le roman, nous le transportons en idée ailleurs avec la nature que nous lui connaissons ; nous ne lui prêtons pas, nous lui attribuons sous ce type ce que lui et ses semblables ont pratiqué bien réellement à travers la vie. […] Il avait compris de bonne heure que la société moderne ne serait pas satisfaite en son mouvement de révolution avant d’avoir appliqué en toute matière le principe de liberté ; il se rattacha à cette idée, et, à part les inconséquences personnelles, il en demeura le fidèle organe. […] On travaille à séparer le plus qu’on peut les sciences et les lettres de tout ce qui tient à la politique et à toute espèce d’idée d’organisation sociale : je ne dis rien sur ce système ; mais on agit ensuite comme si ce but était déjà atteint, et on protége les lettres, comme si elles étaient déjà dans ce bienheureux état d’indépendance de toutes les agitations humaines.

2011. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Cette idée est mieux entrée en nous, que l’homme n’est que l’effort dernier, l’épanouissement de la Vie totale. […] On dirait qu’ils sont à peine sortis de la matrice universelle, à peine dégagés de la boue féconde des antiques déluges, et que leurs yeux viennent à peine de s’ouvrir sur le monde, tant ils y sentent d’inconnu et tant leurs idées sont simples et leurs sentiments abrupts. […] Ce n’est qu’à regret qu’il écrase la mouche qui menace ses ouailles ; et quand il a pris le loup il n’ose le tuer, il le laisse partir ; car Fleuse sait que partout, dans les animaux, dans les insectes, dans les plantes, dans les choses, dans le vent, dans la nuit, il y a des âmes, des esprits inconnus auxquels il ne faut pas toucher : Son idée, que l’analyse n’avait pas affaiblie, qui, en l’absence de toute formule, s’était changée en sentiment, vivait robuste dans ce crépuscule intellectuel : l’idée de l’homme chétif soumis à son grand gardien, l’Invisible. […] Et c’est aussi une idée grande et belle d’avoir fait de l’innocent un juge et un justicier, d’avoir fait briller dans ce cerveau trouble une seule lumière, la conscience, qui apparaît alors comme quelque chose de primordial, d’inexpliqué, de divin.

2012. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Gourville commence ses Mémoires par nous dire naïvement en quelles circonstances il a eu l’idée de les écrire. […] Un autre jour, l’entreprise sur le coadjuteur ayant manqué, Gourville, qui se trouvait désœuvré à Damvillers, eut l’idée d’enlever quelque autre personnage moins considérable, mais qui pourrait être d’un bon rapport. […] Je ne sais si le plaisir que j’avais, ou l’honneur que cela me faisait dans le monde, ne pouvait point avoir un peu favorablement augmenté les idées que j’avais de lui. On conçoit au reste très bien qu’un ministre fît toujours entrer Gourville ; car avec lui on faisait entrer un esprit à idées et à expédients : il était bon à entendre sur n’importe quel sujet, qu’il s’agît de la marque d’or et d’argent, ou de la conversion des protestants. Il lui venait toujours quelque idée neuve et pratique qui valait mieux souvent que celle qu’on suivait.

2013. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Ce vieux chevalier de Saint-Louis avait, en effet, des idées philosophiques et politiques ; il était de son siècle par les idées, sinon par les mœurs. […] Il est plein d’idées, fertile en ressources, en inventions, ennemi de la pédanterie, de la routine, accessible aux nouveautés et porté plutôt à devancer l’avenir qu’à le retarder et à le nier. […] Ainsi, en toutes choses, on retrouve en lui le militaire inventif, l’administrateur à idées ingénieuses et promptes, un digne membre de l’Académie des sciences. […] Cette conviction partagée par les autres, et exprimée par un sentiment d’admiration et de reconnaissance, cause une félicité dont celui qui ne l’a pas éprouvée ne peut guère avoir l’idée.

2014. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

L’histoire des idées et de l’opinion, dans les années qui ont précédé la Révolution française, ne serait pas complète si l’on ne s’arrêtait à étudier Franklin. […] Benjamin, qui le voyait faire, qui entendait causer ceux qui y contribuaient de leur plume, et qui lui-même travaillait à l’imprimer, eut l’idée de donner quelques articles ; mais, sentant bien qu’on les refuserait avec dédain à cause de sa jeunesse, si on l’en savait l’auteur, il les fit arriver d’une manière anonyme et en déguisant son écriture. […] Il voit cependant quelques gens de lettres ; en composant, comme imprimeur, un livre sur la Religion naturelle de Wollaston, il a l’idée d’écrire une petite Dissertation métaphysique pour le réfuter en quelques points. […] Ce qu’il n’invente pas directement, il le perfectionne, et l’idée, en passant par lui, devient à l’instant plus ingénieuse et plus simple. […] Il y en a quelques-uns qui, écrits, peuvent sembler un peu enfantins ; il y en a d’autres agréables ; mais la plupart perdent à ne plus être sur sa lèvre à demi souriante. — En voici un, entre les deux, qui peut donner idée des autres : La dernière fois que je vis votre père, écrivait-il, vieux, à l’un de ses amis de Boston (le docteur Mather), c’était au commencement de 1724, dans une visite que je lui fis après ma première tournée en Pennsylvanie.

2015. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard à concevoir l’histoire de la littérature française d’une manière originale et féconde, et lui a inspiré une idée qui est comme la trame de tout son livre et qui lui assure une valeur philosophique. Son véritable héros ce n’est pas tel ou tel écrivain, ce n’est pas Boileau, Racine ou Bossuet, c’est ce qu’il appelle l’esprit français, qu’il représente comme un type, Platon dirait comme une idée à laquelle participent plus ou moins tous nos grands écrivains, et dont ils sont les diverses expressions. […] Nisard semble en avoir imité le procédé en nous montrant l’idée de l’esprit français s’enrichissant successivement dans chaque nouvel écrivain, d’un trait nouveau, d’un caractère nouveau qui manquait au type ; il nous montre cette idée passant par degrés de l’abstrait au concret, du simple au composé ; il nous en montre l’éclosion au xvie  siècle, l’épanouissement au xviie  siècle, la décadence, coïncidant toutefois avec un nouvel enrichissement, au xviiie. A ce point de vue, qui n’est guère celui de la critique classique d’autrefois, les grands écrivains de la France perdent en quelque sorte leur individualité ; ils ne sont que les moments différents de l’évolution de l’idée : ils en expriment les diverses étapes.

2016. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Ce qui frappe à une simple lecture dans le recueil des trente pièces attribuées à Théocrite (je ne parle pas des petites épigrammes de la fin), c’est qu’il n’y a guère que la première moitié qui appartienne au genre bucolique pur, et qui justifie entièrement l’idée d’originalité attachée au nom du poëte. […] Notez encore qu’il n’est pas indifférent chez Théocrite que ce trait se trouve dans la bouche de Ménalcas ou dans celle de Daphnis : de la part de ce dernier, c’eût été un vrai coutre-sens ; jamais le poëte n’aurait eu l’idée d’attribuer cette réponse naïve, mais gênée, à l’enfant à demi divin qui va devenir le premier des pasteurs. […] Rossignol, après Valckenaer, l’a récemment démontré), et l’on aura idée de l’allégresse singulière du propos ; tout cela bondit, tout cela chante. […] Il est une idée qui naît à ce propos et qu’on ne saurait tout à fait supprimer : c’est qu’on trouverait au Moyen-Age plus d’un fabliau qui se pourrait rapprocher sans trop d’effort de cette légende du bienheureux Comatas. […] Il n’est presque aucune de ses idylles qui n’offre des mouvements passionnés, et l’on est forcé d’admirer l’accent de la tendresse là où les objets sont de ceux qu’admettaient si singulièrement les Grecs, qui ne cessent de nous étonner dans l’Alexis de Virgile, et dont la seule idée fuit loin de nous.

2017. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Ces idées de la nuit me viennent un peu de celles du jour. […] Il me semble admirable, ce Platon : mais je lui trouve une singulière idée, c’est de placer la santé avant la beauté dans la nomenclature des biens que Dieu nous fait. […] « Rien à Paris ne donne l’idée de ce que c’est que Noël. […] quelle idée de notre néant dans cette absence même de la tombe, dans la dispersion si prompte de notre poussière dans les souterrains de la mort ! […] J’ai parfois l’idée que tu y trouveras quelque charme, et cette idée me sourit et me fait continuer.

2018. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

« Je fus très surpris de cette idée, et je lui fis remarquer aussitôt combien il serait difficile de la mettre à exécution. […] Les paroles de Sa Sainteté confirmèrent l’ambassadeur dans l’idée qu’il avait eue d’abord. […] « Je ne puis exprimer l’impression que me firent et cette déclaration, et l’idée de me savoir abandonné seul dans le combat. […] Enfin le moment arriva où le Pape crut opportun de se rendre à l’idée de ma retraite. […] Alors on vit là ce qu’on voit d’ordinaire lorsqu’on se réunit en certain nombre, car il est impossible que plusieurs hommes aient tous les mêmes idées et envisagent au même instant une chose sous le même aspect.

2019. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Ces idées me trottaient dans la tête, et quand j’y pensais longtemps, j’en concevais un grand chagrin. […] » Rien que cette idée me rendait triste ; j’aurais déjà voulu me sauver. […] Goulden de la bonne idée qu’il avait eue. […] fit-il, on ne perd pas de temps… ça presse. » Il est facile de se faire une idée de mon chagrin durant ce jour et les suivants. […] Ô Dieu, quelle mauvaise idée j’ai eue !

2020. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

C’est l’aventure banale, dans l’histoire du développement de nos idées. […] Dans un excellent livre de critique (Les Idées en marche, p. 86), M.  […] Heureux siècle, et grand siècle aussi, celui qui par ses facultés d’enthousiasme, son désintéressement, sa curiosité et son activité intellectuelle à su accorder une si large place à l’art, aux lettres, aux idées ! […] Les principales idées dont le monde tressaille trouvent chez nous leurs hommes représentatifs. […] L’engouement pour les sports, l’excessive ardeur qu’ils emploient à la culture physique, détourne les jeunes gens de la pratique des idées.

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