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442. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

En paix avec le monde entier, en paix avec nous-mêmes, nous ne pourrons plus être agités et divisés que par ces guerres sans danger, mais non pas sans honneur, où l’ambition des esprits se propose la vérité pour conquête. […] Une solennité où l’Académie française a l’honneur de présider l’Institut royal de France, a paru l’occasion la plus favorable pour déclarer les principes dont elle est unanimement pénétrée, pour essayer, en son nom, de lever les doutes, de fixer les incertitudes, de dissiper les craintes, et, s’il se peut, de prévenir les dissensions dont la littérature est menacée. […] Qu’ils y arrivent, et il sera temps alors pour nous de les combattre, de leur démontrer que ces règles contre lesquelles on se mutine, sont pourtant les seules bases sur lesquelles puisse être assis le système dramatique d’un peuple éclairé, et qu’elles sont elles-mêmes fondées sur les résultats de l’expérience, lentement convertis en axiomes ; qu’elles ne sont pas, comme on a l’air de le croire, des lois imposées à l’imagination par le caprice d’un vieux philosophe grec du temps d’Alexandre, et que l’auteur de la Poétique n’a pas plus inventé les unités, que l’auteur de la Logique n’a créé les syllogismes ; que ces lois, établies pour les intérêts de tous, font seules du théâtre un art, et de cet art une source d’illusions ravissantes pour le spectateur et de succès glorieux pour le poète ; qu’elles ont le double avantage d’élever un obstacle contre lequel le génie lutte avec effort pour en triompher avec honneur, et une barrière qui arrête l’invasion toujours menaçante de la médiocrité aventureuse ; qu’on peut quelquefois essayer de reculer les limites de l’art, et quelquefois même, comme a dit Boileau, tenter de les franchir, mais qu’il ne faut jamais les renverser ; et qu’enfin, il en peut être de la littérature comme de la politique, où quelques concessions habilement faites à la nécessité des temps, préservent l’édifice de sa ruine, et le rajeunissent, tandis qu’une révolution complète, renversant tout ce qu’elle rencontre, bouleversant tout ce qu’elle ne détruit pas, plaçant le crime au-dessus de la vertu, et la sottise au-dessus du génie, engloutit dans un même gouffre la gloire du passé, le bonheur, du présent, et les espérances de l’avenir. […] L’honneur que j’ai de parler au nom de l’Académie française, et, j’oserai le dire, le soin de ma propre considération, éloignaient de moi tout désir de donner à ce discours un caractère d’application directe et particulière, qui pût affliger des personnes, en désignant des écrits.

443. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Monsieur le Directeur, De la critique littéraire Vous m’avez fait l’honneur de me demander si je voudrais m’associer aux efforts que vous faites pour remettre dans son ancien crédit cette Revue qui a compté et compte encore parmi ses rédacteurs tant d’hommes distingués. […] À qui en revient l’honneur ? […] Mais si la critique ne peut rien pour les lettres, en revanche elle leur enlève des talents qui peut-être leur feraient quelque honneur.

444. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

II Vers la fin de 1854, au milieu des préoccupations inquiètes de l’Europe, à peine rassise des coups terribles que lui avaient portés les révolutions, on apprit qu’un Français venait d’être fusillé, comme un pirate, par le gouvernement mexicain, et que ce Français, ce jeune homme, qu’on appelait au Mexique le vainqueur d’Hermosillo, du nom de sa première bataille, gagnée avec deux cent cinquante hommes contre une armée et contre une ville, avait été jusqu’au dernier moment l’honneur de la France et avait donné d’elle la grande idée qu’elle n’a pas cessé de donner au monde quand, se détournant de ses misères intérieures, elle s’est retournée vers les autres nations et leur a montré un bout d’épée. […] Ce qui vit, ce qui éclate, sourit, s’impatiente, ronge son frein, traverse tous les milieux, mais reste inaliénable chez Raousset, est un sentiment inconnu aux plus imposants héros de lord Byron : c’est le sentiment de l’honnête homme, c’est ce cœur de vieille roche d’où l’honneur jaillit comme une source ! […] Il n’y a que son honneur qu’il ait mis au-dessus de ces intérêts !

445. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Nous lui ferons l’honneur de le croire. […] Theiner a donné le signal, dans ces pugilats, cruels jeux funèbres sur le tombeau d’un pontife qu’il eût mieux valu couvrir de silence, l’Histoire ne se préoccupe que d’une seule chose : Clément XIV a-t-il aboli les jésuites, et quelles ont été pour l’honneur de la papauté et pour la paix du monde les conséquences de cette abolition ? […] Après l’avoir lue, personne, excepté le père Theiner, ce singulier écrivain en l’honneur et au profit de la papauté, qui parle pour elle précisément comme ses ennemis, ne pourrait douter du mal immense produit par la condescendance de Clément XIV aux cabinets qui lui demandèrent l’abolition des jésuites.

446. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’architecture nouvelle »

Il me semble radicalement impossible que le monde se contente à jamais de la mesquine et puérile esthétique actuellement en honneur. […]   J’emprunterai ici un exemple à l’architecture moderne, pour établir que des formes nouvelles de beauté peuvent surgir en dehors de la tradition et des principes en honneur, et que le domaine de la beauté n’est point un enclos aux barrières immuables. […] C’est à Victor Horta, l’architecte belge, que revient l’honneur d’avoir accompli la révolution décisive, d’avoir créé, sans conteste, une architecture nouvelle.

447. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

C’est l’honneur et la gloire de l’homme de combattre pour son pays, ses enfants, sa jeune épouse, contre l’ennemi. […] Que s’il échappe au lot de la mort somnolente, et, vainqueur, emporte l’honneur du combat, tous, jeunes et anciens, le vénèrent : et, après de grandes joies éprouvées, il descend chez Adès. […] Le grand et durable renom du poëte donna tant d’éclat à cette tradition anecdotique qu’elle suggéra, dans le déclin du génie grec, la composition de sophiste la plus étrange, un recueil de lettres dans lequel l’impitoyable Phalaris, tout en étalant ses vengeances, y compris le taureau d’airain enflammé où il brûlait ses victimes, se montre plein d’admiration pour Stésichore, déclare ce poëte un objet sacré, comble d’honneurs sa vieillesse, et, à sa mort, presse les Himériens de lui élever un temple81.

448. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

L’Académie ne peut pas la nommer officier de la Légion d’honneur : elle lui octroie cinq cents francs, — auxquels elle joint, il est vrai, un mot spirituel et, quelquefois, un compliment ironique. […] Il leur est plus difficile d’entrer dans le royaume de Dieu qu’à un câble de passer par le trou d’une aiguille. » Puisque l’Évangile même reconnaît implicitement que la charité leur est si malaisée, il est excellent que des louanges et des honneurs publics, et des décorations, et de la réclame et des « échos », payés ou non, encouragent ces infortunés à s’arracher les entrailles, et les aident à passer par ce chas, qui figure pour eux la porte de l’affranchissement et du salut.

449. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

José-Maria de Heredia est un excellent ouvrier en vers, un des plus scrupuleux qu’on ait vus et qui apporte dans son respect de la forme quelque chose de la délicatesse de conscience et du point d’honneur d’un gentilhomme… Je ne lui demande qu’une chose : Qu’il continue de feuilleter le soir, avant de s’endormir, des catalogues d’épées, d’armures et de meubles anciens, rien de mieux ; mais qu’il s’accoude plus souvent sur la roche moussue où rêve Sabinula. […] Raoul Rosières Les cent dix-huit sonnets des Trophées ne sont assurément pas tous de la même valeur, n’en est de pâles dont l’idée se révèle avec peine et ne semble pas valoir l’honneur de tant de soins.

450. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 124-134

On ne doit cependant pas condamner cette réserve : il auroit pu faire comme beaucoup d’autres Philosophes, ses subalternes, ne garder aucune mesure, déclamer à outrance, insulter sans égard, prodiguer des épithetes dures, traiter de style de laquais les Ecrits anti-philosophiques, qualifier de libelles les Ouvrages où l’on venge l’honneur outragé de quelques Gens de Lettres, &c. […] Son Essai sur les Gens de Lettres est un assemblage de sagacité, d’élévation, d’une noble indépendance, qu’il seroit à souhaiter, pour l’honneur du Monde littéraire, que chaque homme de Lettres pût réduire en pratique.

451. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Celui-ci, bassement jaloux de ce comble de gloire, désespéré de la seule idée de l’appareil, se croit perdu d’honneur, s’il n’empêche l’exécution de la fête. […] Les Athéniens lui rendirent les honneurs qu’il méritoit.

452. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Un prince se fait tuer dans un tournois en voulant, disoit-il, rompre encore une lance en l’honneur des dames. […] Un troisiéme est descendu dans une fosse aux lions pour en rapporter à sa dame le gand qu’elle n’y avoit jetté que pour l’envoïer chercher, et pour se faire un fort leger honneur au peril de la vie d’un homme dont l’entêtement meritoit du moins de la compassion.

453. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Non pas, il a des sentiments, il soutiendra l’honneur de la France. » Le badinage couvre ici la tricherie ; au fond, il n’a pas d’idées bien claires sur la propriété. […] ce jeu-là est trop insipide, Il en est blessant. —  Et se jouer de mon honneur est encore plus blessant. —  Quelle impudence admirable ! […] Et là-dessus il érige en maximes ses inclinations tempérées et aimables ; il se fait un point d’honneur d’être serviable et délicat. […] En vérité, si je pensais que ce n’est pas un péché… Pourtant mon honneur… Non, non, levez-vous, venez, vous verrez combien je suis bonne. […] Je jure que c’est une vraie pitié que ce soit une faute ; mais mon honneur… Oui, mais votre honneur aussi… Et le péché !

454. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

J’aurai l’honneur de lui répondre au premier jour… Mille compliments à M. votre frère. […] Elle n’aurait rien voulu accepter qui fût contre l’intérêt et contre l’honneur de famille de celui qu’elle aimait. […] Pellissary, trésorier général de la marine ; elle avait eu l’honneur d’être célébrée, dans son enfance, par le poëte galant Pavillon83. […] « Comme ces deux délibérations et la première attestation des médecins sont des actes injurieux non-seulement à ma personne, mais encore à l’honneur du caractère dont je suis revêtu, je vous supplie très humblement, monsieur, d’avoir la bonté de faire ordonner par Sa Majesté qu’ils soient annulés et déchirés. […] La comtesse d’Abzac (née Custine) qui faisait les honneurs lui dit : « Ma chère cousine, je te retiens pour coucher avec moi. » Quelques instans après Mlle de Bouillien dit aussi à ma mère : « Ma chère cousine, nous coucherous ensemble. » — « Je ne peux pas, répondit ma mère, je couche avec la comtesse d’Abzac. » — « Mais et moi aussi », reprit Mlle de Bouillien. — Ces trois dames couchèrent ensemble dans un lit médiocrement large, et pour faire honneur à ma mère on la mit au milieu.

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