Enfin Turenne n’était pas un vain nom pour elle : elle avait vu l’homme familièrement, et le héros ôtait dans son esprit avec une physionomie, des gestes, une vie individuelle. […] Comme il traversait ainsi la forêt, un homme de mauvaise mine, sans autre vêtement qu’une méchante cotte blanche, se jette tout à coup à la bride du cheval du roi, criant d’une voix terrible : « Arrête, noble roi, ne passe pas outre, tu es trahi ! […] Le duc échappa, mais le roi eut le temps de tuer quatre hommes avant qu’on pût l’arrêter. […] Voyez comment Michelet ramasse en trois lignes toutes les circonstances du fait : bruit du fer qui choque le fer, éveil soudain du roi, meurtre de quatre hommes ; il ne s’amuse pas à montrer le roi allant de l’un à l’autre, tuant tel et tel ; il en tue quatre, dit-il d’un mot. […] En d’autres termes, le succès peut être ou l’effet du mérite que possède un homme, ou la cause du mérite qu’on lui attribue. — Pourquoi l’opium fait-il dormir ?
Cela, c’est affirmer tout au moins que l’homme est fait pour le mariage et pour l’amour. […] Il découvre très vite qu’il est incapable de pratiquer pour de bon, et dans la rigueur réelle de ses obligations, la « religion de la souffrance humaine », et qu’il n’est, comme tant d’autres, qu’un brave homme assez pitoyable et pas méchant, mais non pas héroïque… Et il souffre de cette constatation. […] Et il est tout à fait désolé parce qu’il ne peut le réciter que des lèvres… Le pauvre homme ! […] sans doute il traînera toujours derrière soi des lambeaux du vieil homme ; il ne sera jamais un Vincent de Paul ; ses expériences d’« altruisme » ont échoué, et ses tentatives pour « croire » n’ont point mieux réussi. […] Je crois que tous les hommes sont réellement solidaires ; je crois aussi (ceci est de Pascal) que nous aimons les autres (ou d’autres que nous) aussi « naturellement » que nous nous aimons nous-même ; et que, de cette vérité sentie et de cet instinct développé peut découler toute une morale.
Façon dont l’homme primitif envisageait la nature. […] Travailler à élever tous les hommes à la hauteur du culte pur. […] L’homme du peuple chez nous déshérité de l’esprit. […] On n’est pas homme pour naître homme. […] Droit à la culture qui fait homme.
Bien plus, une de ses opinions le plus profondément enracinées était qu’avec la foi et la prière l’homme a tout pouvoir sur la nature 738. La faculté de faire des miracles passait pour une licence régulièrement départie par Dieu aux hommes 739, et n’avait rien qui surprît. […] Moïse, Christophe Colomb, Mahomet, n’ont triomphé des obstacles qu’en tenant compte chaque jour de la faiblesse des hommes et en ne donnant pas toujours les vraies raisons de la vérité. […] Dans un tel état de connaissances, la présence d’un homme supérieur, traitant le malade avec douceur, et lui donnant par quelques signes sensibles l’assurance de son rétablissement, est souvent un remède décisif. […] Presque jusqu’à nos jours, les hommes qui ont le plus fait pour le bien de leurs semblables (l’excellent Vincent de Paul lui-même !)
En attendant qu’elles soient hommes tout à fait par la tête, elles se font hommes parle nom, croyant sans doute comme Mahomet, ce singulier et terrible nominaliste, que « nommer les choses, c’est les créer ! […] La mahométane Mme Henry Gréville qui s’est créée homme… par le nom, est une nouvelle venue dans la littérature de l’instant. […] Seulement ce qu’il y a et ce qui plaît, du reste, c’est qu’on sent que l’auteur n’a rien voulu de tout cela et que la prétention du bas-bleu qui se tend pour se donner des muscles, comme un homme, n’a pas fait tort à son naturel de femme et d’écrivain. […] On doit y applaudir, d’autant plus qu’à présent, les livres femmes deviennent plus rares, — les livres femmes que les femmes manquent toutes, par la prétention d’être, ma foi ï aussi hommes que nous. […] Nous sommes tous plus ou moins bas-bleus, à cette heure, même, nous les hommes, qui nous laissons ôter nos bottes par les femmes, non plus comme Lauzun, mais comme l’Ogre par le petit Poucet.
De tous les hommes à quatre épingles, à pensions et à grandes perruques du xviie siècle, Colletet était le seul qui dût penser à écrire une vie de ce Villon qui, lui, n’avait pas de cuisine où il pût faire de quotidiens pèlerinages. […] L’un était un homme de génie que La Fontaine lisait et méditait, l’autre un cuistre dont il se moquait, car il se moquait très bien, le bon La Fontaine ! […] Stendhal a dit quelque part que la seule chose qui maintenant distingue un homme, c’est une condamnation à mort. […] Campaux la rattrape aujourd’hui, et la force à regarder l’âme de l’homme empreinte dans ses vers, pour faire pardonner à sa vie. […] dit-il, voilà juste la molécule qui a produit tel grand homme qu’il vous nomme sans peur.
M. l’abbé Gorini n’a pas fait tout d’abord le bruit éclatant et mérité que l’on doit, par exemple, à un de ces grands vaudevillistes, qui seront toujours les premiers hommes en France, et cela ne se pouvait pas. […] Un homme, un champion de la vérité historique comme M. l’abbé Gorini, ne désarme que quand il n’y a plus le moindre petit mauvais texte à tuer. […] Et cela fut quelquefois si fort qu’on put le croire un badaud en hommes, cet esprit si fin et si avisé en textes, ou bien, sous forme dissimulée, un moqueur. Les hommes qu’il a surfaits tout en vannant leurs œuvres, n’ont pas, eux, vu la moquerie, mais ils ont pris l’admiration, et cela les a consolés de la critique. Les hommes sont si petits ; ils tiennent si peu à la vérité et tant à leur personne, que, pour peu que vous leur disiez qu’ils ont du talent, ils vous pardonneront d’avoir dit qu’ils en ont mal usé, et pourtant, si on comprenait, c’est la chose mortelle !
Elle est commune à tous les esprits sans exception qui n’ont pas scruté, à la lumière de la Foi, le mystère intime de la puissance de l’Église romaine, de ce phénomène historique sans analogue dans les annales du genre humain, et que l’on n’entend pas ou que l’on entend mal en l’expliquant par le génie des hommes ou la virtualité des constitutions. […] On ne saurait trop le répéter : cette force immense de fondation sociale que l’Angleterre reconnaît aujourd’hui comme l’apanage de l’Église romaine, est ailleurs que dans la conception de quelques cerveaux qui ont vu un peu plus juste et un peu plus loin que les autres hommes, ou dans des règlements de ménage que le temps pouvait, à son aise, emporter. […] Elle est, enfin, dans ce fait, d’une splendeur importune peut-être, mais inévitable en histoire, et que nous prions la Philosophie de vouloir bien méditer : c’est qu’il n’y a point dans les œuvres de l’homme — et cela depuis le Deutéronome de Moïse jusqu’aux Capitulaires de Charlemagne, et depuis les Capitulaires de Charlemagne jusqu’aux constitutions des Jésuites, — de constitution qui prévaille où le sang du surnaturel n’ait pas abondamment coulé ! […] Mais l’Angleterre, qui ne croit qu’aux œuvres de l’homme, et qui, nous ne le nions pas, a de bonnes raisons pour y croire, l’Angleterre, tout en témoignant de ce fait, n’a rien compris à ce qu’il cache. […] Quoiqu’il n’y soit pas question de race noire, il s’agit aussi d’y régler les rapports du civilisé et du sauvage et de transfigurer l’homme de la nature en homme social.
Mais la nature ne suffit pas toujours ; l’ennui va venir à l’homme solitaire, et la langueur. […] Le caractère propre de l’idylle consiste à représenter l’homme dans un état de calme champêtre, d’innocence et de simplicité, où il jouisse librement de tout le bonheur naturel. […] Or, pendant qu’en leur nuit les brutes des forêts Avaient pitié de l’homme et séchaient de regrets. L’homme, continuant son ravage sublime. […] Pour ceux qui aiment l’homme dans Lamartine (et le nombre en est grand), Jocelyn doit avoir une valeur biographique ou du moins psychologique bien précieuse.
Du moment qu’une réunion d’hommes de lettres se contre-fiche — oh magistralement ! […] L’homme est un triste animal qui a tôt fait de corrompre ce qu’il touche. […] Cela fera de plus dignes hommes et de plus beaux livres que tous les prix Goncourt. […] Les hommes peuvent être valeureux : la fonction les médiocrise momentanément, c’est la loi des assemblées. […] Quelques billets bleus peuvent sauver en une heure critique l’homme dont la carrière est déjà commencée.
, et apprendre à la France et au monde, les noms de deux hommes de lettres de plus : MM. […] — de la pièce à côté un homme s’est élancé, joyeux, exultant, pour voir sur l’almanach, accroché au mur, le nom du saint du jour et le donner à son enfant. […] Le public… trois ou quatre hommes, pas plus, tous les trente ans, lui retournent ses catéchismes du beau, lui changent, du tout au tout, ses goûts de littérature et d’art, et font adorer à la génération qui s’élève ce que la génération précédente réputait exécrable. […] Et peut-être l’espèce d’hésitation du monde lettré à accorder à Balzac la place due à l’immense grand homme, vient-elle de ce qu’il n’est point un écrivain qui ait un style personnel ? […] Ce roman portait pour titre dans la première édition : Les Hommes de lettres.
Un système de rapports n’explique pas l’homme à lui-même, son origine ou sa destinée, ne résout pas l’énigme du monde. […] Cette rencontre de la nature et de l’homme dans la construction des mêmes engins, sans qu’on puisse dire que l’homme ait copié la nature, et encore moins que la nature ait pris modèle sur l’homme, est une des meilleures preuves que le système de nos sciences est bien fondé sur ses raisons naturelles, indépendantes des conceptions et des artifices de l’esprit humain7. » C’est ce qu’on a exprimé d’une autre manière, plus générale, en disant que « partout où il y a du sensible » il y avait toujours de « l’intelligible qui y correspond8. » Est-il, après cela, bien utile de compliquer le problème à loisir ? […] On ne voit pas que la science de l’embryogénie, quoi que l’on puisse dire, soit d’un grand usage à un géomètre, ni, que d’avoir étudié les propriétés de la cycloïde, cela prépare un homme à exceller dans l’anatomie des mollusques. […] A tout le monde et à chacun, répond l’agnosticisme, si de tous nos droits le plus certain est sans doute celui de demeurer, en tant qu’hommes, les maîtres de notre croyance et les ouvriers de notre destinée. […] La philosophie du XVIIIe siècle elle-même, celle des hommes de l’Encyclopédie, n’avait pas dressé contre la scolastique de réquisitoire plus copieux, plus convaincant, ni plus passionné.
Ces officiers étaient des hommes braves, des soldats loyaux. […] Le pauvre homme, en vérité ! […] voilà un homme qu’on aime à lire et à relire ! […] Ce sont des hommes très savants, très graves. […] Un homme médiocre.