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700. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Si vous êtes ce Benvenuto dont j’ai appris tant de choses, ajouta-t-il, faites selon votre coutume, je vous en donne pleine licence. — Il me suffit de conserver les bonnes grâces de Votre Majesté, lui répartis-je ; je ne crains rien pour le reste. — Hé bien, allez, me répondit ce prince en souriant, elles ne vous manqueront jamais. […] Ce qui arriva et me fit rendre à Dieu mille actions de grâces. […] Je répondis à ces paroles obligeantes que je n’avais jamais demandé, pour prix de mes peines, que les bonnes grâces de Son Excellence ; qu’elle me les avait promises, qu’il n’était pas nécessaire qu’elle s’interposât pour m’obtenir une récompense que je ne demandais pas, puisque je me contentais de la moindre, si le duc me continuait ses bontés. […] Comme j’avais appris que l’on avait dit au duc que, pour un quatrain20, je mettrais en pièces mon Persée, et qu’ainsi tout serait fini, je m’en rapportai à Jérôme Albizzi, qui m’assura que je serais content, et que je resterais dans les bonnes grâces de Son Excellence. […] elle me suffit, et j’en rends grâces de tout mon cœur à Votre Excellence. — Vous croyez donc, me repartit le duc, que je ne puis la payer ?

701. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il y a je ne sais quel Pétrarque dans son Roméo, et l’hyperbolisme de ses tendresses et les recherches folles de son expression idolâtre demandent dans le traducteur qui doit les reproduire — surtout si ce traducteur est Français — une main assez souple pour suivre les sinuosités de cette grâce d’une inapaisable fantaisie. […] On y trouve le pathétique dans les situations, la puissance de conception dans les caractères, la beauté idéale dans les sentiments, l’énergie ou la grâce dans le langage qu’il faut admirer partout dans Shakespeare ; en d’autres termes, l’identité du même génie, dans des sujets différents. […] C’est un type de magnanimité et de grâce humaine comme Richard III, Macbeth, Hamlet, Othello, le sont d’autre chose. […] Il a la même grâce que dans ces temps sans frein, mais il l’a mûrie, assainie, purifiée, cette grâce que ni vertus ni vices ne peuvent abolir, cette grâce, chez certaines natures, immortelle !

702. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Pour traiter avec lui, pour lui demander grâce, pour obtenir la remise de l’impôt, pour prier dans le temple, toujours il fallait la langue latine. […] Je vous fais grâce des autres ; car l’ennui est un obstacle à la clarté. […] Mais si ce charme indéfinissable est attaché à la mélodie de certains sons, combien cette mélodie, quand elle est continue et variée tout ensemble, ne doit-elle pas avoir de grâce et de magie ! […] Ailleurs Peyrols parle encore de la croisade, dans une pièce de vers pleine de délicatesse et de grâce : c’est un tenson, un dialogue entre lui et l’Amour. […] Quoi qu’il en soit, ils respirent une naïveté gracieuse ; les expressions ont une grâce qui n’a pas tout à fait vieilli.

703. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Les mains lourdes de dons, le poète avec grâce Descend vers les oiseaux et les chiens de la cour ; Au pas aimé du maître alors la bande accourt, Bondit, aboie, et vole, et chante sur sa trace. […] XXII Je vis entrer une rose pourtant ; mais une rose pâle, une rose du Nord, une jeune fille, presque une enfant, dont les traits, à peine indiqués par la nature, étaient plutôt, comme la Psyché de Gérard, une ébauche de la beauté, une esquisse de la grâce, qu’une beauté palpable, qu’une grâce éclose. […] Tout était sérieux dans ce génie, austère dans cette grâce ; je compris que j’étais en face d’une sœur du jeune Pic de la Mirandole, quand cette intelligence surnaturelle, incarnée dans un bel adolescent, comparut devant le pape, les cardinaux et le congrès de tous les érudits d’Italie, pour répondre sur toutes les matières et dans toutes les langues à ce cénacle de l’intelligence humaine.

704. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Voltaire, philosophe, historien, critique, érudit, commentateur, poète épique, poète dramatique, poète satirique, poète burlesque et scandaleux, poète léger et rival en grâce d’Horace son maître ; Voltaire surtout, correspondant de l’univers et répandant dans ses lettres familières, chef-d’œuvre insoucieux de soixante-dix ans de vie, plus de naturel, d’atticisme, de souplesse, de grâce, de solidité et d’éclat de style qu’il n’en faudrait pour illustrer toute une autre littérature. […] XIX C’est la mode, c’est la grâce du style, c’est l’affectation de force d’esprit, ou c’est la faiblesse de conscience aujourd’hui d’excuser, d’innocenter, de glorifier la Convention. […] Ces chants, de ma prison témoins harmonieux, Feront à quelque amant des loisirs studieux         Chercher quelle fut cette belle : La grâce décorait son front et ses discours, Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours         Ceux qui les passeront près d’elle.

705. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

De là son cri, quand la guerre éclate et qu’il vient de rejoindre à Gérardmer son régiment : «  Si je tombe, ce sera en bon Français, en bon catholique, en bon Vendéen… La mobilisation dans les Vosges a été splendide… Nous avons coupé le poteau frontière de la Schlucht, nous le replanterons au Rhin… Absolument calme, j’espère avec la grâce de Dieu montrer l’exemple que je dois par mon grade infime (il était caporal), par ma situation sociale et par mon titre de petit-fils des Géants du Bocage. »‌ Tout tient dans ces quelques lignes : l’hommage à la Lorraine, bastion de la France, la définition en trois étages de son patriotisme, son but de guerre.‌ […] Mais si ma vie ne doit pas répondre à l’idéal que je me suis proposé, le bon Dieu me fera la grâce de me reprendre à l’instant même où j’accomplirai un devoir utile… Pourquoi m’inquiéter ? […] Toute sa pensée se résume dans cette double formule : « La guerre est une terrible chose, mais c’est une grande grâce pour ceux qui l’endurent, individus ou nations. […] Il n’est que temps ; et maintenant, à la grâce de Dieu !

706. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coolus, Romain (1868-1952) »

C’est à lui qu’a été le succès, et le troisième acte des Amants de Sazy a reçu de lui son charme malicieux et sa grâce impertinente.

707. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Au dernier siècle, quand de jeunes Français allaient à Rome où le cardinal de Bernis résida comme ambassadeur de France à dater de 1769, et où il ne mourut qu’en 1794, un de leurs premiers désirs, c’était de lui être présentés, et une des premières choses qu’ils trouvaient d’ordinaire à lui dire, c’était de le remercier du plaisir que leur avaient fait ses jolis vers ; ils s’étonnaient ensuite que le prélat ne répondît point à ce compliment comme ils auraient voulu, et qu’il gardât toute son amabilité et toute sa grâce pour d’autres sujets de conversation. […] Et puis, cette prompte et facile consolatrice, la jeunesse, lui tenait lieu de tout ; nul n’était fait pour en jouir mieux que lui ; tous les contemporains nous ont parlé des avantages de sa personne et des agréments de sa figure : « Je me souviens toujours de vos grâces, de votre belle physionomie, de votre esprit », lui écrivait Voltaire après des années. […] Mais Boyer, chargé de la feuille des bénéfices, résistait aux instances des protecteurs, même les plus puissants, de Bernis ; il mettait une condition (qui d’ailleurs nous semble aujourd’hui assez raisonnable) aux grâces ecclésiastiques qu’on sollicitait pour lui : il exigeait que Bernis s’engageât sérieusement à son état, qu’il cessât d’être abbé seulement de nom, et qu’il devînt un prêtre.

708. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

N’est-ce pas lui qui a fait ces vers délicieux qui expriment comme dans un regret rapide et sobre les premières grâces de la vie : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées ; La nuit est déjà proche à qui passe midi. Il y a quelquefois chez Malherbe une grâce fine et rare qui, au milieu de cette hauteur et de cette roideur lyrique, a tout son prix. […] Tout au contraire de Racan, il se tourmente et se consume autant que l’autre se distrayait aisément et s’oubliait : « Je suis venu trop tôt ou trop tard au monde, s’écriait-il ; tout autre siècle que celui-ci eût rougi de me laisser vieillir dans le village. » Sa plus grande crainte est de passer pour gascon et pour avoir des gasconismes dans son langage ; il est le premier à demander grâce et à s’excuser de ses rudesses ; mais, si on le prend au mot et qu’on paraisse lui en trouver en effet, il prétend aussitôt qu’il n’en a pas, et il met au défi toute l’Académie pour la politesse de la diction et l’exactitude.

709. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Signé : Benjamin de Rohan. » Forcé de se rendre après vingt-quatre jours de siège (24 juin 1624), en vertu d’une capitulation qui eut la forme de lettres de grâce, Soubise, bien qu’en sortant il eût demandé pardon au roi à deux genoux, alla immédiatement, dans cette même guerre et cette année même, continuer l’œuvre de résistance et de révolte dont il ne se départit jamais. […] Là il reçut encore grâce pour la seconde fois de Sa Majesté. Mais, comme la reconnaissance des infidèles est aussi infidèle qu’eux, ces grâces descendirent si peu avant dans son cœur, que, ne lui en demeurant aucun sentiment ni mémoire, sa rébellion, aussi féconde que l’hydre, renaît de nouveau.

710. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

La question des prétendus mémoires de la marquise de Créqui vaut pourtant la peine d’être traitée avec quelque détail, à cause du grand succès de vogue qu’ils ont obtenu et qu’ils méritaient en partie par beaucoup d’anecdotes piquantes sur l’ancien régime et d’historiettes joliment racontées : je n’en veux ici qu’à leur authenticité et à leur crédit, nullement à l’espèce de bonne grâce de leur commérage de salon. […] Grâce aux lettres qui vont être aujourd’hui publiées, on a d’ailleurs à ajouter aux preuves qu’il donne des preuves nouvelles, non moins décisives, et qui parlent plus sensiblement aux esprits et d’une manière peut-être plus animée que de simples dates. […] Elle témoigne assez peu de goût pour leur fille Mme de Staël : « Les enthousiastes ne sont pas mon fait, et j’ai remarqué, dit-elle, que leur chaleur cache très peu d’esprit ; c’est une nouvelle découverte pour moi. » Elle écrivait cela en mars 1789, et elle se trompait en croyant faire cette découverte ; car si l’enthousiasme de Mme Staël méritait de trouver grâce auprès des têtes froides, c’était eu faveur de tout l’esprit qu’il y avait derrière.

711. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Et encore : Tous les officiers de la garnison de Saint-Venant m’ont demandé en grâce de leur faire donner du pain, et cela avec modestie, disant : Nous vous demandons du pain parce qu’il en faut pour vivre ; du reste nous nous passerons d’habits et de chemises. […] Villars, durant ces années de campagne en Flandre, fit vers lui bien des avances ; Fénelon, tout en les accueillant d’un air de bonne grâce, réservait son jugement, et dans sa correspondance particulière avec le duc de Chevreuse, dans les mémoires et instructions confidentielles à l’usage du duc de Bourgogne, on voit qu’il n’estimait point Villars à sa valeur. […] Villars, qui se flattait que, sans sa blessure, on aurait, remporté la victoire, ne se prévalait pas trop du moins lorsqu’il écrivait au roi : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. » Enfin, quoiqu’on n’ait pu empêcher Mons d’être assiégé et pris comme l’avait été Tournai, le royaume ne fut pas entamé, et l’on espéra que la leçon donnée à l’arrogance des alliés, aux Hollandais particulièrement qui avaient le plus souffert, rendrait la paix moins difficile.

712. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Mais l’abbé Bossuet, qui avait déjà ses vues et voulait être le maître, diminuait exprès et malicieusement le prix de mon travail et de mes assiduités auprès de M. de Meaux, de peur qu’il ne me fît de nouvelles grâces. […] de sorte que tous mes soins se tournaient uniquement à mériter un canonicat pour mon cousin, et il fallait s’y conduire avec d’autant plus de sagesse que l’abbé Bossuet était toujours à l’affût pour me chagriner et chercher noise… Mais Dieu m’a fait la grâce de prendre patience et de me soutenir toujours par l’espérance des bontés de M. de Meaux. […] J’en ai pris occasion de lui demander le petit calice dont je lui avais déjà parlé à Meaux, et il me l’a donné de bonne grâce.

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