malgré cette fin d’un homme qui meurt en prenant toutes ses précautions pour qu’on s’en aperçoive et pour que la charité des gens de bien ne puisse calomnier sa mémoire en l’honorant d’une bonne action dernière, malgré l’exil volontaire dans lequel la vanité trouve moyen de s’encadrer encore, lorsque tous les autres cadres ont été brisés, enfin malgré des travaux… considérables, si vous comptez le nombre des volumes, et qui n’ont jamais (malheureusement) été interrompus, M. […] L’un et l’autre sont morts l’âme déchirée pour avoir voulu s’appliquer le mot de César, qui est le mot de tant de gens, très-peu Césars d’ailleurs : « Être le premier dans une bicoque plutôt que le second à Rome. » Ce fut le mot de Lamennais dans le genre superbe ; ce fut celui d’Eugène Sue dans le genre pittoresque, car son ambition avait ce caractère. […] Il donnait à boire à ses gens pour qu’ils fissent tapage et porter haut son nom, et il leur versait le vin qu’eux-mêmes avaient tiré.
Il y a encore des gens qui ont trente ans ! […] J’ai vu des gens sortir leur pipe. […] Il y a des gens qui n’aiment pas ce livre. […] Eh bien, tous ces gens-là sont des pères de famille. […] On ne vient pas chez les gens à une heure pareille !
Il y a des gens qui prétendent qu’il ne convient pas de servir de batvine en hiver, parce que c’est une soupe froide. […] — Beaucoup de gens ; vous, d’abord. […] Bientôt tous les gens de la maison remarquèrent ce qui se passait. […] Les gens de la maison l’appelèrent Moumoune. […] Tous les gens réunis autour de lui restèrent immobiles.
— Qu’ai-je à faire de ces choses et de ces gens ? […] Tout repose chez ces braves gens assoupis. […] Dostoïevsky donne les Pauvres Gens. […] Les gens qui lui apportent de l’eau sont si bons, elle leur est si reconnaissante ! […] Tous ces gens-là existent, ils ont été vus dans la vie réelle.
Certainement, les gens qui sont là ne sont guère dégoûtés ou du moins n’ont pas l’odorat sensible. […] Beaucoup de gens n’osent sortir de leur village après le soleil couché. […] On jouit d’eux, et on les néglige ou on les méprise ; tel, pour une allusion politique, est mis en prison, et manque de perdre les oreilles ; les grands, les gens d’administration les rudoient comme des valets. […] Ses habits et son épée furent vendus trois shillings, et les pauvres gens payèrent les frais d’enterrement : quatre shillings pour le linceul, et six shillings quatre pence pour le convoi. […] Tout cela est roide, dira-t-on ; ces gens tuent trop facilement et trop vite.
Le flot montant de la richesse soulève l’élite des pauvres jusqu’à l’aisance, et l’élite des gens aisés jusqu’à l’opulence. […] Pendant une saison, on se le disputa, et il se tint debout, dignement, parmi ces gens si riches et si nobles. […] Il se travaillait pour avoir un beau style épistolaire, et se donnait le ridicule d’imiter dans ses lettres les gens d’académie et de cour. […] Par exemple Burns, Écossais et villageois, évitait en parlant toutes les locutions écossaises ou villageoises ; il était content de se montrer aussi bien élevé que les gens à la mode. […] C’est le sentiment vrai, et non la dignité des gens, qui fait la beauté du sujet ; c’est le sentiment vrai et non la dignité des mots, qui fait la beauté de la poésie.
L’absence complète d’imagination chez La Motte semble une qualité et un mérite de plus à Marivaux : « La composition de M. de La Motte tient de l’esprit pur, dit-il ; c’est un travail du bon sens et de la droite raison ; ce sont des idées d’après une réflexion fine et délicate, réflexion qui fatigue plus son esprit que son imagination. » Il le félicite d’être parfaitement étranger à l’enthousiasme, de ne se laisser jamais emporter, comme quelques autres, à un train d’idées ordinaires et communes, montées sur un char magnifique ; il lui accorde une vivacité toute spirituelle, d’une espèce unique et si fine qu’il est donné à peu de gens de la goûter. […] Il lui faut une expression qui fixe positivement ses idées ; et c’est de cette justesse si rare que naît cette façon de s’exprimer simple, mais sage et majestueuse, sensible à peu de gens autant qu’elle le doit être, et que, faute de la connaître, n’estiment point ces sortes de génies qui laissent débaucher leur imagination par celle d’un auteur dont le plus grand mérite serait de l’avoir vive. […] qu’il naîtrait de beaux ouvrages, s’écrie-t-il, si la plupart des gens d’esprit qui en sont les juges tâtonnaient un peu avant de dire : Cela est mauvais ou Cela est bon ! […] Ceux-ci, en effet, gens économes par nature, sont payés pour croire qu’on court après l’esprit quand on en a plus qu’eux : « Messieurs, lisez-moi, semblent-ils dire ; vous verrez un homme qui pense simplement, raisonnablement, qui va son grand chemin, qui ne pétille point : et voilà le bon esprit. » Selon Marivaux plaidant dans sa propre cause, « il y a un certain degré d’esprit et de lumières au-delà duquel vous n’êtes plus senti ; c’est même un désavantage qu’une si grande finesse de vue, car ce que vous en avez de plus que les autres se répand toujours sur tout ce que vous faites, embarrasse leur intelligence » ; on vous accuse d’être obscur par trop de subtilité ; et il conclut avec découragement, et en ayant l’air de consentir, par égard pour les lecteurs vulgaires, à ne plus être sagace qu’à demi : « Peignez la nature à un certain point, mais abstenez-vous de la saisir dans ce qu’elle a de trop caché ; sinon vous paraîtrez aller plus loin qu’elle, ou la manquer. » Tels étaient les ingénieux sophismes que le désir de se justifier suggérait à Marivaux, et sur lesquels il revient en vingt endroits. […] Marivaux a, sur les portraits, une théorie comme sur tout ; il est d’avis qu’on ne saurait jamais rendre en entier ce que sont les personnes : Du moins, cela ne me serait pas possible, nous dit-il par la bouche de Marianne ; je connais bien mieux les gens avec qui je vis que je ne les définirais ; il y a des choses en eux que je ne saisis point assez pour les dire, et que je n’aperçois que pour moi et non pas pour les autres… N’êtes-vous pas de même ?
Dès le premier jour, il fit remarquer, dans une lettre au roi, qu’au milieu de tous les compliments de l’électeur il n’y avait aucune différence à table pour le cérémonial entre lui maréchal de Villars, commandant les armées de Sa Majesté, et les autres convives : « ni chaise distinguée, ni pour laver, ni gens pour me servir ; c’étaient de simples valets de pied, comme pour tout le reste ». […] Sans nulle difficulté on se loge le premier jour sur la contrescarpe ; on occupe en arrivant Léopolstadt, et si nous n’y avions trouvé que ce régiment de la garde ordinaire que j’ai vu battre par les écoliers de Vienne, ce n’eût peut-être pas été un siège de huit jours. » Notez que Villars comptait bien alors se tenir, par le Tyrol, en communication avec l’Italie et avec l’armée de Vendôme, dont un détachement l’aurait appuyé : « Ces troupes, écrivait-il au roi, auraient traversé le Tyrol comme l’on va de Paris à Orléans, si elles s’étaient mises en marche dès les premiers jours de juillet. » Les grandes idées des campagnes de 1805 et de 1809, Villars les a donc entrevues ; il avait pour principe qu’il faut qu’un seul et même esprit gouverne toute la guerre : « Votre Majesté saura un jour que l’empereur était perdu si on avait marché à Passau, et il n’y a que des gens gagnés par l’empereur, ou des ignorants, qui aient pu s’opposer à ce dessein. » Le prince Eugène, revoyant Villars à Rastadt, le lui dit en présence de témoins : si on avait suivi ce parti alors, la paix qui se fit en 1714 eût pu être conquise par la France neuf ans plus tôt. […] J’en fis arrêter vingt des plus méchantes… Il voit des gens jusque-là réputés fort sages, un maire d’Alais, par exemple, à qui la tête tourne subitement et qui se croit prophète à côté d’une prophétesse, fou d’ailleurs sur ce seul point et sensé sur tous les autres, comme don Quichotte qui ne déraisonnait que quand il était question de chevalerie errante. […] Cela m’a fait penser, ajoutait Villars, que la mort la plus prompte à ces gens-là est toujours la plus convenable ; qu’il est surtout convenable de ne pas donner à un peuple gâté le spectacle d’un prêtre qui crie, et d’un patient qui le méprise ; et qu’il faut surtout faire porter leur sentence plutôt sur leur opiniâtreté dans la révolte que dans la religion. […] D’après ce qu’on voit de ces lettres, il n’est donc pas exact de dire avec Saint-Simon « que Villars mit aux gens le marché à la main, et répondit tout net que le roi était le maître de lui ôter le commandement de l’armée du Rhin, le maître de l’employer ou de ne l’employer pas, etc. » Villars répondit avec respect, en homme sensé et ferme, et comme un général qui ne veut pas se placer dans une position fausse dont il prévoit à l’avance les inconvénients.
Effectivement il en coûte moins aux gens bornés de bien exécuter un système établi que d’en inventer ou d’en rechercher un autre. Aussi n’est-ce pas l’affaire de tous les hommes ; mais c’est un malheur pour les gens à talent et à génie de ne pouvoir persuader la vérité aux ministres, aux généraux, aux princes même ; car partout on suit la routine, et c’est un défaut pour un homme de passer pour un inventeur, qu’il faut qu’un particulier cache avec soin s’il est sage, parce que l’on s’aliène les esprits ; et il n’est permis qu’à un souverain d’être créateur d’un nouveau système. » Et c’est bien là une des raisons pour lesquelles il aurait tant aimé à être un souverain. […] Poniatowski et Fritsch étaient les vraies gens pour M. le Cardinal, et il avait confiance en eux. » La Saxe avait donc en lui, chez nous, un très bon observateur, un attaché du premier ordre, qui de tout temps l’aima, la servit, et qui certainement l’aurait servie encore davantage, à plein collier et de son épée, si elle l’avait voulu et si elle avait osé prendre un grand parti à l’heure décisive où, Charles VI mort, s’ouvrit la succession de l’Empire. […] (Voir sur cette action de Denain un article dans le tome VI des Nouveaux Lundis, et aussi l’article Villars du tome XIII des anciennes Causeries du Lundi ; je recommande la seconde édition de ce tome XIII, où j’ai ajouté, quelques notes l’article Villars.) — Il y a des gens à qui il est tout à fait égal, pourvu qu’on signe la paix, que les Allies soient aux barrières de Paris ou à la frontière. […] Le premier sens plus large, qui a persisté dans l’expression de bon compagnon, et dans lequel il entre de la franchise et de la gaieté naturelle, est bien le meilleur et le plus français ; Maurice le définit à merveille par opposition à ce qui est serré, discret, cérémonieux, c’est-à-dire à ce qui constitue le comme il faut aux yeux de certaines gens.
Raoul-Rochette, pour quelques bons mots de Courier qui sont piqués comme des étiquettes à quelques noms, et que la politique, dans le temps, a fait retenir, on laisse en paix les estimables travailleurs et les rares inventeurs, les gens d’esprit et les manœuvres ; la méthode apparente est la même ; on les confond ensemble et l’on passe. […] Il y aurait bien plus de profit à découvrir, à dénoncer au public les gens à idées dans l’érudition : ils sont rares. […] Ces écoles audacieuses sont d’abord comme un torrent qui passe ; les gens établis dans l’ancienne idée se révoltent et se garent. […] On a dix-sept lettres de Célius à Cicéron, alors proconsul en Cilicie, et qui lui demandait de le tenir au courant ; Célius fait ramasser de toutes mains des nouvelles, il paye des gens pour cela, et Cicéron n’est pas trop content toujours des sots propos qui s’y mêlent. […] ne nous exagérons rien ; si la tâche s’allonge, elle se simplifie aussi avec le temps : combien peu de gens, d’ici à quelques années, seront encore à même de contrôler et de contredire en ce genre l’approximatif de nos travaux !
Derrière la force de beaucoup de gens il y a de la faiblesse. […] L’alliance offensive et défensive de tous les gens de lettres, la société en commandite de tous les talents, idéal que certaines gens poursuivent, ne me paraîtrait pas même un immense progrès, ni précisément le triomphe de la saine critique. […] Lui qui avait besoin, pour déployer ses ailes, qu’il fit beau dans la société autour de lui, il trouvait à sa portée d’heureux espaces ; et j’aime à le considérer comme le type le plus élevé de ces connaisseurs encore répandus alors dans un monde qu’ils charmaient, comme le plus original de ces gens de goût finissants, et parmi ces conseillers et ces juges comme le plus inspirateur. […] Le temps permet aux gens de bien de vivre partout où ils veulent.
Eynard a très-bien résumé ces premières phases du développement de Mme de Krüdner, quand il dit : « Encore enfant, à Millau, elle ne cherchait que l’amusement ; à Venise, son cœur parle ; à Copenhague, sa vanité s’éveille ; mais c’est à Paris que son intelligence semble réclamer ses droits. » A peine y est-elle arrivée en effet, que Mme de Krüdner recherche les savants et les gens de lettres en renom, l’abbé Barthélémy, Bernardin de Saint-Pierre. […] J’ai rencontré des gens de goût moins sévères. […] « Les gens médiocres craignent l’exaltation, parce qu’on leur a dit qu’elle pouvait avoir des suites nuisibles ; cependant c’est une maladie qu’on ne peut pas leur donner. « Il y a des gens qui ont eu presque de l’amour, presque de la gloire, et presque du bonheur. […] A peine arrivée le soir au château où elle devait coucher, Mme de Krüdner et son monde se mirent donc à prêcher et le maître et les gens ; et, comme il y avait menace d’orage ce soir-là, le bon gentilhomme de campagne, qui craignait que le vent n’enlevât sa toiture, et qui avait hâte d’aller fermer les fenêtres de son grenier, se voyant arrêté sur l’escalier par une prédication, trouvait que c’était mal prendre son heure.
C’est un étrange défilé de gens de toute nation, de tout costume, de toute couleur, qui viennent déposer en faveur de la raison. […] Chargé de tant d’affaires, il trouva toujours le temps de se colleter avec Pierre et Paul, grands ou petits, bons ou mauvais, gens à talent ou sans talent, qui avaient eu le malheur de choquer sa vanité ou d’éveiller sa jalousie. […] Voltaire perdit plus qu’il ne gagna dans ces polémiques ; une certaine mésestime s’insinua dans l’admiration qu’il inspirait et il donna lieu, même à des gens qui tenaient de lui toutes leurs idées, de mépriser sa personne absolument. […] Il aimait à faire sentir sa grande fortune, il recevait magnifiquement ; il donnait des fêtes, il avait un théâtre, où il jouait très mal et très passionnément, où les gens de sa maison, souvent les visiteurs jouaient ; il le démolit, puis il le rétablit par politesse pour Mlle Clairon qui venait à Ferney. […] Mais on l’admirait, quand on voyait autour de lui tant de gens qui ne vivaient que par lui, et qui ne lui en étaient pas toujours reconnaissants ; il élevait Mlle Corneille, une arrière-petite-nièce du poète, la dotait avec le commentaire sur l’oncle, la mariait, se brouillait avec elle ; alors il prenait Mlle de Varicourt, à qui il trouvait aussi une dot et un mari.