Ainsi, on a fort loué Fénelon d’une tolérance de doctrine et presque d’un relâchement qu’il n’avait certainement pas. […] Destouches, alors âgé de quarante-trois ans, servait dans l’artillerie et avec distinction ; il était homme d’esprit, cultivé, et goûtait fort Virgile. […] moi, je vous renvoie à Horace, je ne veux, pour vous battre, d’autre auxiliaire que lui, et je me fais fort de vous insinuer presque tous les conseils chrétiens qui vous conviennent, ou du moins tous les conseils utiles à la vie, en les déguisant sous des vers d’Horace. […] On doit être fort en peine de ceux qui la regrettent avec une si juste douleur. […] Mais il n’est pas pour cela misanthrope, et, s’il l’était jamais, il aurait une manière de l’être qui ne ressemblerait à nulle autre : Je suis fort aise, mon cher bonhomme, écrit-il à Destouches, de ce que vous êtes content d’une de mes lettres qu’on vous a fait lire.
Grimm, si fait d’ailleurs pour goûter Rulhière, avec lequel il avait plus d’un rapport d’esprit, nous l’a représenté à l’une de ces lectures qu’il faisait de sa Révolution de Russie chez Mme Geoffrin, et si l’on s’en tenait à cette page de Grimm, destinée à être lue à Saint-Pétersbourg, on prendrait de Rulhière une idée fort injuste : on le croirait un homme de talent indiscret et étourdi, tandis qu’il n’était rien moins que cela. […] Rulhière, sous une enveloppe un peu épaisse et un peu forte, était un homme fin, adroit, circonspect et mesuré, néanmoins beaucoup plus homme de lettres au fond qu’il ne voulait le paraître, cherchant partout autour de lui des sujets d’épigrammes, de comédie, d’histoire, et s’y appliquant ensuite sous main, à loisir, avec lenteur, sans s’exposer au public, en se bornant à captiver la société de son temps, et en se ménageant une perspective lointaine vers la postérité. […] Son col est élevé et sa tête fort détachée ; l’union de ces deux parties est, surtout dans le profil, d’une beauté remarquable ; et, dans les mouvements de sa tête, elle a quelque soin de développer cette beauté. […] Ce dernier, traducteur de Juvénal, homme enthousiaste, expansif, nourri de toute la sentimentalité du siècle, s’était fort jeté à la tête de Jean-Jacques, qui l’avait d’abord pris en gré et l’avait, par exception, admis dans son intimité. […] La destination royale de ce bâtiment faisait qu’il avait titre de gouvernement, et qu’il procurait des émoluments fort honnêtes.
Mme de Genlis y est fort maltraitée : elle figure dans ce roman sous le nom de Mme de Gercourt, sentencieuse, pédante, adroite et flatteuse, visant à une perfection méthodique, fort suspecte de mettre « les vices en action et les vertus en préceptes ». […] En contraste de Mme de Gercourt et d‘un abbé de sa connaissance, qui joue un fort vilain rôle dans le roman, l’auteur place un curé tolérant dans le genre de celui de Mélanie, plus occupé de la morale que du dogme : cette morale, il faut en convenir, à l’examiner de près, paraîtrait un peu relâchée, et Mme de Genlis, si elle avait répondu, aurait pu prendre sa revanche. […] Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, Mme de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie » : Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de Mme de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort. […] la jeune femme avait fort dégénéré, ou du moins elle s’était émancipée plus qu’on n’aurait pu croire sous un régime si sage. […] Sa parole, plus forte et plus drue quand elle causait que quand elle écrivait, rappelait parfois le tempérament de certaines femmes de Molière, bien qu’il s’y mêlât plus d’un trait de la langue de Marivaux.
Les ignorants, les demi-savants aimaient fort à raisonner de toutes choses, divines et terrestres, depuis l’Encyclopédie. […] La trempe chez Chateaubriand est plus forte et moins pure : la forme était déjà tout entière chez Bernardin. […] Vers la fin et dans la scène déchirante de la tempête, Bernardin de Saint-Pierre a montré que son pinceau avait, quand il le voulait, les teintes fortes et sobres, et qu’il savait peindre la nature dans la sublimité de ses horreurs comme dans ses beautés. […] Sa dissertation sur les principes philosophiques a été fort longue. […] Les auditeurs ont montré de l’impatience ; j’avoue que j’étais moi-même fort ennuyée des Harmonies de la nature, et je me proposais de faire une critique plus sévère que celle qu’on vient de lire ; mais je viens de relire Paul et Virginie, et je suis désarmée.
Richelieu serait fort d’avis que la reine, pour déjouer ces intrigues, allât droit à la Cour, qu’elle fît parler la nature dans le cœur du roi, et mît hardiment au néant la malveillance. […] On a un tableau ironique comme en aurait pu tracer un Philippe de Commynes, et il le termine par ces considérations si dignes de lui, de l’homme resté, en tout temps, royal : Je reconnus en cette occasion que tout parti composé de plusieurs corps qui n’ont aucune liaison que celle que leur donne la légèreté de leurs esprits…, n’a pas grande subsistance ; que ce qui ne se maintient que par une autorité précaire n’est pas de grande durée ; que ceux qui combattent contre une puissance légitime sont à demi défaits par leur imagination ; que les pensées qui leur viennent, qu’ils ne sont pas seulement exposés au hasard de perdre la vie par les armes, mais, qui plus est, par les voies de la justice s’ils sont pris, leur représentant des bourreaux au même temps qu’ils affrontent les ennemis, rendent la partie fort inégale, y ayant peu de courages assez serrés pour passer par-dessus ces considérations avec autant de résolution que s’ils ne les connaissaient pas. […] Il s’amusait à sceller, à faire l’office de garde des Sceaux, pendant que les autres étaient aux mains ; bon garde des Sceaux en temps de guerre, disait-on, et bon connétable en temps de paix : « Au fort de ses lâchetés, s’écrie Richelieu, il ne laissait pas de parler comme s’il était percé de plaies, tout couvert du sang des ennemis… » Au fort de ses lâchetés est une de ces expressions involontaires qui qualifient un grand et généreux écrivain. […] Dans ses peintures morales, et dans l’examen des conditions qu’il exige des hommes appelés à être des conseillers politiques, il avait certainement en vue tel ou tel de ceux qu’il avait connus ; mais ses observations sont si justes et si fortes que, rien qu’à les transcrire ici, il semble encore aujourd’hui qu’on puisse mettre des noms propres au bas des qualités et des défauts : Les plus grands esprits, dit Richelieu, sont plus dangereux qu’utiles au maniement des affaires ; s’ils n’ont beaucoup plus de plomb que de vif-argent, ils ne valent rien pour l’État. […] En lisant avec soin ces maximes d’État de Richelieu, un doute m’a pris quelquefois : je me suis demandé si, dans le jugement historique qui s’est formé sur lui, il n’entrait pas un peu trop de l’impopularité qui s’attache aisément aux pouvoirs forts considérés aux époques de relâchement, et si, de loin, nous ne le jugeons pas trop, jusque dans sa gloire, à travers les imputations des ennemis qui lui survécurent.
Artiste dans la plus forte acception du terme, il exprime sa pensée en phrases irréductibles et ne voit dans l’art que la science du nombre, le secret de la grande harmonie. […] Sous prétexte de philosophie évolutive, ils écrivent une sorte de charabia fort suggestif, dit-on, lorsqu’on le met en musique. […] Le découragement était trop fort. […] C’est fort possible, car jusqu’à présent ce qui a facilité ses pérégrinations dans les différents groupes, c’est qu’il n’a à son actif, ou plutôt à son passif, aucune de ces productions de jeunesse qui retiennent à des formules qu’on voudrait abandonner. […] Verlaine, qui est parvenu à avoir ses entrées dans la plupart de ceux de Paris, n’a jamais eu de plus fortes explosions de lyrisme que dans ses vers datés de Broussais, Saint-Antoine ou Lariboisière.
Il laisse fort tranquille son toupet, il n’arrache pas son accroche-cœur qui n’accroche rien. […] Je ne l’y trouve pas changé du tout, ni agrandi, ni engraissé, ni plus fort en esprit, ni plus fort en âme qu’il n’était, comme l’affirme et le soutient une Critique un peu trop forte en gueule, elle ! […] … Question à laquelle répondront fort péremptoirement toutes ces Lettres ! […] Esprit de très courte haleine et de peu d’invention, ses romans rappellent toujours des romans plus forts que les siens.
Après Socin, après Voltaire, après Strauss, il était naturel de s’attendre à un livre qui aurait achevé l’œuvre de ces grands sacrilèges par une œuvre tenue d’être plus forte, sous peine d’être plus faible, puisque Renan est venu après eux ! […] À chaque bout de champ, je suis tenté d’adresser à cet insupportable rongeur, qui croit mettre fil à fil la meilleure et la plus forte trame historique en charpie, je suis tenté de lui adresser les questions suivantes : — Mais, monsieur, où avez-vous vu cela ? […] Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires, etc. », ce qui veut dire, en termes qu’on surveille, mais qu’il est impossible de ne pas comprendre, que le bien, pour être, a besoin du mal, et que la vertu ne peut rien de grand et de fort dans le monde sans l’aide des gredins et l’appoint de la coquinerie. […] qui a des bontés pour Jésus-Christ et qui lui accorde avec une magnanimité de vainqueur une place unique dans le Panthéon de l’humanité, ont employé, pour dire qu’ils osaient avoir une opinion différente de l’opinion du grand et fort Renan, une papelardise égale à celle de cet archipattepelu qui a introduit, avec le triple sophisme de la diminution, de la probabilité et du peut-être, la papelardise dans l’histoire ! […] Est-ce que l’histoire de tous ses exils et de toutes ses fuites au Moyen Age n’atteste pas qu’il vient, plus fort que jamais, la reprendre toujours ?
Sans doute, étant ce que nous sommes, nous portons tous (et même les plus forts) quelque lambeau saignant de notre cœur dans nos œuvres, et le poète des Fleurs du mal est soumis à cette loi comme chacun de nous. […] Cela est plus fort que nous ! […] Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité. […] » Et la chose (ce comique) devient si forte, si forte et si visible, qu’on se demande si le haschisch se moque encore de lui quand il nous en raconte les frasques dans la tête humaine, ou si, lui, le narrateur, se moque de nous et prétend être notre haschisch ? […] Les effets se ressemblent beaucoup cependant, mais les hommes diffèrent… Monographe obstiné de l’ivresse, qui doit la peindre dramatiquement après l’avoir scientifiquement décrite, Baudelaire peut en devenir le Hogarth à sa manière ; mais un Hogarth littéraire, plus fort et plus fin que l’autre Hogarth.
« Pour des vers faits dans la province, ces vers-là sont fort beaux », disait Molière, que Gresset devait copier outrageusement, en composant ce vers facile et célèbre : Elle a d’assez beaux yeux pour des yeux de province. […] Et c’est parce qu’elle est vide que le paysan, abandonné à lui-même, a une moins forte confiance en la terre qu’il laboure. […] Je récuse Balzac, parce que tout le monde sait qu’il quittait fort peu Paris où le retenaient ses dettes et ses éditeurs, deux sortes de tyrans qui gouvernaient sa vie. […] On chante bien encore un peu dans le Midi, on nasille légèrement dans le Poitou, on a la gorge assez rude dans le Nord ; mais, je vous le certifie pour avoir couru les chemins de France, les fortes convictions dans l’erreur de grammaire ou de prononciation descendent de plus en plus vers la rue, et bientôt ne se trouveront plus que là. […] J’en indiquerai une, tout au moins, qui est fort absorbante.
Bourget n’ont jamais atteint de fort gros tirages. […] Et chacun de nous ne reste-t-il pas toujours fort semblable à lui-même ? […] C’était au fort de la persécution religieuse. […] Son organisation est très forte et n’a été presque pas entamée. […] Fort comme la mort, p. 157.
Ce jeune homme couché là est fort agité. […] Toi, le fort, — car tu es très fort, n’est-ce pas ? […] Les plus forts seuls triomphent. […] Grymalkin chancelle, éternue et se redresse en riant plus fort. […] Et, pour les forts, chante un chant de vigueur et de joie.
On s’y perd : — pétulance, étourderie, entraînement d’une verve plus forte que l’homme, d’un cheval plus fort que son cavalier ; impossibilité de se contenir, oui, une véritable incontinence de pensée, c’est-à-dire une vraie faiblesse sous ces aspects de violence ! […] C'est une brochure imprimée, mais qui se donne et ne se vend pas, intitulée Saint-Cyr, par le duc de Noailles, un des membres distingués de la pairie et qui est fort de la société de madame Récamier.