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499. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Pour les autres, c’était un prodige… un prodige dont on pourrait juger, car il avait choisi un sujet de livre adéquat à sa force. […] , en essayant d’ôter le dieu de l’homme dans Notre-Seigneur pour nous faire admirer le restant, Renan, du même coup, a diminué jusqu’à la force de son attaque et l’excuse de son attentat. […] II Eh bien, voyons la force du poignet de Renan !… Toute la force de cette main, qui veut être de velours, je l’ai dit déjà, ne consiste qu’en une seule rubrique, que j’appelle la diminution. […] Renan n’est pas de cette force dans l’arrangement de l’illusion.

500. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Mais si, pour faire respectez l’ordre général, l’État ne dispose que de la force brutale toute nue, son œuvre reste précaire. Sa force n’aura d’effets sociaux que si elle repose elle-même sur une sorte de consentement public, c’est-à-dire si les individus qu’elle prétend soumettre la même loi ont bien la volonté de vivre ensemble. […] Dans un Empire comme l’Empire allemand, mosaïque de royaumes et de principautés, les anciens pouvoirs locaux opposent au nouveau pouvoir central une certaine force de résistance ; les pays conservent un souvenir assez vivace de leurs coutumes, les villes de leurs franchises, les universités de leurs privilèges. […] « La filiation historique est l’âme de la constitution anglaise. » Elle laisse donc intacte la force des groupements traditionnels, qui conspirent pour protéger l’individu contre l’État199. […] Le fait est si constant que Fustel de Coulanges, qui se défiait pourtant des lois sociologiques, a cru pouvoir énoncer cette loi214 : « Les inégalités sociales sont toujours en proportion inverse de la force de l’autorité. » Si l’avènement des puissances centrales diminue réellement certaines inégalités, de combien ne doit-elle pas les diminuer toutes dans l’opinion ?

501. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

La gloire, la vertu, le génie viennent se briser contre cette force destructive ; elle met une borne aux efforts, aux élans de la nature humaine, son influence est souveraine ; car qui blâme, qui déjoue, qui s’oppose, qui renverse, qui se saisit enfin de la force destructive, finit toujours par triompher. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.

502. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Avec quelle force & quelle vivacité il peint la cour de Néron ! Quel ridicule il jette sur ce prince ; sur son affectation à composer des vers emmiellés, doucereux, cadencés & chargés d’épithètes ; des vers forcés, ignobles & ridicules, sans génie, sans chaleur & sans force, & qui n’avoient que de l’enflure & de l’harmonie, tels que les suivans* : On entend bourdonner les cornes tortueuses. […] Si la force & la nouveauté des pensées, l’énergie & l’âpreté du stile, font l’écrivain satyrique, personne ne l’est plus que lui.

503. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Elle consiste à ne point s’éloigner sensiblement de la proportion naturelle des corps ; à ne point leur donner plus de force qu’il est vrai-semblable qu’ils en puissent avoir. Un peintre pecheroit contre ces loix, s’il faisoit lever par un homme qui seroit mis dans une attitude, laquelle ne lui laisseroit que la moitié de ses forces, un fardeau qu’un homme, qui peut faire usage de toutes ses forces, auroit peine à ébranler.

504. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Àpeine un livre grave, au moins d’intention, comme Du pouvoir en France, par Wallon, ou Des forces productives de la Russie, par Tegoborski Le reste n’est que vocabulaires, annuaires, réimpressions prétentieuses d’articles de journaux qui n’ont pas la pudeur spirituelle de rester oubliés. […] Et cela étant, force nous est de nous replier vers les ouvrages sérieux, quelle que soit la date de leur publication, sous peine de n’avoir rien à indiquer à la Critique qui attend des œuvres, et qui, à un certain degré dans le mauvais et dans le vulgaire, se détourne et n’examine plus. […] Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer.

505. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Il a réussi, comme réussiront toujours les livres vrais dans les sociétés décadentes qui meurent de leurs mensonges, chez qui la langue littéraire est usée à force d’avoir servi, et où les esprits, brûlés par les piments d’une littérature à ses dernières cartouches et à ses dernières balles mâchées, reviennent aux livres qui apportent la sensation rafraîchissante du naturel, du primitif et du simple… Bien avant Cladel, madame George Sand avait eu l’idée de cette littérature de terroir ; mais elle ne pouvait y entrer que comme un bas-bleu qu’elle était, un bas-bleu armé de toutes pièces prises à l’arsenal de toutes les bêtises philosophiques, philanthropiques et démocratiques de ce temps, et gâtant tout de son bas-bleuisme et de ses préfaces explicatives. […] III Le génie, en effet, quelles que soient les œuvres dans lesquelles il se révèle, n’est que la puissance d’une force mystérieuse qui paraît toujours simple, mais qui ne l’est pas toujours ; car, vous le savez, un jour on a douté jusque de la naïveté du bon La Fontaine, qui n’était pas si bon au fond, et qui, comme ses chats, avait « le génie scélérat ». À ce compte, la naïveté, dans son involontaire simplicité de violette des bois, ne serait plus que l’instantanéité d’une combinaison inconsciente, trop rapide pour qu’on puisse l’observer, même en soi… Seulement, et quoi qu’il en puisse être d’ailleurs, il est bien évident que la femme de ces Récits de la Luçotte — qu’il m’est impossible d’appeler un auteur comme tout ce qui fait métier d’écrire — possède cette force mystérieuse, d’où qu’elle vienne, qui nous fait croire à ce redoublement de mystère : le naturel et la simplicité.

506. (1887) George Sand

L’élément fantastique lui semblait être une des forces de l’esprit populaire. […] Pour s’élever jusqu’à Fiamma, il aura la force de conquérir la fortune, le talent même. […] L’infortuné, nous dit Mme Sand, n’avait pas eu la force de mourir. […] Ce vice seul est une force, l’honneur et la vertu n’en sont pas ? […] … Je m’en souviens, moi, parce que mon impression était d’une force et d’une certitude complètes.

507. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Son esprit, ennemi de la pompe, est tourné vers la force, mais la force aisée. […] La religion de l’Évangile est une force, une sève répandue dans toute la vie. […] Une force secrète semble même comprimer à la fois toutes les branches de l’activité humaine. […] Comme moraliste, La Bruyère a plus de justesse que de profondeur, plus de vivacité que de force. […] Mais pour le faire aussi convenablement que nos forces peuvent n

508. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

A force de vouloir décomposer les parties, on finit par ne plus voir le tout. […] Les circonstances seules font la force d’une description. […] C’est la force et non l’étendue qui fait l’intensité descriptive. […] C’est votre faiblesse qui fait sa force. […] C’est une force que d’avoir bien lu Montaigne.

509. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 294-295

Si Ferrand n’a pas eu la force & l’énergie pittoresque de Rousseau, il avoit du moins autant de précision & de grace. […] Pour mieux oublier Egerie, J’y courus hier vainement ; A force de changer d’Amant, L’infidelle l’avoit tarie.

510. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 417-418

Son Introduction à la connoissance de l'Esprit humain est bien éloignée d'annoncer, comme l'a dit M. de Voltaire, dans l'Eloge funebre des Officiers morts dans la guerre de 1741, un prodige de vraie philosophie & de vraie éloquence, la profondeur & la force du génie, &c. […] « Newton, Pascal, Bossuet, Racine, Fénélon, c'est-à-dire les hommes de la terre les plus éclairés, dans le plus philosophe de tous les Siecles, & dans la force de leur âge, ont cru Jésus-Christ.

511. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

C’est plus souvent quelqu’un qui se force à de lointaines et peu dangereuses bravoures, pour se donner la joie des lâches raffinés, la joie de trembler et de conchier son pantalon. […] Il est bien loin de pouvoir dresser avec sa force et animer avec son souffle des êtres étrangers. […] Parfois, en effet, ils nous font songer « aux dessous répugnants et affreux, à cette insanité du meurtre, à cette exaltation de la force et des instincts sauvages, à toute la basse animalité lâchée ». […] Je ne sais pas, même dans La Force de l’infâme Paul Adam, de phrase plus puante et plus coulante de saine morale.

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