Cette pensée fondamentale de l’auteur donne à son livre une grande force et une grande unité ; on peut trouver sans doute que cette manière abstraite de juger les œuvres et les écrivains conviendrait mieux à un métaphysicien qu’à un critique. […] Non ; l’esprit de ce livre, sa force, son intérêt, c’est la théorie. […] Nisard ici cite Saint-Simon : « Saint-Germain, dit celui-ci, offrait à Louis XIV une ville toute faite ; il l’abandonna pour Versailles, le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, parce que tout y est sable mouvant et marécage ; il se plut à y tyranniser la nature et à la dompter à force d’artet de trésors.
C’est une généralisation de la loi de Malthus, appliquée au règne organique tout entier, mais avec une force décuple, car en ce cas il ne peut exister aucun moyen artificiel d’accroître les subsistances, ni aucune abstention prudente dans les mariages. […] Si on laisse croître un gazon qui pendant longtemps a été périodiquement fauché ou brouté de près par des quadrupèdes, les plantes les plus vigoureuses tuent peu à peu celles qui le sont moins, toutes parvenues qu’elles soient à la force de l’âge adulte. […] Batailles sur batailles se livrent constamment avec des succès divers ; et cependant l’équilibre des forces est si parfaitement balancé dans le cours des temps, que l’aspect de la nature demeure le même pendant de longues périodes, bien qu’il suffise souvent d’un rien pour donner la victoire à un être organisé au lieu d’un autre.
Après des années, c’est par cet ouvrage sur son pays, sur l’Allemagne, que Henri Heine, mûri par la réflexion et par la souffrance, nous introduit à ses œuvres complètes, à l’ensemble de ses pensées, et voilà que nous trouvons, mêlés à un talent suprême, de telles modifications, de tels changements dans le fond même des choses et de l’intelligence, que la Critique — cette jaugeuse des forces spirituelles, qui met la main sur la tête et le cœur des hommes à travers les œuvres, — est obligée de s’y arrêter. […] C’est lui qui disait encore : « Tel que l’éclair sort d’une nuée sombre et éclate par sa propre force, éclate du sein de Dieu une Affirmation infinie… » Certes ! […] Il est de la race du grand poète, impie au stoïcisme, qui disait : « Je les attends, les plus enragés stoïques, à leur première chute de cheval. » Ce n’est qu’un épicurien, sentant trop la douleur pour la nier, — mais un épicurien de la Pensée, un voluptueux de l’Idéal et de la Forme, ayant la sensibilité nerveuse de la femme et l’imagination des poètes qui s’ajoute à cette sensibilité terrible… Et, dans les livres où il parle de ses souffrances avec une expression tout à la fois délicieuse et cruelle, il ne songe pas une minute à se poser comme un résistant de force morale et de volonté héroïque… En ces livres, parfumés de douleur, il n’est que ce qu’il a été toute sa vie, dans ses livres de bonheur et de jeunesse, — c’est-à-dire bien moins une créature morale qu’une charmante créature intellectuelle, intellectuelle jusqu’au dernier soupir.
Il a eu, il a dû avoir bien des fois le sentiment et comme l’agonie de sa défaillance devant l’idée de cette vérité supérieure, de cette beauté poétique plus sereine qu’il concevait et qu’il n’avait plus assez de force pour atteindre ni pour embrasser. […] Voici ces vers qui ont été depuis imprimés, mais qui n’ont tout leur sens que quand on les voit ainsi tracés par le poète dans une nuit d’abattement et de regret amer, et dérobés, à son insu, par l’amitié : J’ai perdu ma force et ma vie Et mes amis, et ma gaieté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.
Tâche de connaître la force de la Chartreuse8. […] » disait-il à la journée d’Austerlitz, en menant au feu le 15e léger dont les deux tiers étaient détachés ailleurs et qui était réduit à 500 hommes, et le petit 15e se piquant d’honneur fit des prodiges. — Maintenir en belle humeur une troupe de braves au moment où on les force de rester en ligne immobiles sous les boulets, leur rendre de cet entrain qu’on perd aisément à demeurer au feu l’arme au bras, n’est point un talent à mépriser.
Feydeau un romancier plus ferme, de bien plus de force et d’étendue que ne l’indiquait son premier ouvrage. […] Mais il fallait bien faire payer à l’auteur son premier succès, qui avait été d’entraînement et de surprise : au reste, je ne l’en plains pas ; il est de force à soutenir la lutte, il en a besoin peut-être, et il n’est pas de ces jolis talents qui ne vivent qu’à condition d’être dorlotés.
« Quand on veut passer une rivière rapide, on se forme en une longue file sur deux rangs, et, rapprochés de la sorte, ceux qui n’auraient pu, isolés des autres, résister à la force des eaux, la surmontent sans peine. […] « Ô Père, donnez le conseil à notre esprit et la force à nos bras. » « Quand vous aurez ainsi prié du fond de votre âme, combattez et ne craignez rien.
Jefferson l’appelle quelque part la révolution de 1800 : « Car, dit-il, c’en fut une réelle dans les principes, comme celle de 1776 en avait été une dans la forme du gouvernement ; elle ne fut pas, il est vrai, comme la première, accomplie par la force des armes, mais par le suffrage du peuple, instrument de toute réforme paisible et rationnelle. » Il est douteux pourtant que si Jefferson n’avait pas lutté, comme il l’a fait, pied à pied, seul de son bord au sénat qu’il présidait en qualité de vice-président, durant l’administration d’Adams ; tandis que M. […] Une comptabilité compliquée, force emprunts, de gros traitements, de lourds impôts, de perfides poursuites contre la presse sous prétexte de sédition, d’inhospitalières mesures contre les proscrits et les réfugiés de l’Europe, toutes les questions douteuses et indéterminées constamment résolues dans le sens d’un pouvoir central envahisseur ; tels étaient les points essentiels de ce programme monarchique, que l’intérêt populaire trouve partout à combattre, et que la République semblait avoir dérobé par avance à la quasi-légitimité, Voici une lettre de Jefferson, datée de 1796, et qui exprime trop exactement notre propre situation de 1833, pour que nous ne la transcrivions pas en entier : « L’aspect de notre pays est étonnamment changé depuis que vous nous avez quittés.
Il y a en ce temps-ci un certain nombre d’esprits ardents, studieux, intelligents, qui, jeunes, après avoir passé déjà par des phases diverses, et avoir joint à un enthousiasme non encore épuisé, une maturité commençante, savent assez de quoi il retourne dans ces mouvements douloureux de la société, ressentent l’enfantement d’un ordre nouveau, y aident de grand cœur, mais ne croient pas qu’il soit donné à une formule unique et souveraine de l’accomplir : car le temps de ces découvertes magiques est passé ; un fiat lux social n’est possible qu’à l’aurore ; et aujourd’hui le progrès humain se fait sous le soleil, avec force sueurs, par tous, moyennant, il est vrai, quelques guides de génie, dont aucun pourtant n’a le droit de se croire indispensable. […] Après plus de deux années de spleen, abattement, désappointement amer, ces jours de gaieté inattendue promettent ; nous retrouvons notre constitution saine et brillante ; cette quantité de forces surabondantes qui s’échappe ainsi en allégresse sans motif, s’échapperait non moins volontiers en héroïsme et dévouement à une belle cause.
Je voulais prouver aussi que la raison et la philosophie ont toujours acquis de nouvelles forces à travers les malheurs sans nombre de l’espèce humaine. […] Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur.
Mais qui connaîtra la force de cc mot la jeunesse, qui saura les entraînements et les passions de cet âge, celui-là seul pourra juger le mérite du renoncement. […] Cette force, cette vigueur, ce sang chaud et bouillant, semblable à un vin ruineux, ne leur permet rien de rassis ni de modéré.
Ils chassaient les démons, prophétisaient, et formaient une école d’exorcistes renommés 834, bien que certains cas fussent au-dessus de leur force 835. […] » Et Jésus insistant avec plus de force encore : « Je suis le pain de vie ; vos pères ont mangé la manne dans le désert et sont morts.
La connaissance approfondie que l’auteur a de l’Antiquité amène à propos des rapprochements, des citations heureuses, toutes neuves à force d’être antiques, et pleines de fraîcheur. […] Villemain a plus que personne contribué à l’engager et à la maintenir dans cette voie qui, à beaucoup d’égards, est plus large, plus féconde, mais qui parfois aussi, à force d’être large, n’aboutit pas.