Tout à fait à gauche, dans le fond, et loin de la scène, deux servantes debout qui regardent. Sur la droite, un garde-manger bien propre avec ce qu’on a coutume d’y renfermer, faisant partie du fond. […] Les deux servantes debout, au fond de la chambre, nonchalamment penchées l’une contre l’autre, semblent dire d’attitude et de visage : Quand est-ce que notre tour viendra ? […] C’est le père qui attache principalement les regards ; ensuite l’époux ou le fiancé ; ensuite l’accordée, la mère, la sœur cadette ou l’aînée, selon le caractère de celui qui regarde le tableau ; ensuite le tabellion, les autres enfants, les servantes et le fond ; preuve certaine d’une bonne ordonnance.
Au fond de la boîte, c’est le Christ n’ordonnant pas à ses disciples de laisser approcher les petits enfans, comme le peintre le dit ; mais les recevant, les accueillant ; ainsi Lépicié n’a su ce qu’il fesait ; et c’est le moindre défaut de son ouvrage. […] Plus à droite, vu par le dos, courbé en devant et sortant du fond, un soldat relève Saül, le secourt en appuyant une main entre ses épaules et l’autre sur sa poitrine. […] Tout à fait sur le fond, autour de ce grotesque personnage et derrière son officieux camarade, des têtes de satellites épouvantés. […] Ces soldats du fond sont assez bien effarouchés, et le tout est mieux dessiné, mieux colorié qu’il n’appartient à Lépicié.
Pour le fond, je restai le même. […] Dupanloup réforma de fond en comble. […] Le Breton qui est au fond de moi s’égarait en des mélancolies infinies. […] Au fond, celui qui me sauva fut celui qui m’avait mis à cette cruelle épreuve. […] Le fond de ma blessure était le souvenir trop vivant de ma mère.
Mon oreille a de singulières finesses pour entendre vibrer Dieu au fond de la voix humaine. Or je trouve que Dieu ne vibre pas au fond de votre voix. […] C’est, en somme, et si l’on va au fond, la morale naturelle opposée à la morale religieuse ; et la raison opposée à la foi. […] Un laïque peut donc, sans trop se damner, n’être au fond qu’un honnête homme. […] Je soupçonne que c’est, au fond, l’amoureux de la nature qui a détourné le lévite ; que c’est Cybèle qui l’a enlevé à Dieu.
Je ne sais si la prétention à l’originalité ne couvre pas souvent un bon fond de paresse, et si l’on ne veut pas penser par soi-même pour se dispenser d’apprendre les pensées des autres. […] Ils croient tout ce qu’il dit, et ils le serrent précieusement au fond de leur mémoire. […] Tout ce qu’on accepte ainsi sans examen, tout ce qu’on traduit ainsi en formules absolues, n’entre pas vraiment dans l’âme, ne se mêle pas à sa substance, ne s’y fond pas. […] Il faudrait donc que les jeunes gens, dans toutes leurs lectures, s’habituassent à rechercher le lieu commun qui en fait le fond. […] Le livre de La Bruyère est inestimable par le fond comme par la forme : il apprend à penser autant qu’il apprend à écrire.
…………………………………………………………… Comme un vase d’albâtre où l’on cache un flambeau, Mettez l’idée au fond de la forme sculptée, Et d’une lampe ardente éclairez le tombeau. […] Salut à toi, du fond de la vie éphémère, Salut à toi qui vis dans l’immortalité, Où, près de Goethe assis, tu contemples […] Sur ton muet sépulcre et tes os consumés Qu’un autre verse ou non les pleurs accoutumés ; Que ton siècle banal l’oublie ou te renomme ; Moi, je t’envie, au fond du tombeau calme et noir, D’être affranchi de vivre, et de ne plus savoir La honte de penser et l’horreur d’être un homme. […] Le fond était nul. […] Il y a très longtemps qu’elles n’existent plus… C’était un homme admirablement doué pour le style et à qui il n’a manqué que le fond… Les hommes qui aiment les idées ont, à son endroit, une espèce d’horreur.
Tirée en bon bistre clair avec de légers rehauts, sur fond vert d’eau, elle évoque avec ses feuilles de vigne serrées, ses grappes nerveuses et sa fine champenoise légèrement équilibrée, une si fraîche vision d’ivresse qu’à la voir déjà vous tourne la tête. […] Mais ils se trompent grossièrement en imaginant qu’une lithographie représentant une petite femme de Montmartre spirituellement campée peut, au choix, servir de fond suggestif à l’annonce d’un bazar, d’une librairie ou d’un papier à cigarettes. […] Sa seconde Gaiety girl, colombier en deux couleurs seulement, dessin en noir, réservant blanc sur fond rouge, est bien la plus affriolante et la plus directe des annonces.
Sur ce fond solide et uni il a, depuis, brodé toutes sortes de délicatesses ; un esprit comme le sien ne saurait s’en passer. […] Est-ce le fond solide ou l’ondoyant ? Vous croyez que c’est l’ondoyant ; mais n’y a-t-il pas un fond plus solide par-delà ? Vous croyez que c’est le solide ; mais n’y a-t-il point par-delà un fond plus fuyant encore ? […] Souvent (si je l’osais dire) il n’y a pas de fond véritable en nous, il n’y a que des surfaces à l’infini.
Voit-il bien le fond de leur âme ? […] Mais le fond du caractère est bien là. […] Son fond d’aristocratisme et de monarchisme va gêner son fond de positivisme et de fatalisme. […] Il reste au fond identique à soi. […] Mais le fond des idées est bien pauvre et le fond du cœur est bien froid.
Il y a dans la nature mille traits accidentels, nécessaires, si l’on veut, puisqu’ils sont, mais qui ne disent rien à l’esprit, et qui ne sont que la condition des autres, le fond où ils se détachent. […] À peine trois ou quatre points brillants sur un fond monotone et terne ; le reste n’est que monotonie et confusion. » L’écrivain, dans le dialogue qu’il compose, à l’imitation de la conversation réelle, ne garde que ces points brillants et fait abstraction du reste. […] L’écrivain doit les dire : il faut qu’il leur fasse dire leur secret, ouvrir le fond de leur âme sans en avoir l’air. […] S’il suit la réalité, il risque d’être insignifiant, plat, superficiel : s’il tire les idées et les sentiments du fond des cœurs, il devient symbolique, froid, invraisemblable. […] Cet homme que nous fait entrevoir le grand romancier Tolstoï, lorsqu’il peint le défilé interminable des blessés de Borodino qui passe sous les yeux de son héros ému et navré, cet homme couché sur le ventre au fond d’une charrette, dans la demi-ombre de la bâche, blessé, on ne sait où ni quand, d’on ne sait quelle blessure, sans visage, sans nom, sans passé, sans avenir, forme obscure et vague un moment devinée et disparue pour jamais : c’est là, semble-t-il, un détail insignifiant ; et pourtant que de pensée, que d’émotion ramassée en ce seul trait !
Chapitre III : Le problème religieux Le problème religieux est de nos jours obscur et difficile pour tout le monde ; mais il l’est particulièrement pour ceux d’entre nous qui croient d’une part que le fond de toutes les religions est vrai, humain, nécessaire à l’humanité, et que les formes en sont toutes plus ou moins arbitraires, fragiles, destinées à périr. […] Pour les philosophes dont je parle, le problème se pose ainsi : Le fond périra-t-il avec la forme ? la forme sera-t-elle sauvée par la vérité éternelle du fond ? […] Cependant le problème, pour être plus restreint, n’en est pas moins très-grave encore ; on ne peut nier que l’esprit d’examen ne détache chaque jour des croyances traditionnelles ceux qui ne rejettent point précisément le fond des religions, mais qui ne peuvent en accepter les formes ; ceux-là ont aussi leurs dogmes fondamentaux, lesquels ne dépassent pas les limites de la religion naturelle. […] Au fond, c’est une seule et même chose ; mais la différence est que la religion naturelle est une création a priori, sans racines dans les habitudes des hommes, tandis que le christianisme est un fait historique dans lequel presque tous nous avons été élevés.
… On avait déjà affligé de ce mot-là — commun au fond comme un trottoir — les contes d’Edgar Poe, traduits et révélés par Baudelaire, et que le profond américain, qui savait bien ce qu’il faisait, — qui avait, lui, mieux que personne, le sens lumineux de son œuvre, — avait appelés : Contes arabesques. […] Dieu, qui est un très grand peintre en arabesques et en toutes autres peintures, l’a composé d’entrelacements très contrastants et très singuliers… La force, en lui, — une force intellectuelle par moments immense, — tout à coup se fond en faiblesse. […] Le talent de Hello, qui ne fait pas la sienne, s’est révélé dans ce nouveau livre sous une face nouvelle, quoique les idées qui sont le fond de ce talent n’aient pas changé. […] C’est le crime intellectuel, qui ne s’est jamais accompli qu’au fond de la conscience, et qui sort du fond de ses enfoncements et de ses ténèbres pour devenir extérieurement, par le remords, une réalité, une épouvantante et visible réalité !
Les poésies que voici nous apprendront que cette Mme Desbordes-Valmore, à la vie cachée, était, par le fond de son âme, aussi passionnée et plus pure que Mme de Staël. […] À ses yeux (et c’est bien à ses yeux qu’il faut dire) le fond importe peu, c’est la forme qui est tout, pourvu qu’extraordinairement martelée, elle atteigne à l’éclat et à la solidité ductile d’une matérialité compliquée, affinée, brillante, où l’artiste en mots que je ne méprise point, mais que je mets en second, a remplacé l’Ému ou le Rêveur, qui est le premier. […] Ici, je reviens à Mme Desbordes-Valmore, et je me demande si cette femme, d’une passion si grande et si naturelle, a réellement assez de langage pour faire fond de poète aux sublimités de l’émotion, et pour que sur l’art de son solfège brille mieux la poignante beauté de ses cris ? […] L’été, lorsqu’un fruit fond sous votre sourire, Ne demandez pas : ce doux fruit, qui l’a fait ? […] vous direz, je vois clair avec vous, Vous êtes la lampe au fond de ma mémoire !