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647. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Mme Sophie Gay disait un jour en riant que sa fille Delphine et M.  […] Cette histoire est la comédie du genre : celle de Magalon en est le drame… » En lisant cette lettre de Mme Sophie Gay, ne croirait-on pas lire déjà un piquant feuilleton de sa fille ? […] Un jour, comme on répétait devant Mme Gay des éloges que Béranger avait donnés aux vers de sa fille dans un monde un peu différent et moins favorable, où la jeune muse n’allait pas, il lui échappa de dire : « Delphine rend bien aussi justice à Béranger. » Ce mot d’égal à égal, redit au chansonnier, le piqua et lui fit retirer sa chanson.

648. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Il y est tout seul : sa femme est restée avec sa fille, qui est malade à Paris. — Toute la doctrine s’occupe de mariage : M. de Rémusat vient d’épouser Mlle de Lasteyrie, qui est fort jolie, et il se promet d’être amoureux. — Le mariage a été célébré par un prêtre janséniste, qui dans son discours a un peu scandalisé les habitués de la paroisse. — Ce n’est pas tout : M.  […] Sous prétexte de trop de bourgeoisie et de simplicité, il fut dit que sa femme et ses filles n’iraient point à Valençay. […] Pauline de Périgord, sa petite-nièce, fille de la duchesse de Dino, et qui fut depuis Mme de Castellane.

649. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Comme elle nous le dit en vraie fille de La Fontaine, à quelque chère idole en tout temps asservie, elle aimait une fleur, elle adorait quelque arbrisseau ; elle lui parlait à genoux, lui confiait ses peines, jouissait des mêmes printemps ou souffrait des mêmes vents d’hiver. […] Cette veine lactée s’est prolongée dans la poésie jusque vers 1820, où nous l’avons vue finir ; nous tous, en nous en souvenant bien, nous avons eu, adolescents, notre période de Florian et de Gessner ; nous réciterions avec charme encore la Pauvre Fille de Soumet. […] Allusion à la mort de sa fille Julia.

650. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Alfred T… (Tattet), très-décousue, mais étincelante, un grand drame sérieux en cinq actes, intitulé la Coupe et les Lèvres, une charmante petite comédie en deux actes, A quoi rêvent les Jeunes Filles, et enfin un soi-disant conte oriental, Namouna, dont le sujet n’est qu’un prétexte de divagation sinueuse, et dans lequel se trouvent, après vingt folles échappées, les deux cents plus beaux vers qu’ait jamais écrits M. de Musset, toute sa poésie en résumé et tout son amour. — Le personnage principal de la Coupe et les Lèvres, Charles Frank, n’est pas d’une autre famille que Manfred, Conrad, le Giaour, quoiqu’il nous offre une individualité bien retrempée, et que sa médaille soit sortie d’un seul jet. […] L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible, Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs ; Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ; Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles. […] L’adorable drôlerie, A quoi rêvent les Jeunes Filles, imbroglio malicieux et tendre qu’on peut lire entre le Songe d’une Nuit d’Été ou Comme il vous plaira et le cinquième acte de Figaro, n’est que le gracieux persiflage de cette idée de chaos où il se joue, de même que Frank m’en paraît la personnification sombre, fatiguée et luttante.

651. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

C’était madame de Beaumont, fille de M. de Montmorin. […] L’ombre de M. de Montmorin, immolé sur l’échafaud à sa fidèle affection pour Louis XVI, planait sur le salon de sa fille comme un remords de septembre sur un jour de printemps. […] Sa fille, restée sans fortune, d’une beauté qui n’était que charmes, vivait dans une retraite, visitée par les amis de sa famille.

652. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Il écrivait en terminant : « Nous ne devons pas oublier que les femmes sont mères deux fois, par l’enfantement et par l’éducation ; songeons donc à organiser aussi l’éducation des filles, car une partie de nos embarras actuels provient de ce que nous avons laissé cette éducation aux mains de gens…3 enfin, de gens qui n’avaient pas toute la confiance de M.  […] Notons seulement ce qu’un sceptique même en pourrait dire. — Il dirait que le grand ministre dut être surpris de quelques-uns des résultats de ses réformes ; qu’il ne paraît guère que l’instruction gratuite, obligatoire et laïque ait éclairé le suffrage universel ; que la superstition du savoir a jeté dans l’enseignement des fils et des filles du peuple et de la petite bourgeoisie, qui, infiniment plus nombreux que les places à occuper, n’ont fait que des déclassés et des malheureuses ; que la demi-science, exaspérant les vanités, les rancunes, les ambitions, ou simplement les appétits, en même temps qu’elle ôtait aux consciences les entraves et à la fois les appuis des croyances religieuses, a grossi l’armée des chimériques et des révoltés ; qu’ainsi la société s’est trouvée, justement par ce qui devait la pacifier et l’unir, plus menacée qu’elle ne fut jamais ; et que, si l’œuvre de M.  […] Joignez à cela de cruelles douleurs domestiques : la mort d’une femme, de deux filles, de deux fils.

653. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Elle était fille adultérine de Mme d’Albon, une dame de condition de Bourgogne, dont la fille légitime avait épousé le frère de Mme Du Deffand. […] Il ne la trouvait comparable qu’à une Péruvienne, à une fille du Soleil.

654. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Marié à la fille du maréchal de Lorges, vivant vertueusement et à la fois dans le plus grand monde, il se montrait, en toute occasion, très jaloux de soutenir les prérogatives attachées au rang de duc et pair ; il s’engagea, à ce propos, dans plusieurs procès et contestations qu’il soutint avec chaleur, et qui lui donnaient, de son temps même, une légère teinte de manie et de ridicule. […] Mais ce n’est que lors du mariage de son ami le duc de Chartres, le futur Régent, avec une des filles bâtardes de Louis XIV, que la curiosité de Saint-Simon s’avoue tout entière et se déclare : « Il m’en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose (de ce mariage), et, comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu. » Louis XIV et sa majesté effrayante qui impose à toute sa famille, la faiblesse du jeune prince qui, malgré sa résolution première, consent à tout, la fureur de sa mère, l’orgueilleuse Allemande, qui se voit obligée de consentir elle-même, et qui nous est montrée, son mouchoir à la main, se promenant à grands pas dans la galerie de Versailles, « gesticulant et représentant bien Cérès après l’enlèvement de sa fille Proserpine » ; le soufflet vigoureux et sonore qu’elle applique devant toute la Cour à monsieur son fils, au moment où il vient lui baiser la main, tout cela est rendu avec un tour et un relief de maître.

655. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Elle profita de cette faveur pour donner, comme on disait alors, c’est-à-dire pour attacher à la reine sa fille dès l’âge de sept ans (1628). […] À toutes ses plaintes, « on lui répondit, nous dit Mme de Motteville, que ma mère était demi-Espagnole, qu’elle avait beaucoup d’esprit, que déjà je parlais espagnol, et que je pouvais lui ressembler. » Mme Bertaut emmena donc sa fille, âgée de dix ans, en Normandie, où elle acheva de l’élever avec soin. […] À un bal que donne le cardinal Mazarin aux jours gras de 1647, elle nous décrit, l’une après l’autre, les principales beautés et reines de la fête, après quoi elle fait défiler les comparses, et qui ne sont pas les moins prétentieuses ni les moins bruyantes : Les filles de la reine, Pons, Guerchy et Saint-Mégrin, tâchèrent de faire quelques conquêtes naturelles, par le soin qu’elles eurent de s’embellir par toutes sortes de voies ; heureuses si, parmi tant d’amants, elles eussent pu attraper des maris selon leur ambition et le dérèglement de leurs désirs !

656. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

» — D’où il s’ensuivait que l’Assemblée nationale lui devait son existence, qu’elle avait reçu uniquement de lui son empire, et qu’elle était une fille ingrate et dénaturée autant que les filles du roi Lear ; pauvre vieux roi, un peu plus errant toutefois que ne l’était M.  […] Son illustre fille, Mme de Staël, s’est chargée depuis d’imprimer aux pensées politiques de son père un cachet de précision et d’à-propos, et de leur prêter une expression d’éclat, en composant ses Considérations sur la Révolution française, qui eurent un si grand succès dans la haute société en 1818, et qui présentèrent une théorie spécieuse à la politique de la Restauration.

657. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

On sait tout ce qui a péri de l’antiquité, tout ce qui manque de chefs-d’œuvre et d’études critiques faites pour le théâtre grec, depuis Aristote et Théophraste jusqu’au roi Juba, ce mari d’une fille de Cléopâtre, qui écrivait dans sa cour de Mauritanie un traité complet de l’art dramatique. […] C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux. […] Il faut seulement garder au cœur bonne espérance : il faut aussi que le nourrisson favori de Thèbes donne en tribut une fleur des grâces à la belle et vaillante Égine ; car Égine et Thèbes sont filles jumelles du même père113. » Je ne sais si ma passion de traducteur m’abuse en ce moment ; mais combien cette joie réservée du poëte, cette tristesse du Thébain mêlée au triomphe des Hellènes, sont patriotiques et touchantes !

658. (1888) Poètes et romanciers

Une pauvre fille, admirablement belle, perdue au fond des bois, délivrée par sa valeur, il l’adore en la voyant, il la quitte en l’adorant. […] Ce que nous préférons à tout le reste, ce sont certains accents de douleur austère et de religieuse tristesse qu’arrache à l’âme de père le souvenir de la fille adorée. […] Je vois pâlir et mère et femme et fille ! […] Au même rang que ces inspirations ardentes du patriotisme, viennent se placer ces petits poèmes exquis dans lesquels Béranger a traduit tantôt une fantaisie rêveuse, tantôt un sentiment philosophique ou une capricieuse boutade contre les idées et les mœurs du temps : « Grand nombre de mes chansons, dit-il, ne sont que des inspirations de sentiments intimes ou des caprices d’un esprit vagabond ; ce sont là mes filles chéries. » Ses filles chéries croissent et se multiplient à mesure qu’il avance en âge. […] je voudrais, dit la fille à part soi, Devenir maîtresse d’un roi.

659. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Ces quatre ou cinq pièces politiques, jointes à tant de délicieuses chansons personnelles, d’une inspiration et d’une fantaisie intimes, telles que Mon Tombeau ; Passez, jeunes Filles ; le Bonheur ; Laideur et Beauté ; la Fille du Peuple, et ce sémillant Colibri, qui est le lutin familier du maître et la personnification éthérée de sa muse comme est la Cigale pour Anacréon ; toutes ces pièces ensemble auraient suffi à composer un charmant recueil final, digne assurément de ses aînés, et la dernière couronne eût brillé verdoyante encore, pour bien des saisons, au front du citoyen et du poëte.

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