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476. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Quand il s’agit d’une femme, même d’un modèle de sainteté, il se présente deux ou trois questions inévitables : Était-elle jolie ? […] Elle a de bonne heure fait le plus sensible des sacrifices pour une femme, surtout pour une femme qui a su et senti ce que c’est que l’amour : elle s’est dit : « Une femme qui n’a point été jolie n’a pas été jeune. » Et elle a sacrifié sa jeunesse, elle s’est jetée à corps perdu du côté de Dieu : « A l’âge de dix-neuf ans, je me jetai entre les bras de Dieu avec une passion telle, que je ne puis rien comparer de ce que j’ai éprouvé à sa vivacité. […] Un salon pour moi, c’est un cercle présidé par une femme, vieille ou jeune, peu importe, et le mieux peut-être est qu’elle ne soit pas trop jeune en effet ; car ainsi elle n’éteint pas ce qui l’entoure. […] — Qu’est-ce surtout, si derrière la porte, à deux pas de là, vous sentez un oratoire où la pieuse femme est allée s’édifier et se prémunir avant de vous recevoir, et où elle rentrera bientôt pour se réédifier encore ! […] Le salon de Mme Récamier, infiniment plus facile, plus agréable, se ressentait quelque peu du boudoir où avait trôné si longtemps la belle Juliette ; un parfum d’élégance s’y respirait ; on devinait dès l’entrée, à de certains arrangements discrets et à de certains demi-jours, la ci-devant jolie femme : chez l’autre on sentait trop celle qui ne l’avait jamais été.

477. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

C’est dans la vie réelle, à travers les passions et les épreuves, que ce cœur de femme, sans autre maître que la voix secrète et la douleur, a dès l’abord modulé ses sanglots. […] Comme Lamartine, Mme Valmore n’eut de maître que le cœur et l’amour ; comme lui, elle ignore l’art, la composition, le plan ; mais elle est femme, elle est faible, elle n’a rien de l’ampleur ni de la volée du grand cygne ; elle s’écrie de sa branche comme la fauvette veuve (miserabile carmen !) […] Tout ce petit volume de Mme Valmore est une nuance, et une nuance bien saisie. « A vingt ans, dit-elle en un endroit, la souffrance est une grâce, quand elle n’a pas trop appuyé, et que ses ailes n’ont fait qu’effleurer une belle femme. » Mme Valmore a fait partout comme elle dit là si bien ; elle n’a nulle part trop appuyé. […] Elle n’y a pas manqué jusqu’ici ; et si, contre l’usage, ses paroles harmonieuses n’ont pas été guérissantes pour elle, elles n’ont pas du moins été inutiles à d’autres ; elles ont aidé dans l’ombre bien des cœurs de femmes à pleurer. […] Telle est parmi nous la situation des femmes, et, malgré l’exception qu’a formée le nouveau récipiendaire de l’Académie, je crois que, généralement parlant, il est vrai de dire que, pour atteindre maintenant au degré d’intérêt dont elle est susceptible, l’Élégie doit parler par la bouche des femmes, ou du moins en leur nom ; elles seules, dit-on, savent donner de la grâce aux passions malheureuses : en vérité, on peut leur laisser cet avantage-là. » Nulle femme ne se trouva plus que Mme Valmore dans la situation supposée par Mme Guizot, et aucun poëte élégiaque n’a tiré en effet de son cœur des accents plus plaintifs et plus déchirants.

478. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Il avait une femme très-bonne, elle s’appelait Eurydice. […] Et on dit aussi que la femme du joueur de harpe mourut et que son âme fut conduite en enfer. […] Et il dit : Donnons à l’homme sa femme. […] Puis venait après lui sa femme. Quand il fut arrivé à la lumière, il regarda derrière lui du côté de sa femme.

479. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

En 1649, il revint quelques mois à Paris, pour des affaires personnelles, mais il retourna bientôt avec sa femme dans l’Angoumois, où il se battit et reçut de graves blessures pour la cause royale ; il ne revint dans la capitale qu’en 1653, après la pacification de la guerre civile. […] Dès 1645 donc, le temps était venu où cette femme respectable devait voir sa maison se fermer à la jouissance d’une société choisie, mais nombreuse ; jouissance toute noble, toute glorieuse, mais par cela même d’un éclat incommode pour son âge. […] Quand la société-mère se dispersa, les femmes ridicules qui étaient contenues par le grand nombre les autres, et surtout par la marquise de Rambouillet et sa fille, voulurent avoir à leur tour leur petit empire et leur petite cour. […] Voiture, l’homme le plus à la mode du temps, le bel esprit le plus accrédité de la cour à l’Académie, le plus répandu chez les femmes de qualité, et le plus recherché des femmes de bel esprit, Voiture, en se rendant une fois, une seule fois au cercle d’une femme qui l’en avait prié, illustrait sa société : cette société se trouvait fondée.

480. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Georges Dandin sterling qui, à force d’être dandinisé, à trois minutes d’Othello, tue sa femme, puis se constitue prisonnier, ni plus ni moins que tous les portiers et chapeliers du monde dans le même cas qui croient ainsi sauver leurs têtes, et, en attendant qu’on le juge, écrit son autobiographie pour servir de notes à son défenseur. […] Est-il possible d’être moins homme que cet homme, qui a été chaste dans sa jeunesse, la force des forces pour qui connaît le cœur humain, et qui, après avoir été trompé, berné, humilié, trahi et raillé par sa femme, dont il se sépare, en redevient l’amant une dernière fois, et, pour s’achever, se cocufie lui-même ; car de telles bassesses, de telles abjections, rappellent les vieux mots bannis qui ne faisaient pas peur à nos ancêtres ! Est-ce un caractère que cette mère de Pierre Clémenceau, qui sait la femme de son enfant infidèle avec des circonstances d’infidélité et d’infamie exceptionnelles, qui n’intervient pas entre le mari outragé et la femme outrageante, et qui meurt sans dire une seule fois à son fils qu’elle adore : « Tu es trahi ! […] comme s’il n’y avait pas d’autres femmes à observer que ces coquines, qui envahissent — je le sais bien ! […] Il aime les idées et il les suit dans ses livres, comme on suit les femmes dans la rue, bien souvent sans les attraper !

481. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Les bouquins de six sous qu’épellent les bonnes femmes tricoteuses ne sont pas plus monotones. […] D’où vient cette idée de la femme si originale et si neuve ? […] Lui-même, Primrose, compose des traités que personne n’achète contre les secondes noces des ecclésiastiques, écrit d’avance dans l’épitaphe de sa femme qu’elle fut la seule femme du docteur Primrose, et, en manière d’encouragement, encadre sur sa cheminée ce morceau d’éloquence. […] Des fossoyeurs mettent au cercueil un cadavre de femme nue. […] À côté de lui, des petites filles trinquent, et une jeune femme fait avaler du gin à son enfant à la mamelle.

482. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Aujourd’hui, l’Italie ne brûlerait pas encore de son dernier combat contre l’Autriche, que Renée n’en publierait pas moins la vie d’une femme qui, au Moyen Age, a résumé l’Italie dans sa plus opiniâtre résistance à la race allemande, et qui mérita d’être appelée « la Grande Italienne ». […] Elle restera parce qu’avant lui personne n’avait songé à l’écrire, et surtout, surtout, parce qu’elle touche intimement à un homme bien plus grand encore que la femme qu’elle nous fait connaître, un homme envers qui l’Histoire, en France, a honteusement manqué de justice. […] Amédée Renée, qui a si bien compris la comtesse Mathilde, cette forte amie de Grégoire VII, a compris non moins bien cet homme qu’elle portait avec Dieu dans son âme… Il a vu le grand homme dans le cœur de la grande femme ; superbe milieu pour le regarder ! […] Il a cité le docte Sismondi, qui trouve, lui, le grand appréciateur de femmes ! […] L’historien des femmes a passé à l’histoire des hommes, et il a déployé, dans cette histoire, une capacité plus forte que celle qu’on lui connaissait.

483. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Il fut encore l’Albert Savarus d’un autre roman, cet Albert Savarus qui veut acheter, par le travail et par la gloire, le bonheur qui doit venir du mariage avec une femme aimée. […] le plus touchant et le plus beau, l’intérêt majeur de ce volume de lettres, c’est particulièrement celles-là que Balzac a écrites à la femme qu’il a épousée, et qui fut, jusqu’à sa mort, son inspiration, son idée fixe, et comme il disait : « son étoile polaire ». […] Elle ne fut point la Vestale de ce feu sacré du cœur, qui ne doit brûler qu’une fois dans la poitrine des femmes et ne pas s’éteindre, — dût-il se rallumer ! […] « Vous avez, — (dit Balzac à la femme qu’il aime) — vous avez la sorcellerie à froid. […] Les Aigles n’ont pas de serres pour se crever les yeux avec… Tout aigle qu’il fût, Balzac était plus délicat et plus femme que Mademoiselle de l’Espinasse.

484. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Les bruits qui ont circulé, de son vivant, sur ce jeune génie qui s’est déchiré à tous les plaisirs d’une jeunesse folle, comme les dentelles que les femmes accrochent et déchirent, en valsant, ces bruits ont charrié jusqu’à moi plus de choses que ce pâle récit qui n’ajoute rien à sa renommée. […] Nous connaissons les femmes qu’aima lord Byron. Les femmes qu’aima Musset, ce Byron de France, nous resteront-elles inconnues ?… Vous n’avez pas percé leur mystère, et peut-être ne le pouviez-vous pas… Cependant vous écriviez la Vie d’Alfred de Musset, et ces femmes ont fait sa Vie, comme elles ont fait son bonheur, sa fierté, et, qui sait ? […] la Madeleine et la femme adultère pardonnée ne sont pas pour rien dans nos Évangiles, et la religieuse qui assista Alfred de Musset à la mort n’est pas pour rien dans son histoire.

485. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Dans ce temps-là, Sainte-Beuve, cette femme de lettres qui passe encore pour un homme aux yeux de cette génération d’eunuques, Sainte-Beuve n’était pas dans l’opinion seulement un critique, mais la Critique elle-même. […] Il avait une femme et une fille que le monde connaît, car il les lui a apprises dans cette poésie, qui fut la dernière qu’il ait écrite, et qu’il consacra, sous le titre de : Quelques vers pour Elle à sa femme, morte depuis à peine quelques mois. […] traductions, projets, travaux ont été interrompus par la mort de sa femme, qu’il prévoyait pourtant. […] Amédée Pommier contint son cœur, et par piété pour la mémoire de sa femme, il s’attendit… il attendit qu’il fût capable d’écrire simplement cette vie à trois dont ils avaient vécu, et, simplement, il l’a écrite. […] Après avoir dit ce que furent ces deux femmes pour lesquelles il a exclusivement vécu, après avoir levé ces deux empreintes, il ne s’est plus trouvé ni rien à dire, ni rien à faire, et il s’est tu et a croisé les bras dans la mort.

486. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Le roman qu’il publie aujourd’hui, et qu’il intitule aussi « une histoire dalmate », rappelle par le titre le livre vanté, beaucoup trop vanté, selon moi : la Femme en blanc, de Collins. La Dame au manteau rouge, comme la Femme en blanc, est un titre sans idée, un titre tout physique. […] Ce n’est pas non plus simplement par le titre que La Dame au manteau rouge rappelle la Femme en blanc : elle la rappelle aussi par la curiosité qu’elle inspire, quoique cette curiosité soit d’un ordre différent. […] C’est une femme qui a la force musculaire du maréchal de Saxe, une beauté plus infrangible que celle de Ninon, qui n’alla modestement qu’à quatre-vingts ans en restant belle, la science occulte d’un Ruggieri, et la férocité voluptueuse d’un Héliogabale, avec une mysticité qui fait plus horreur que cette férocité voluptueuse, car les crimes spirituels sont les plus grands, l’Esprit devant être toujours à la tête de toutes les hiérarchies ! […] Mais si, au lieu d’être une étude, une tentative consciencieuse d’art, le livre n’est plus qu’un parti pris, une mystification, une hypocrisie dans la redite de cette vieille histoire du Vampire, qu’on déguise en femme pour qu’on ne le reconnaisse pas et parce qu’on sait l’empire des femmes !

487. (1885) L’Art romantique

Mais longtemps déjà avant sa fin ; il avait exclu la femme de sa vie. […] Était-ce la mère, la femme, la belle-sœur du Panckoucke actuel ? […] … Qu’elle soit ma femme ! […] Un jour pourtant l’homme peut rencontrer la délivrance, s’il trouve sur terre une femme qui lui soit fidèle jusque dans la mort… Priez le ciel que bientôt une femme lui garde sa foi ! […] Priez le ciel que bientôt une femme lui garde cette foi !

488. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

la femme que l’on aimait ? […] Le dénouement de l’École des femmes ne l’est pas davantage. […] De l’École des femmes comme « comédie nationale » ou purement française. — De l’École des femmes comme « comédie bourgeoise ». — De l’École des femmes comme « comédie de caractères ». — De l’École des femmes comme « comédie naturaliste », et à ce propos courte digression sur la littérature antérieure. — De l’École des femmes comme « comédie à thèse ». — Importance de la révolution opérée au théâtre par l’École des femmes. […] Molière l’y vit, et l’École des femmes l’en dégagea. […] Mme Dacier mise à part, — qui était presque un homme, — toutes les femmes étaient alors modernes.

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