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338. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poëte saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté, mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens de son existence de dandy assez d’heures pour achever le Don Juan ou pour nous écrire quelque autre poème, comme Lara ou le Giaour. […] l’existence si courte de Guy Livingstone se compose des événements les plus ordinaires.

339. (1902) Le critique mort jeune

Mais que sont ces désordres, que sont ces signes de santé, sinon les humbles événements de notre existence, de la mienne, de l’existence des hommes et des femmes que vous connaissez, que vous coudoyez ?  […] Bourget nous montre accablé par les corrections de copies et les répétitions, renonçant à ses travaux personnels pour assurer la médiocre existence des siens. […] Être maître de soi-même et de son existence : rare faculté et que M.  […] Veuve et maîtresse de ses destins à un âge où l’on peut encore tenter de recommencer une existence, elle sacrifie un amour d’automne à l’opinion, au monde et à sa fille. […] Dix existences n’y suffiraient pas.

340. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Ce n’est donc pas à l’absence de nerfs qu’il faut attribuer toutes les anomalies que le cœur nous a offertes jusqu’à présent, c’est à l’existence d’un mécanisme nerveux tout particulier, qu’il nous reste à examiner. […] Mais dans les phénomènes vitaux pas plus que dans les phénomènes minéraux la condition d’existence d’un phénomène ne saurait rien nous apprendre sur sa nature. […] Nous ignorons l’essence de la vie, mais nous n’en réglons pas moins les phénomènes vitaux dès que nous connaissons suffisamment leurs conditions d’existence. […] En d’autres termes, le savant croit d’une manière absolue à l’existence du déterminisme qu’il cherche, mais il doute toujours de l’avoir trouvé. […] Basile Valentin et son disciple Paracelse avaient multiplié sans mesure l’existence de principes immatériels intelligents, les archées, qui réglaient les phénomènes du corps vivant.

341. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Je n’ose me flatter d’avoir satisfait à des conditions si difficiles à remplir, et d’avoir évité des écueils dont je ne sais que signaler l’existence. » X « Le faible espoir que j’ai d’obtenir indulgence du public repose sur l’intérêt témoigné, depuis tant d’années, à un ouvrage publié peu de temps après mon retour du Mexique et des États-Unis, sous le titre de Tableaux de la nature. […] Ce qui montre encore dans la tradition dont il s’agit le caractère manifeste de la fiction, c’est qu’elle prétend expliquer un phénomène en dehors de toute expérience, celui de la première origine de l’espèce humaine, d’une manière conforme à l’expérience de nos jours ; la manière, par exemple, dont, à une époque où le genre humain tout entier comptait déjà des milliers d’années d’existence, une île déserte ou un vallon isolé dans les montagnes peut avoir été peuplé. […] Ce but est le but final, le but suprême de la sociabilité, et en même temps la direction imposée à l’homme par sa propre nature, pour l’agrandissement indéfini de son existence. […] « En énumérant les causes qui peuvent nous porter vers l’étude scientifique de la nature, nous devons rappeler aussi que des impressions fortuites et en apparence passagères ont souvent, dans la jeunesse, décidé de toute l’existence. […] À la vie confuse des éléments est opposée l’existence calme et laborieuse de l’homme, depuis le lever du soleil jusqu’au moment où le soir met fin à ses travaux.

342. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Je conçois cette mesquine conception de l’existence actuelle chez l’orthodoxe sévère, qui transporte toute sa vie au-delà. […] Vouloir saisir un moment dans ces existences successives pour y appliquer la dissection et les tenir fixement sous le regard, c’est fausser leur nature. […] Prendre un idiome à tel moment donné de son existence peut être utile sans doute, s’il s’agit d’un idiome qu’on apprenne pour le parler. […] Ce n’est pas Homère qui est beau, c’est la vie homérique, la phase de l’existence de l’humanité décrite dans Homère. […] M. de Maistre pousse le paradoxe jusqu’à nier l’existence même de la nature humaine et son unité.

343. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Bornons-nous à dire que nous en acceptons le principe . nous croyons que la fausse reconnaissance implique l’existence réelle, dans la conscience, de deux images, dont l’une est la reproduction de l’autre. […] Mais, pour que la chose se passât ainsi, il faudrait que le cours de notre existence consciente se composât d’états bien tranchés, dont chacun eût objectivement un commencement, objectivement aussi une fin. […] Notre existence actuelle, au fur et à mesure qu’elle se déroule dans le temps, se double ainsi d’une existence virtuelle, d’une image en miroir. […] Nous verrous alors en même temps notre existence réelle et son image virtuelle, l’objet d’un côté et le reflet de l’autre.

344. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

L’art ira ainsi doublant et triplant notre existence : une vie d’imagination se superposera à l’existence réelle, et c’est en elle que se répandra tout le trop-plein de nos sentiments ; elle sera la perpétuelle revanche de nos facultés non employées. […] Autour d’elles se groupent des fragments entiers de notre existence : elles sont la vie en raccourci. […] Elle ne souffrait que de son amour, et sentait son âme l’abandonner par ce souvenir, comme les blessés, en agonisant, sentent l’existence qui s’en va par leur plaie qui saigne. […] D’ailleurs il est impossible de juger les peuples dont l’existence nationale date d’un siècle et qui sont pour ainsi dire en voie de formation, sortes de nébuleuses humaines. […] Gautier, on ne rêve que trois choses dans l’existence, l’or, le marbre et la pourpre, on peut y ajouter ce quatrième idéal, la rime riche, et on sera parfaitement heureux à assez bon marché !

345. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Certes, le public ne se passionne pas encore pour elle, certes le gouvernement ne lui facilite guère l’existence, mais d’une telle poussée, inconnue jusqu’alors, de volontés unies et d’efforts coordonnés la victoire sortira. […] Le jour où tous les auteurs flamands emploieraient le flamand, la Flandre serait à ce point nationalisée que les autres peuples oublieraient son existence… Nous ne vivons pas au xve  siècle. […] Un mâle est l’hymne à l’existence libre, violente, sauvage, par les futaies et les taillis. […] Il n’est pas déraisonnable, écrit-il146, d’envisager ainsi notre existence. […] Et combien ont déjà disparu, revues de jeunes dont l’éphémère existence apporte cependant la preuve de tentatives ardentes et loyales !

346. (1874) Premiers lundis. Tome II « X. Marmier. Esquisses poétiques »

Au lieu d’envier le sort et de flatter par ses désirs la molle existence des oisifs, ne serait-il pas temps pour le poète de tourner la tête vers l’avenir, et de regarder, au sein de l’ardeur et des mouvements du siècle, l’enfantement merveilleux de ce qui va devenir l’espérance, la foi et l’amour du monde ?

347. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Sensations, sentiments, volitions, représentations, voilà les modifications entre lesquelles mon existence se partage et qui la colorent tour à tour. […] Si notre existence se composait d’états séparés dont un « moi » impassible eût à faire la synthèse, il n’y aurait pas pour nous de durée. […] En dirait-on autant de l’existence en général ? […] Mais, dans les deux cas, elle est censée déterminer un ajustement précis de l’organisme à ses conditions d’existence. […] Nous estimons au contraire que, dans le domaine de la vie, les éléments n’ont pas d’existence réelle et séparée.

348. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Comprenons la vanité de cette existence éternelle d’outre-tombe, que nous promettent les dogmes déchus. […] Mais plutôt : « Supprimez cette fin, par la fusion de votre existence dans l’universelle existence. » La morale de Wagner met le seul bonheur dans le renoncement. […] Renonçons les erreurs, le néant de l’existence individuelle. […] Il dit : pour détruire en vous toute douleur, renoncez la foi en l’existence individuelle, mettez plus haut le bonheur. […] Il se saura une partie de l’existence infinie, éternelle, de l’Impérissable Vie, une partie inséparable du Tout, un organe insignifiant de l’Humanité Vivante.

349. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’attention indique la connexion définie et momentanée d’un contenu donné de la conscience avec le sentiment de l’existence individuelle99. […] Le jugement est la réaction de la conscience à l’égard des sensations ; c’est l’aperception soit de leur existence, soit de leur nouveauté ou de leur ancienneté, soit de leur qualité, soit de leur intensité, soit de leurs relations avec d’autres sensations. […] De même, ce n’est pas en comparant l’idée d’un moi abstrait sans existence et l’idée d’une existence abstraite sans moi, que je connais mon existence ; elle m’est donnée dans la conscience immédiate. […] L’existence d’une « pensée pure », sans représentation, qui serait la « pensée de la pensée » ou le « sujet pur », est une hypothèse métaphysique et non un fait d’expérience psychologique.

350. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

X Quant à moi, — si j’avais, non pas le génie des découvertes que M. de Humboldt n’avait évidemment pas reçu du ciel, mais l’aptitude patiente et infatigable aux études physiques que cet homme, remarquable par sa volonté, a manifestée pendant quatre-vingt-douze ans d’existence ; Et si je possédais, comme lui, la notion exacte et complète de tous les phénomènes dont l’univers est composé, de manière à me faire à moi-même et à reproduire pour les autres le tableau de l’universelle création, je commencerais par une humble invocation à genoux à l’auteur caché de ce Cosmos à travers lequel il me permet, sinon de l’entrevoir, du moins de le conclure ; et une belle nuit d’été, soit sur les vagues illuminées de l’Océan qui me porte aux extrémités de l’univers, soit sur un sommet neigeux du Chimboraço, soit sur un rocher culminant des Alpes, je tomberais à ses pieds ; je laisserais sa grandeur, sa puissance, sa bonté, me pénétrer, m’échauffer, m’embraser, comme le charbon de feu qui ouvrit les lèvres du prophète, et je lui dirais en face de ses soleils, de ses étoiles, de ses nébuleuses et de ses comètes : « Toi qui es ! […] Mille autres besoins de mes sens et de mon âme se partagent mon existence ; puis je meurs, c’est-à-dire que cette existence cesse ici-bas, que mon âme, mon souffle, mon principe d’être, s’évanouit dans la douleur, la douleur mortelle, preuve que l’immortalité est mon premier besoin, et que je vais chercher ma vie nouvelle et supérieure, avec des conditions parfaites ou meilleures, avec ceux ou celles que je quitte en pleurant et regrette dans ce monde. […] Elle s’y enchaîne comme l’effet à la cause, sans repos jusqu’à ce qu’elle ait trouvé sa paix dans sa foi : existence de son âme.

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