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33. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

En France, depuis Condorcet, cette foi au progrès est connue, quoiqu’on ne la professe tout haut que sous les réserves du bon sens d’un peuple qui n’aime pas qu’on se moque de lui, et en Allemagne, où l’on n’a rien à craindre à cet égard, cette foi a été redoublée par des systèmes philosophiques qui sont du moins de formidables erreurs, les efforts puissants de grands esprits faux. […] Il raconte à sa manière ce que la Genèse raconte mieux que lui ; mais arrivé à l’homme, il brise la Genèse, et l’erreur monstrueuse monte sur les débris de l’hypothèse. […] L’erreur a des manières d’attacher le collier de force aux plus généreux esprits et de les traîner après elle ! […] Quant au talent d’écrivain dont ce livre éclate, il est presque aussi grand que les erreurs dont il est plein. […] Mais quoi qu’il en puisse être, l’auteur de la Profession de foi du dix-neuvième siècle est un mystique ; c’est un mystique dans l’erreur comme il y a des mystiques dans la vérité.

34. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 329-336

Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] Il est facile de reconnoître, dans ses Ecrits de Controverse, un esprit lumineux, une mémoire heureuse, un discernement sûr, qui le mettent à portée de combiner les systêmes, de rapprocher les objets, d’exposer les opinions, & de réfuter les erreurs. […] Faut-il que dans un siecle de lumieres, où l’on paroît s’attacher chaque jour à détruire les erreurs, on avance des absurdités que le sens commun rejette avec indignation !

35. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Mais, à côté de ces philosophes qui ont l’épouvantante netteté de l’erreur complète, il y en a d’autres, à lumières équivoques et troublantes, sur les lèvres de qui, par exemple, le respect du christianisme n’est pas effacé et qui se servent de la vérité même pour détruire la vérité. […] Le socialisme de nos jours a ramassé l’erreur, tombée déjà de tant de mains ; mais, en cela plus heureux que le prêtre qui fit taire en lui les voix de la science, il l’a ramassée avec une avidité d’ignorance qui, du moins, sauve sa bonne foi. […] Quoique cette polémique soit animée de l’esprit de charité de son auteur, elle doit nuire cependant à l’effet d’un livre qui, s’il fût resté à cette hauteur de généralité et d’enseignement d’où tombent plus largement et avec plus de poids dans les esprits les idées justes et les connaissances approfondies, eût dissipé beaucoup d’erreurs courantes dans un milieu où les grands publicistes catholiques, comme Suarez et Bellarmin par exemple, ne pénètrent pas.

36. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres En second lieu, comme le public n’est pas également éclairé dans tous les païs, il est des lieux où les gens du métier peuvent le tenir plus long-temps dans l’erreur qu’ils ne le peuvent tenir en d’autres contrées. […] Si le public de Rome n’en sçait point assez pour refuter méthodiquement leurs faux raisonnemens, il en sçait assez du moins pour en sentir l’erreur, et il s’informe après l’avoir sentie de ce qu’il faut dire pour la refuter. […] Le françois suppose d’abord l’artisan étranger plus habile que son concitoïen, et il ne revient de cette erreur, quand il s’est abusé, qu’après plusieurs comparaisons. […] Mais cette distance paroît infinie aujourd’hui, parce que chaque jour l’erreur a perdu un partisan, et que la verité en a gagné un.

37. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

La vérité n’y est pas… et l’erreur, qu’on prend quelquefois pour elle quand elle est puissante, l’erreur — j’entends la forte erreur d’une tête robustement organisée — n’y est pas davantage. […] Seulement, c’est sur cette erreur, grosse comme une souris, que se tient tout droit le gros livre de Taine, avec des descriptions et des citations anatomiques, physiologiques et mathématiques à l’appui.

38. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

L’erreur vient donc de la réflexion. […] Par conséquent l’erreur n’est pas une erreur totale et absolue ; car dans l’erreur totale et absolue périrait toute conscience. […] De là l’erreur. Ici encore l’erreur n’est qu’une vue incomplète. […] Il n’y a guère d’autre erreur possible.

39. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

Tout le monde connoît le sort de son Livre de l’Esprit, où une Métaphysique téméraire a répandu tant d’erreurs & enfanté tant d’assertions insoutenables. […] Helvétius : de ce que je devois au Public, en condamnant des erreurs que l’Auteur lui-même avoit rétractées authentiquement : de ce que je devois à l’amitié de M. […] lui qui a attendu sa mort pour relever les erreurs du Livre de l’Esprit, avec une sévérité & une amertume qui décelent plus de haine pour l’Auteur, que d’amour & de zele pour la vérité.

40. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Ce serait une erreur. […] La critique de provenance garantit les historiens d’erreurs énormes. […] La précipitation est, en ces matières, une source d’erreurs sans nombre. […] Le questionnaire des motifs d’erreur peut se dresser en partant de l’expérience qui nous montre les cas les plus habituels d’erreur. […] Le fait est de nature à rendre l’erreur improbable.

41. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Il y a dans ces paroles une grande erreur. […] C’est une erreur. […] À quoi tiennent tant de lacunes et tant d’erreurs ? […] À quoi tiennent des erreurs si profondes et si diverses ? […] Voilà, ce semble, ce grand Traité de l’âme bien abaissé ; voilà d’immenses erreurs et des lacunes non moins immenses.

42. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Or, l’erreur générale, la grande erreur des intellectualistes, c’est, selon M.  […] Ainsi s’explique l’erreur des genres littéraires, « che ancora corre nei trattati e perturba i critici egli storici dell’ arte ». […] C’est une grave erreur ; c’est confondre la science avec l’art. […] L’erreur est manifeste. […] — La Renaissance a aggravé cette erreur.

43. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Moins sincère, Littré eût peut-être évité quelques erreurs. […] Ce sera une erreur, j’en conviens ; mais l’avenir, commettra tant d’autres erreurs ! […] Je ne vois qu’une différence, c’est que le principal représentant du positivisme a confessé son erreur, tandis que nous attendons encore l’aveu de ceux qui n’ont pas été plus infaillibles que lui. […] Il a compris son heure mieux que personne ; il a vécu et senti avec l’humanité de son temps ; il a partagé ses espérances, si l’on veut ses erreurs ; il n’a reculé devant aucune responsabilité. […] Vous assisterez avec quelque intérêt aux peines que se donne notre philosophie critique pour faire la part de l’erreur, en se défiant de ses procédés, en limitant l’étendue de ses propres affirmations.

44. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Cela me dispensera de m’attarder à la Franciade, qui est une erreur totale. Erreur de forme d’abord, chose grave en art : le choix du décasyllabe au lieu de l’alexandrin, où Ronsard trouva trop de caquet, tout en l’estimant aussi trop énervé et flasque, ce choix malheureux était un véritable recul, qui ramenait l’art au moyen âge. […] On a regretté parfois les erreurs de Ronsard dans la conception et l’exécution de sa Franciade : on a pensé que s’il les avait évitées, il eût pu faire une belle œuvre, et l’on allègue des fragments épiques, tels que le Discours de l’équité des vieux Gaulois. Il serait plus juste de dire que Ronsard n’a pas pu éviter ces erreurs, parce qu’il n’avait à aucun degré le sens épique. […] Son grand malheur est venu non pas tant des erreurs de son système que d’avoir eu un système, en vertu duquel il a agi sans et contre la nature.

45. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Malgré ses singularités, ses paradoxes ; ses erreurs, on ne peut lui disputer la gloire de l’éloquence & du génie, & d’être l’Ecrivain le plus mâle, le plus profond, le plus sublime de ce Siecle. […] Quoique le Contrat social soit rempli d’erreurs, qu’il offre un systême de politique impraticable, l’Auteur y est toujours le même, c’est-à-dire, original, profond, lumineux, & éloquent en pure perte. […] L’Emile porte l’empreinte de la même tournure de génie ; ce sont les mêmes paradoxes, les mêmes erreurs, les mêmes beautés. […] En le plaignant de ses erreurs, de ses illusions, de ses délires, en riant même de sa singularité, il a respecté la trempe de son ame & la noblesse de ses procédés.

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