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633. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Dimanche 16 janvier Aujourd’hui, au milieu d’une bronchite tournant à la fluxion de poitrine, de Nittis est soudainement entré avec mon immense portrait à l’esquisse un peu spectrale, et aussitôt s’établissant dans mon cabinet, il s’est mis à peindre, comme fond, la neige qui tombait dans mon jardin. […] Mardi 1er mars Ce matin, je suis entré chercher quelque chose à la cuisine, et j’entendais la petite, qui disait au cantonnier, en lui donnant une tasse de café par la fenêtre : — Eh bien, vous faites le mardi gras, ce soir ? […] Et le gymnaste en caoutchouc, qui faisait ce joli petit manège pendant la journée, devant un tableau de 50 000 francs, le soir, chez Mme Adam, mon ami le voyait entrer, le cou raide, la poitrine en avant, avec, sur toute sa personne, quelque chose d’un hautain doctrinaire.

634. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Au fond, l’œuvre de l’artiste sera la même que celle du savant ou encore de l’historien : « découvrir les faits significatifs, expressifs d’une loi ; ceux qui, dans la masse confuse des phénomènes, constituent des points de repère et peuvent être reliés par une ligne, former un dessin, une figure, un système. » Le grand artiste est évocateur de la vie sous toutes ses formes, évocateur « des objets d’affection, des sujets vivants avec lesquels nous pouvons entrer en société6. » Le génie et son milieu social, dont les rapports ont tant préoccupé les esthéticiens contemporains et surtout M.  […] De là ce problème : — Sous quelles conditions un personnage est-il sympathique et a-t-il droit en quelque sorte d’entrer en société avec tous ? […] Il semble qu’il y ait en lui, comme chez tout véritable poète, assez d’émotion et de sympathie pour traverser et animer la nature entière ; il n’écoute battre son propre cœur que pour sentir venir jusqu’à lui quelques-unes des vibrations de la vie universelle : il agrandit la nature en lui prêtant le retentissement du cœur humain, et il élargit le cœur humain en y faisant entrer toute la nature.

635. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Le Prince C’est une assez bonne méthode pour décrire des tableaux, surtout champêtres, que d’entrer sur le lieu de la scène par le côté droit ou par le côté gauche, et s’avançant sur la bordure d’en bas, de décrire les objets à mesure qu’ils se présentent. […] Entrez, et vous verrez à droite sur le fond une espèce de chaumière très-pittoresque ; elle est construite sur un terrain en pente, et du bas de son entrée on descend sur le devant par un grand escalier de bois ; au-dessous de cette habitation rustique, une vache qui paît, des moutons, des œufs, des légumes. […] Si j’allais plus loin, j’entrerais dans un bocage ; mais je suis arrêté par une large mare d’eaux qui me font sortir de la toile.

636. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

. — Qu’on ajoute, à cette augmentation de la vitesse des voyages, la réduction des prix qui l’accompagne, qu’on se représente que les communications s’universalisent en même temps qu’elles s’étendent, et que les masses populaires entrent à leur tour dans la circulation générale, on aura alors une idée du degré de mobilité inouïe qu’il appartenait à la civilisation occidentale de donner à l’humanité. […] L’accroissement numérique des hommes avec lesquels nous entrons en rapports donne à notre pensée une sorte d’élan, qui la porte à concevoir un nombre d’hommes indéfiniment accru. […] Le progrès des communications accroît en effet, en même temps que le nombre des individus avec lesquels nous entrons en relations, le nombre des relations que nous soutenons avec chacun d’eux.

637. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PENSÉES ET FRAGMENTS. » pp. 495-496

Après le Globe saint-simonien, que je n’avais pourtant pas tout aussitôt déserté, je suis entré au National par suite d’obligeantes ouvertures de Carrel.

638. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Ce bœuf peut donc entrer en nous de deux manières. […] Il faut revenir ici sur cette question, afin d’entrer plus facilement dans la seconde partie de cet essai. […] Avec le jugement, nous entrons dans le mystère. […] Les mots ont une grande importance ; échapper au mot, c’est entrer dans la voie de la libération. […] Entrez, j’en ai pour tous les goûts.

639. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Un seul genre de vie intéresse au dix-septième siècle, la vie de salon ; on n’en admet pas d’autres ; on ne peint que celle-là ; on efface, on transforme, on avilit, on déforme les êtres qui n’y peuvent entrer, l’enfant, la bête, l’homme du peuple, l’inspiré, le fou, le barbare ; on finit par ne plus voir dans l’homme que l’homme bien élevé capable de discourir et de causer, irréprochable observateur des convenances. […] II Il l’a frayée du premier coup, toute grande, sans efforts ni recherches ; il y entrait naturellement, parce qu’il était rêveur, et il y avançait parce qu’il s’y trouvait bien. « Il était touché des fleurs, des doux sons, des beaux jours. » « Le monde entier pour lui était plein de délices. » Un ruisseau suffisait pour l’occuper et l’enchanter. « Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie !  […] Ainsi préparé au beau style, il écrit en homme du monde, avec la correction et l’art d’un académicien ; il présente ses bêtes au public sans descendre à leur niveau ; il reste digne, il garde en tout le ton convenable ; il orne la science ; il veut qu’elle puisse entrer dans les salons ; il l’y amène en la couvrant de décorations oratoires. […] Il répugne à la lente accumulation des connaissances positives ; il n’est pas classificateur ; il n’est pas obligé d’être naturaliste et historien, comme le voulait Goethe, « docteur ès sciences sociales », comme le voulait Balzac ; sitôt que vous entrez dans la description, dans l’analyse, vous sortez de son domaine.

640. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

L’évêque de Ricannoti, ayant péri par la main d’un assassin en 1520, laissa Bernardo sans appui ; il entra comme tous les gentilshommes sans autre fortune que son talent et son épée au service de Guido Rangoni, général des armées du pape. […] Après la malheureuse expédition de François Ier, Bernardo entra au service de la duchesse de Ferrare ; il était épris alors d’une beauté célèbre dans ces cours, Ginevra Malatesta, célébrée aussi par l’Arioste et par tous les poètes du temps comme l’Hélène sans tache de l’Italie. […] Il y avait donné rendez-vous à sa femme Porcia et à ses enfants ; mais Porcia, persécutée à cause de son mari par le vice-roi de Naples, et par ses propres frères qui refusaient de lui payer sa dot, fut contrainte d’entrer dans un monastère et de prendre le voile au couvent de San-Festo. […] Le prince régnant à Ferrare, au moment où le Tasse entrait au service du cardinal d’Este son frère, était Alphonse II, fils et successeur d’Hercule II.

641. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Hyeronimo arracha avec ses dents les six gros grains de plomb qui étaient entrés sous sa peau, aussi tendre qu’une seconde écorce de châtaigne ; sa mère lava les filets de sang qui en sortaient et pansa ses bras avec des feuilles de larges mauves bleues, retenues sur la blessure avec des étoupes fines. […] Je dois même dire que je me réjouis en moi-même de voir couler mon sang sur mes bras, puisque ces grains de plomb qu’il m’arracha de la peau avec ses dents lui étaient entrés plus avant qu’à moi dans le cœur. […] … » Son ange gardien était entré en moi, il avait pris ma figure. […] Je pensai que je n’oserais jamais sortir de dessous l’arche du pont sur lequel j’entendais déjà les pas des contadins qui portaient des raisins et des figues au marché, et surtout que je n’aurais jamais le courage de passer devant les gardes des portes, et d’entrer dans la terrible ville.

642. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Si vous montez l’escalier sans marches du Vatican, comme une colline aplanie pour laisser les vieux pontifes monter sans perdre haleine au sanctuaire de leurs oracles ; si vous entrez dans la chapelle Sixtine pour contempler sur ses murs et sur ses voûtes le tableau du Jugement dernier, ce poëme dantesque du pinceau, peint par un géant, où l’imagination, le mouvement, l’expression, la forme, la couleur semblent défier la création par son image, et si vous demandez quelle main de Prométhée moderne a jeté derrière lui ces gouttes d’huile pour en faire des hommes, des anges, des démons, des dieux ? […] Si vous entrez, à Florence, dans la chapelle monumentale de San Lorenzo, cette pyramide mortuaire des Pharaons de la Toscane, les Médicis ; si vous levez vos yeux sur ce peuple de pierre qui semble sortir des Catacombes pour veiller éternellement sur ces sarcophages ; si les deux figures du Jour et de la Nuit, l’une image vivante de la vie, l’autre image, vivante aussi, de la mort, calment comme par enchantement vos pensées terrestres, et vous font envier d’être de pierre comme elles pour respirer éternellement la majesté dédaigneuse de la vie et la mélancolie sereine de la mort ; et si vous demandez à ces statues : Qui vous a taillées ou plutôt animées d’un seul jet dans le bloc ? […] Michel-Ange y entra à quatorze ans. […] Les écrivains florentins décrivent ce carton de Michel-Ange comme un poëme national, prélude du poëme universel de son Jugement dernier, et nullement inférieur à ce prodige du crayon et du pinceau : « Pendant que les soldats sortaient en hâte des ondes ruisselantes sur leurs membres, on voyait parmi eux, dit Vasari, par la main divine de Michel-Ange, la figure d’un vétéran qui, pour s’ombrager du soleil pendant le bain, s’était coiffé la tête d’une guirlande de lierre, lequel s’étant accroupi sur le sable pour remettre sa chaussure que l’humidité de ses jambes empêchait de glisser sur sa peau, et entendant en même temps les cris de ses compagnons et le roulement du tambour appelant aux armes, se hâtait pour faire entrer de force son pied dans sa chaussure mouillée ; en outre, ajoute Vasari, que tous les muscles et tous les nerfs du vétéran se dessinaient en saillie dans l’effort, toute sa physionomie exprimait son angoisse, depuis la bouche jusqu’à l’extrémité de ses pieds.

643. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

« L’automne me surprit au milieu des incertitudes : j’entrai avec ravissement dans les mois des tempêtes. […] Quand ce fut pour entrer, elle s’évanouit, et je fus obligé de la reporter à sa voiture. » Il me fut aisé de reconnaître l’étrangère qui, comme moi, était venue chercher dans ces lieux des pleurs et des souvenirs ! « Couvrant un moment mes yeux de mon mouchoir, j’entrai sous le toit de mes ancêtres. […] Alors s’expliquèrent pour moi plusieurs choses que je n’avais pu comprendre ; ce mélange de joie et de tristesse, qu’Amélie avait fait paraître au moment de mon départ pour mes voyages, le soin qu’elle prit de m’éviter à mon retour, et cependant cette faiblesse qui l’empêcha si longtemps d’entrer dans un monastère, sans doute la fille malheureuse s’était flattée de guérir !

644. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Quand j’entrai au séminaire Saint-Sulpice, en 1843. il y avait encore quelques directeurs qui avaient vu M.  […] Quand j’entrai à Saint-Sulpice, M.  […] L’esprit particulier de l’Allemagne, à la fin du dernier siècle et dans la première moitié de celui-ci, me frappa ; je crus entrer dans un temple. […] Mais tous les liens les plus doux de la vie entrent dans le tissu du filet qui l’entoure, et il faudra qu’il arrache la moitié de son cœur, s’il veut s’en délivrer.

645. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Ainsi Shakespeare, mort, entra dans l’oubli ; Eschyle, dans la gloire. […] Au septième siècle, un homme entra dans Alexandrie. […] Le soleil, habitué au Parthénon, n’était pas fait pour entrer dans les forêts diluviennes de la Grande-Tartarie, sous la moisissure gigantesque des monocotylédones, sous les fougères hautes de cinq cents coudées où fourmillaient tous les premiers modèles horribles de la nature, et où vivaient dans l’ombre on ne sait quelles cités difformes telles que cette fabuleuse Anarodgurro dont l’existence fut niée jusqu’au jour où elle envoya une ambassade à Claude. […] En fait de civilisation, la Grèce entrait en matière par la construction d’une académie, d’un portique ou d’un logeum.

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