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422. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Je le prendrai, avec votre permission, au sens très élargi où il plaît aux Parisiens de l’entendre et dont s’étonnerait peut-être l’auteur de la Foire aux vanités. […] Madelon fait cette dépense d’admiration à propos de l’impromptu de Mascarille : elle la ferait aujourd’hui à propos de quelque poème symbolique en vers invertébrés et s’entendrait tout juste autant. […] Tout critique affecte de voir à certains moments et finit par voir dans un ouvrage ce que les autres n’y voient pas, et pourrait dire comme Philaminte : Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble, Mais j’entends là-dessous un million de mots.

423. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Et il faut avouer que ce n’est pas peu de chose de voir, avec cette force et cette précision, le relief et l’éclat des objets, et d’entendre et de faire entendre avec l’instrument du vers tous les bruits majestueux, terribles ou caressants de la nature. […] Ainsi qu’une sonate plusieurs fois entendue, ils s’ouvrent soudain à la compréhension.

424. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

J’aimerais qu’à ces éphèbes on répondit en toute sincérité, et avec la seule ironie socratique, par cette interrogation : « Mais qu’entendez-vous par littérature ?  […] À une soutenance de doctorat en philosophie, n’entendions-nous pas un professeur de Sorbonne tancer le candidat d’avoir présenté une thèse scientifique à la faculté des lettres ? […] La plupart entendent marcher à la suite des camarades arrivés ; ils feront de la littérature, et, ce faisant, croiront faire quelque chose.

425. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

Quel ridicule il jette sur ce prince ; sur son affectation à composer des vers emmiellés, doucereux, cadencés & chargés d’épithètes ; des vers forcés, ignobles & ridicules, sans génie, sans chaleur & sans force, & qui n’avoient que de l’enflure & de l’harmonie, tels que les suivans* : On entend bourdonner les cornes tortueuses. […] On le trouve dur, inintelligible : mais est-ce sa faute ; si nous ne l’entendons pas ? […] Mais il n’entend point, comme Horace, la raillerie fine & délicate.

426. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Elles donnent le goût du beau à ceux qu’elles ont intéressés, et ils ne songent plus qu’à retrouver des sensations d’art analogues à celles qu’ils ont éprouvées en lisant Horace, Virgile, Corneille et Racine, et c’est pour cela, disons-le en passant, qu’il faut toujours, au lycée, amener l’élève jusqu’aux auteurs presque contemporains, pour que, entre les grands classiques et les bons auteurs de leur siècle, il n’y ait pas une grande lacune qui les ferait désorientés en face des bons auteurs de leur siècle et qui les empêcherait de les goûter, par où ils seraient de ces humanistes qui ne peuvent entendre que les auteurs très éloignés de nous, gens respectables et peut-être même enviables, mais qui sont privés de grandes et saines jouissances. […] Mais il n’en est pas moins que mesurer les distances aide singulièrement à évaluer les hauteurs et, s’il n’est pas mauvais de connaître les prédécesseurs et les contemporains de Corneille pour bien entendre, pour entendre distinctement combien il est nouveau et combien il est grand, à toutes les époques il en est de même, et il faut pousser des reconnaissances dans le pays des médiocres pour revenir aux grands avec une faculté renouvelée d’admiration.

427. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Ce n’est pas une bretonne Bretonnante, car, si elle l’était, elle le serait en bas-breton, c’est-à-dire en langage celtique, qui est une magnifique langue et que nous n’entendrions pas. Mais elle l’est en patois breton que nous pouvons entendre, — le patois breton de la Bretagne actuelle, — et c’est ce patois-là qu’elle nous donne et dont elle a toutes les grâces, tous les tours naïfs, toutes les locutions attardées, qui font des patois des choses délicieuses. […] — de ce patois qui fut la première langue de sa jeunesse ; car nous autres, gens de province, la première langue que nous ayons entendue a été un patois… Dans ces Récits de la Luçotte, nous n’avons affaire qu’à la première fileuse venue de la Bretagne, rhapsodisant, en tournant son rouet, ses vieilles histoires, et c’est pour cela que, brusquement et de plain-pied, elle est entrée dans ses Récits, sans explication, sans théorie et sans préface, et comme si toute la terre devait aimer le piché qu’elle nous verse et qui va nous griser, pour sûr !

428. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Et ils s’entendent avant que de parler. […] Et ici il faut bien s’entendre. […] (On entend bien en quel sens je le dis). […] Et que c’est entendu. […] J’entends l’Éléatique.

429. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Que de conférences il a dû entendre ! […] L’art pour l’art, c’est entendu ! […] » J’entends encore sa voix sèche. […] Là-dessus il faut s’entendre. […] On entend sa voix brève et impérieuse.

430. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Ceci n’empêche pas, bien entendu, de prendre des notes. […] Je n’entendais pour ainsi dire plus. […] Nous entendrions aboyer les chacals. […] On entend parler sans entendre marcher. […] On entend le fracas des choses brisées dans les maisons.

431. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Drouais, Roslin, Valade, etc »

Entre tous ces portraits aucun qui arrête, un seul excepté, qui est de Roslin et que je viens d’attribuer à Perronneau, c’est celui de cette femme dont j’ai dit que la gorge était si vraie qu’on ne la croirait pas peinte, c’est à inviter la main comme la chair ; la tête est moins bien, quoique gracieuse et fesant bien la ronde bosse ; les yeux étincelent d’un feu humide ; et puis une multitude de passages fins et bien entendus, un beau faire, une touche amoureuse. Celui de Madame De Marigny est assez bien entendu pour l’effet d’une couleur agréable, mais la touche en est molle, il y a de l’incertitude de dessin, la robe est bien faite ; la tête est tourmentée ; la figure s’affaisse, s’en va, ne se soutient pas, elle a l’air mannequiné ; les bras sont livides et les mains sans formes, la gorge plate et grisâtre ; et puis sur le visage un ennui, une maussaderie, un air maladif qui nous affligent.

432. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

pour forcer ma raison à l’entendre, Il dit trop tard, ou bien il dit trop bas : « Vous qui savez aimer, ne m’aimez pas !  […] Votre enfant qui pleurait, vous l’avez entendu ! […] Un ami poète, qui l’avait souvent entourée de ses soins, mais dont l’absence s’était fait remarquer un jour, dans un des deuils trop fréquents qui enveloppèrent ses dernières années, devint l’occasion, l’objet de ce cordial et vibrant appel : La voix d’un ami Si tu n’as pas perdu cette voix grave et tendre Qui promenait ton âme au chemin des éclairs Ou s’écoulait limpide avec les ruisseaux clairs, Éveille un peu ta voix que je voudrais entendre. […] Si l’haleine est en toi, que je l’entende encore !

433. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Deplace était la cause même, il faut le dire, des doctrines monarchiques et religieuses, entendues comme le faisaient les Bonald et ces chefs premiers du parti : il y demeura fidèle jusqu’au dernier jour. […] Il en faut (j’entends de l’impertinence) dans certains ouvrages, comme du poivre dans les ragoûts. » Ceci rentre tout à fait dans la manière originale et propre, dans l’entrain de ce grand jouteur, qui disait encore qu’un peu d’exagération est le mensonge des honnêtes gens. — A un certain endroit, dans le portrait de quelque hérétique, il avait lâché le mot polisson  ; prenant lui-même les devants et courant après : « C’est un mot que j’ai mis là uniquement pour tenter votre goût, écrivait-il. […] A lire les dernières pages des Soirées de Rothaval, je crois voir un homme qui a entendu durant plus de deux heures une discussion vive, animée, étincelante de saillies et même d’invectives, soutenue par le plus intrépide des contradicteurs, et qui, prenant son voisin sous le bras, l’emmène dans l’embrasure d’une croisée, pour lui dire à voix basse : « Vous allez peut-être me juger bien hardi, mais je trouve que cet homme va un peu loin. »  — L’épigraphe qui devrait se lire en toutes lettres au frontispice des écrits de M. de Maistre est assurément celle-ci : A bon entendeur salut ! […] Il entend, il comprend, était le mot de passe, faute de quoi on était exclu à jamais de la sphère supérieure des belles et fines pensées.

434. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Conférence sur la conférence6 Mesdames, Messieurs, Entre toutes les excentricités dont on accuse les théâtres novateurs et spécialement la scène de l’Œuvre, aucune, pour moi, n’est plus imprévue que de m’y voir devant vous et de m’entendre vous parler. […] Qu’il n’y ait plus, Messieurs, d’orateurs convaincus, cela n’implique point qu’il n’en reste pas d’ennuyeux : épargnez-moi de nommer les membres de l’Institut ou d’une célèbre revue saumon qui abusent de la plus hospitalière des duchesses pour faire entendre en sa maison leurs élucubrations touchant « les moyens de transport chez les Mormons » ou « les contributions indirectes sous les Ptolémées ». […] J’ai entendu beaucoup de conférences dans des salles singulièrement mal remplies. […] Demain j’y retournerai. » La phrase a trop servi, et maintenant la jeune femme répond à son seigneur inquiet de ses yeux fatigués : « Je n’ai pas cessé de courir de Faguet à la Sorbonne, à du Bled chez la duchesse, et à Vanor chez Bodinier, sans trouver la nuance d’âme que je cherchais ; je recommencerai demain. » Je remercie les auditrices, loyales celles-là ou momentanément inoccupées, qui aujourd’hui sont venues en personne entendre moquer leur prétendu passe-temps favori.

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