C’est ici le triomphe de la « moralité organique », c’est-à-dire l’absence complète de ce que nous entendons en général par « morale ». […] Cela est si vrai que le subjectivisme de la métaphysique, au lieu de ne s’appliquer qu’à un individu abstrait, peut parfaitement s’entendre comme conditionnant l’activité d’un ensemble systématisé d’esprits, d’une société, d’une race, de l’humanité même. […] C’est dire que nous n’aurions pas besoin de ce qu’on entend en général par une « morale ». […] § 8 Le moi et les autres ne s’entendent guère.
Jamais enfant, repoussé des siens, n’avait fait entendre les accents pathétiques d’un Baudelaire. […] Il se sent impropre lui-même au commerce et à la finance, mais qu’il ne fasse pas même allusion à la carrière diffamée des lettres (car à l’époque, pour les gens, bohème et littérature c’est tout un) s’il ne veut pas encourir la malédiction paternelle et entendre sa mère s’écrier, dans un sursaut d’indignation et de révolte : Ah ! […] que leur pessimisme s’entend ! […] Il ne nous déplaisait pas de nous voir convoqués à la satisfaction de nos instincts légitimes et de l’entendre glorifier la Vie.
Rien de mieux, pourvu qu’il soit bien entendu qu’on n’y enseignera pas autre chose qu’à la Sorbonne ou au Collège de France, que ce seront en un mot des écoles dépouillées de leur vernis pédagogique. […] Si on entend par religion un ensemble de doctrines léguées traditionnellement, revêtant une forme mythique, exclusive et sectaire, il faut dire, sans hésiter, que les religions auront signalé un âge de l’humanité, mais qu’elles ne tiennent pas au fond même de la nature humaine 60 et qu’elles disparaîtront un jour. Si au contraire on entend par ce mot une croyance accompagnée d’enthousiasme, couronnant la conviction par le dévouement et la foi par le sacrifice, il est indubitable que l’humanité sera éternellement religieuse. […] C’est ainsi, du moins, que j’aime à l’entendre.
Après avoir entendu que Néron excellait dans la danse, Excellait à conduire un char dans la carrière, À se donner lui-même en spectacle aux Romains, il cessa de danser dans les ballets de sa cour, et fit Racine gentilhomme de sa chambre. […] On écoula la Poétique de Despréaux, qui est un chef-d’œuvre. » Elle l’avait déjà entendue une fois chez le cardinal de Retz en 1673. Elle l’entend une troisième fois chez M. de Pomponne. […] On voit dans une lettre de madame de Sévigné du 9 mars 1672, à sa fille, au sujet de cette pièce des Femmes savantes, qu’on nous assure avoir été faite jour lui donner une petite correction, ainsi qu’à madame de La Fayette, qu’elle avait ménagé au cardinal de Retz, retenu chez lui par la goutte, le plaisir d’en entendre la lecture de la bouche de Molière.
Ce sont des hommes qui ont nos idées et qui les ont dans la mesure et dans le sens où il nous serait bon de les avoir, qui entendent le monde, la société, particulièrement l’art d’y vivre et de s’y conduire, comme nous serions trop heureux de l’entendre encore aujourd’hui ; des têtes saines, judicieuses, munies d’un sens fin et sûr, riches d’une expérience moins amère que profitable et consolante, et comme savoureuse. […] En cette crise, Commynes et Louis XI s’entendirent de prime abord et d’un clin d’œil. […] Point de bravade chez lui, point de fausse gloire ni de chevalerie prolongée : « C’est grand honneur de craindre ce que l’on doit, dit-il, et d’y bien pourvoir. » Il est plein de ces maximes-là, qui mènent au juste-milieu, comme nous l’entendons, et au gouvernement de la société sans choc, moyennant un sage équilibre des forces et des intérêts.
Les poètes ont employé ce mot de manie avec honneur, et il est bien entendu que c’est dans ce sens que je l’emploie ici. […] J’irai et reviendrai à ma fantaisie, et on me laissera en repos. » — Un silence à entendre une fourmi marcher succéda à cette espèce de sortie. […] Mais on peut tout entendre sans scrupule à cette distance, et, en faisant la part d’hommage à la personne qui eut en don le charme, il faut oser voir les mœurs d’alors comme elles étaient. […] Les quelques lettres qu’on publie d’elle au duc de Noailles, et où elle dit qu’elle n’entend rien à la politique, prouveraient plutôt que, si elle pouvait causer plus librement que par écrit, elle aimerait très bien à s’en mêler.
Le lendemain, de bon matin, au Conseil auquel assistait Fouquet avec les autres ministres et secrétaires d’État, Louis XIV dit : « Messieurs, je vous ai fait assembler pour vous dire que jusqu’à présent j’ai bien voulu laisser gouverner mes affaires par feu M. le cardinal, mais que dorénavant j’entends les gouverner moi-même ; vous m’aiderez de vos conseils quand je vous les demanderai. » Fouquet entendit ces paroles sans y croire. […] Un des hommes les moins scrupuleux et les plus entendus de ce temps-là, Gourville, raconte dans ses Mémoires très sincères comment il fit la connaissance de Fouquet, qui le goûta et l’employa à plus d’une sorte de négociations. […] Qu’on veuille bien m’entendre : une distinction, une louange juste et bien placée, de l’attention, ce sont de ces faveurs qui rattachent les âmes, même les plus libres.
Sauvo dans un judicieux feuilleton du Moniteur (4 janvier), de voir cette attention soutenue, ce passage continuel des mêmes yeux sur deux imprimés différents, ces coups de crayon donnés à tous deux successivement, et surtout ces cris de joie, ces applaudissements immodérés qui se faisaient entendre lorsque certaines situations, certains passages ou même quelques vers paraissaient établir des ressemblances entre l’ancien et le nouvel ouvrage. […] Il était fabuleusement distrait ; j’ai entendu citer, à cet égard, des anecdotes qui sont singulières et pourtant de toute vérité. […] [NdA] « Je me souviens, dit Montesquieu en ses Pensées, que j’eus autrefois la curiosité de compter combien de fois j’entendrais faire une petite histoire qui ne méritait certainement pas d’être dite ni retenue : pendant trois semaines qu’elle occupa le monde poli, je l’entendis faire deux cent vingt-cinq fois, dont je fus très content. » 59.
Lorsque, sur la fin de sa vie, il apprit les premiers événements de juillet 89, il en conçut autant de méfiance et de doute que d’espérance ; les premiers meurtres, certaines circonstances dont la Révolution était accompagnée dès l’origine, lui semblaient fâcheuses, affligeantes : « Je crains que la voix de la philosophie n’ait de la peine à se faire entendre au milieu de ce tumulte. » — « Purifier sans détruire », était une de ses maximes, et il voyait bien tout d’abord qu’on ne la suivait pas. […] Si tous ceux qui conversèrent à Passy avec Franklin avaient bien entendu ses préceptes et ses mesures, ils y auraient regardé à deux fois avant d’entreprendre dans le vieux monde la refonte universelle. En même temps, il faut ajouter (dût-on y trouver quelque contradiction) qu’il était difficile, à ceux qui l’entendaient, de ne pas prendre feu, et de ne pas être tentés de réformer radicalement la société ; car il était lui-même, dans ses manières générales de voir et de présenter les choses, un grand, un trop grand simplificateur. […] Je lui dis que cela avait été généralement entendu de l’action d’un orateur avec les gestes en parlant, mais que je croyais qu’il existait une autre sorte d’action bien plus importante pour un orateur qui voudrait persuader au peuple de suivre son avis, à savoir une suite et une tenue dans la conduite de la vie, qui imprimerait aux autres l’idée de son intégrité aussi bien que de ses talents ; que, cette opinion une fois établie, toutes les difficultés, les délais, les oppositions, qui d’ordinaire ont leur cause dans les doutes et les soupçons, seraient prévenus, et qu’un tel homme, quoique très médiocre orateur, obtiendrait presque toujours l’avantage sur l’orateur le plus brillant, qui n’aurait pas la réputation de sincérité… Tout cela était d’autant plus approprié au jeune homme, que lord Shelburne, son père, doué de tant de talents, avait la réputation d’être l’opposé du sincère.
Quand mourut son triste mari, elle manqua perdre la raison, et on entendait ses cris dans la rue. […] Les piliers sont trop loin, il ne peut approcher du jeune homme mourant ; il prête l’oreille, et entend ses soupirs qui se ralentissent ; il crie à l’aide, et nul ne vient. […] Ce qui fait la gloire de Gœthe, c’est qu’au dix-neuvième siècle il a pu faire un poëme épique, j’entends un poëme où agissent et parlent de véritables dieux. […] Seulement que je t’entende encore une fois, — encore cette fois, encore une fois1294 ! […] — Ma bien-aimée Julia, entends ma prière !
Et l’on entendait chanter : Sois la bienvenue, âme douce. […] Je les entends maintenant comme du français, je ne sais pourquoi, et j’y trouve des choses ravissantes. […] Prends garde d’entendre la réponse que tu mérites. […] Je revois dans la pénombre les nomades campés, j’entends encore leurs éclats de voix et leurs longues mélopées. […] Hippolyte entend une voix et il reconnaît Artémis.
Est-ce que l’on n’entend pas, dans ce passage du Prince, quelque chose de l’accent prochain des Provinciales ? […] Et si nous répondons que non, ou seulement si nous hésitons, il a l’air de croire, — et je crois qu’il croit que la cause est entendue. […] Rien de plus juste ou rien de plus faux que ce principe, selon qu’on veut l’entendre. […] Mme de Staël et Chateaubriand l’entendaient autrement. […] Mais nous l’avons dit aussi, de ce libéralisme et de cette générosité mal entendus, il ne laissait pas de résulte !
Mais je vous proteste, monsieur, que, telle satisfaction que me donne ledit Père, je ne le tiendrai jamais pour autre que pour un homme plus étourdi qu’une mouche, et moins sensé ès-affaires du monde qu’un enfant ; et si d’aventure il s’obstine de ne vouloir entendre à tant de voies d’accord que je lui fais présenter par mes amis en rongeant mon frein le plus qu’il m’est possible, et qu’il veuille toujours persister en ses menteries ordinaires et en ses impostures, j’en ferai une telle vengeance à l’avenir que, s’il a évité les justes ressentiments du maître du palais de Rome en s’enfuyant à Paris sous prétexte d’être poursuivi des Espagnols qui ne pensoient pas à lui, il n’évitera pas pourtant les miens. […] Voici une de ces remarques qui porte sur l’ensemble de mon œuvre critique : « J’ai beaucoup écrit, on écrira sur moi, on fera ma biographie, et les critiques chercheront à se rendre compte de mes ouvrages fort différents ; je veux leur épargner une partie de la peine et leur abréger la besogne, en expliquant ma vie littéraire telle que je l’ai entendue et pratiquée.