De là la difficulté qu’on éprouve toujours à prendre une vue d’ensemble de l’Esprit des Lois. […] L’Esprit des Lois se terminera par cinq livres qui sont une œuvre rigoureusement technique d’érudition juridique ; ce sont, dit le titre, « des recherches nouvelles sur les lois romaines touchant les successions, sur les lois françaises et sur les lois féodales », qui sont comme le fragment et le début d’une étude d’ensemble sur les origines de la législation française. […] Cependant, dans l’ensemble de l’ouvrage, domine le dogmatisme du théoricien politique qui pense lier les événements par des chartes. […] Il expose comment toutes les lois de l’Angleterre ont pour objet la protection de la liberté politique des sujets, et comment cette liberté est assurée par le mécanisme de trois pouvoirs qui se complètent, se contiennent, s’équilibrent et marchent ensemble, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.
La vérité est, ce me semble, que les spécialités n’ont de sens qu’en vue des généralités, mais que les généralités à leur tour ne sont possibles que par les spécialités ; la vérité, c’est qu’il y a une science vitale, qui est le tout de l’homme, et que cette science a besoin de s’asseoir sur toutes les sciences particulières, qui sont belles en elles-mêmes, mais belles surtout dans leur ensemble. […] Je suppose qu’un savant entreprenne de refaire dans son ensemble l’œuvre si imparfaite de Sprengel. […] Quand on est certain que les matériaux que l’on possède sont les seuls qui existent, tout incomplets qu’ils sont, on peut se permettre ces marqueteries ingénieuses où sont groupées toutes les paillettes dont on dispose, à condition toutefois que l’on fasse des réserves et que l’on se reconnaisse incapable de déterminer les relations mutuelles des parties, les proportions de l’ensemble. […] C’est ainsi que des années entières d’études assidues se sont parfois résumées en quelques lignes ou quelques chiffres, et que le vaste ensemble des sciences de la nature s’est fait pièce à pièce et avec une admirable solidarité de la part de tous les travailleurs.
S’il fallait nommer à distance, parmi les membres de cette grande Assemblée, l’orateur qui la représenterait le plus fidèlement depuis le premier jusqu’au dernier jour, dans sa continuité et sa tenue d’esprit, dans sa capacité, dans son éclat, dans ses fautes, dans son intégrité aussi et dans l’œuvre de sa majorité saine, ce ne serait ni Mirabeau, trop grand, trop corrompu, enlevé trop tôt, qu’on devrait choisir, ni Maury, le Mirabeau de la minorité, ni La Fayette, trop peu éloquent, ni d’autres ; ce serait, pour l’ensemble de qualités qui expriment le mieux la physionomie de l’Assemblée constituante, ce jeune député du Dauphiné, Barnave. […] Le récit de Mme Campan, bien qu’inexact sur plusieurs points, et trahissant dans son ensemble une légère teinte romanesque qui sied peu à Barnave, ne semble point permettre de doute là-dessus. […] Dans cette Révolution, il n’y a jamais eu de l’énergie, de l’ensemble et du talent que pour l’attaque… Décidément, Barnave est un général qui connaissait bien son armée. […] Il faut pouvoir sentir et penser ensemble, et ne former entre vous qu’une famille comme nous étions : c’est la première base du bonheur.
Sa seule prétention, en ce qu’il écrit, c’est que, somme toute, la vérité surnagera même à la passion, et que, sauf tel ou tel endroit où la nature en lui est en défaut, le tissu même de ses Mémoires rendra témoignage de sincérité et de franchise dans son ensemble. […] Grand peintre d’histoire, Saint-Simon excelle à rendre les individus en pied, les groupes, les foules, à la fois le mouvement général et le détail particulier à l’infini : il a ce double effet et du détail et des ensembles. […] Toutefois, s’il a dû être injuste, excessif ou téméraire en plus d’une application de détail, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup à rabattre dans l’ensemble. […] Saint-Simon pourtant, dans son ensemble, n’était point un homme tout à fait supérieur, en ce sens qu’avec des portions et des facultés supérieures de l’esprit, avec des dons singuliers, il n’a point su gouverner, distribuer le tout, et donner à ses points de vue la proportion et l’harmonie qui remettent à leur place les vanités ou les préjugés, et qui laissent régner les lumières.
Guillaume de Schlegel, Fauriel et Ampère, on peut dire toutefois que l’ensemble de son œuvre et de son influence n’a pas été encore exposé, discuté et jugé régulièrement et au complet. […] Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait : Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous. […] Homme plein d’adresse et de finesse dans le détail et dans la pratique des mots, plein de force et de constance dans l’ensemble du labeur, Raynouard, bon grammairien et avec des éclairs du génie philologique, manquait, j’ose le dire, par l’idée philosophique élevée qui embrasse, qui lie naturellement tous les rapports d’un sujet, et que Fauriel et Guillaume de Schlegel, comme savants, entendaient bien autrement que lui. […] Il avait des coins, il n’avait pas l’ensemble.
Fidèle et dévouée sans se piquer d’être héroïque, elle sut accommoder les timidités de son sexe avec les obligations et les devoirs de son état, et traverser à la Cour tant d’écueils visibles ou cachés, sans se détourner de sa voie, et en restant dans les règles et les délicatesses d’une exacte probité : femme en bien des points, mais la plus raisonnable des femmes, personne essentielle et aimable tout ensemble. […] Le bas de la figure, pourtant, est peu agréable, et l’ensemble n’a rien qui appelle une attention marquée. […] Cette comédie italienne, représentée chez le cardinal, excita l’enthousiasme de quelques courtisans tels que le maréchal de Grammont ou le duc de Mortemart qui paraissait enchanté au seul nom des moindres acteurs ; « et tous ensemble, afin de plaire au ministre, faisaient de si fortes exagérations quand ils en parlaient, qu’elle devint enfin ennuyeuse aux personnes modérées dans les paroles ». […] Ce n’est là qu’un trait piquant ; mais bientôt, parlant plus en détail de Mlle de Pons, aimée du duc de Guise, qui va conquérir Naples à son intention, et, avec cela, non contente ni rassasiée d’une telle proie : Cette âme gloutonne de plaisirs, dit-elle, n’était pas satisfaite d’un amant absent qui l’adorait, et d’un héros qui, pour la mériter, voulait se faire souverain… L’ambition et l’amour ensemble n’étaient pas des charmes assez puissants pour occuper son cœur ; il fallait, pour la satisfaire, qu’elle allât se promener au cours, et qu’elle reçût de l’encens de toutes ses nouvelles conquêtes.
Montesquieu s’avance d’un pied ferme, par une suite de réflexions serrées et vives, et dont l’ensemble a l’air grand ; il a le trait prompt, court, et qui porte haut. […] Et parlant du grand ouvrage que Montesquieu préparait depuis vingt ans, M. d’Argenson ajoutait : J’en connais déjà quelques morceaux qui, soutenus par la réputation de l’auteur, ne peuvent que l’augmenter ; mais je crains bien que l’ensemble n’y manque, et qu’il n’y ait plus de chapitres agréables à lire, plus d’idées ingénieuses et séduisantes, que de véritables et utiles instructions sur la façon dont on devrait rédiger les lois et les entendre… Je lui connais tout l’esprit possible ; il a acquis les connaissances les plus vastes, tant dans ses voyages que dans ses retraites à la campagne ; mais je prédis encore une fois qu’il ne nous donnera pas le livre qui nous manque, quoique l’on doive trouver dans celui qu’il prépare beaucoup d’idées profondes, de pensées neuves, d’images frappantes, de saillies d’esprit et de génie, et une multitude de faits curieux, dont l’application suppose encore plus de goût que d’étude. […] Le public voit les choses plus dans leur ensemble, et quand il y a un souffle supérieur et une haute empreinte dans une œuvre, il suppose à l’auteur de la raison sur tous les points, et il se prête à l’impulsion qu’il en reçoit. […] Le xviiie siècle, qui allait marcher bientôt avec ensemble et prosélytisme comme un seul homme, et qui se donnera tout entier son rendez-vous final aux funérailles solennelles de Buffon (avril 1788), n’était pas encore enrôlé ni même debout à la date où mourut Montesquieu.
Il le reconnaît du premier ordre pour la marche lumineuse de l’ensemble, pour la puissance de l’action et les principaux effets que le théâtre se propose, pour « ce grand fonds d’intérêt qu’il semble interrompre lui-même volontairement, et qu’il est toujours sûr de relever avec la même énergie ». […] Voltaire n’est nulle part mieux défini dans ses œuvres et dans son caractère, que par le détail des anecdotes et l’ensemble des jugements qui sont consignés dans Grimm. […] En philosophie, il le traite avec le dédain d’un homme qui n’en est pas resté aux demi-partis et dont l’incrédulité, du moins, n’est point inconséquente : Voltaire, au contraire, s’arrête à mi-chemin et, en continuant de mal faire, s’effraye par moment de sa propre audace : « Il raisonne là-dessus, dit Grimm, comme un enfant, mais comme un joli enfant qu’il est. » À partir de Tancrède, tout ce que Voltaire produit pour le théâtre lui paraît marqué du signe de la vieillesse ; mais, à sa mort, il se reprend à l’envisager dans son ensemble, et avec l’admiration qu’une telle carrière inspire ; il exprime très bien le sentiment de la décadence littéraire que, selon lui, Voltaire retardait, et qui va précipiter son cours : « Depuis la mort de Voltaire, un vaste silence règne dans ces contrées, et nous rappelle à chaque instant nos pertes et notre pauvreté. » Il écrivait cela à Frédéric (janvier 1784). […] Grimm et Diderot causaient un soir ensemble, le 5 janvier 1757 ; Diderot était dans un de ces moments d’exaltation et de prédiction philosophique qui lui étaient familiers : il voyait le monde en beau et l’avenir gouverné par la raison et par ce qu’il appelait les lumières ; il exaltait son siècle comme le plus grand que l’humanité eût vu jusque-là.
Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments, le poli de la surface, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, quelque chose d’éternel comme un principe ? […] III Toutefois, l’art n’est pas seulement un ensemble de faits significatifs ; il est avant tout un ensemble de moyens suggestifs. […] Le style, c’est l’homme même, conséquemment l’individu ; ajoutez que c’est en même temps la société présente à cet individu, c’est l’ensemble des imperceptibles modifications qu’apporte au sentiment personnel l’influence de toute une époque, c’est le « siècle », qui nécessairement passe.
Voici l’article sur Cinq-Mars, tiré du Globe, 8 juillet 1826 : Pendant que Richelieu, vainqueur des grands et des calvinistes au dedans du royaume, et de la maison d’Autriche au dehors, poursuivait tout ensemble, dans cette triple voie de l’organisation intérieure, de la religion et de la politique, les plans tour à tour conçus et ébauchés par Louis XI contre la féodalité, par François Ier contre la réforme, et par Henri IV contre la postérité de Charles-Quint, Louis XIII, indolent et mélancolique, renfermé dans ses maisons de plaisance, cherchait à tromper son ennui par des jeux puérils ; son goût le plus prononcé était d’élever et de dresser des oiseaux. […] Son roman entier est calculé comme une partie d’échecs : je n’en veux pour échantillon que cette soirée littéraire chez Marion Delorme, où, par une combinaison plus laborieuse encore qu’ingénieuse, il fait jouter ensemble Milton, Corneille, Descartes, Molière et les académiciens du temps.
Toute histoire donc, si les matériaux pouvaient en être complets et les divers points suffisamment éclaircis, présenterait dans son ensemble une série de tableaux étroitement liés entre eux, et, pour ainsi dire, images transparentes les uns des autres. […] N’est-il pas vrai qu’il lui sera possible et convenable de signaler dans chaque progrès de la Révolution un progrès de l’idée qui l’enfanta, de suivre cette idée dans l’ensemble des faits par lesquels elle éclate, et de la montrer, presque toujours vague encore à son origine, se dégageant, se précisant en même temps qu’elle s’exagère, et de degré en degré passant sans interruption jusqu’à ses dernières conséquences ?
Quant au jeune groupe dont nous voulons parler, et qui se comporta, sinon plus sagement, du moins avec plus d’esprit et de décence, le fait principal qui le concerne, c’est qu’il se dispersa à l’instant, et que l’ensemble des idées qui avaient l’air de se tenir pour un bon nombre d’années encore, s’éparpilla en un clin d’œil comme le plus vain des nuages. […] Les maîtres célèbres, qui, dans ces dernières années, avaient convoqué une avide jeunesse autour de leurs chaires retentissantes, ayant jugé convenable de se taire tous ensemble, M.
Voulez-vous du plaisir pour chaque jour sans le faire concourir à l’ensemble du bonheur de toute la destinée ? […] La douleur de la destruction se fait sentir avec toute la force de l’existence ; c’est assister soi-même à ses funérailles ; et, violemment attaché à ce triste et long spectacle, renouveler le supplice de Mézance, lier ensemble la mort et la vie.