j’ai beau chercher dans son ouvrage la moindre connaissance de l’art dramatique, je suis forcé de lui avouer que je ne le crois pas appelé au théâtre ; je tremble de l’affliger : point du tout ; mon jugement ne lui cause aucune émotion ; il me présente avec confiance plusieurs numéros d’un journal auquel il fournit les articles spectacles. […] Le dénouement. — Le latin, amené et fait sans art ; le français, rempli de finesse et d’économie dramatique. […] Ils ignoraient que la précision, la facilité d’une prose naturelle, donnent quelquefois, et suivant le genre d’une pièce, autant d’âme, autant de vie, et plus de rapidité, à une action dramatique, que tous les prestiges de la versification. […] Ajoutons à tout cela une infinité de traits comiques amenés naturellement par des situations adroitement combinées ; et demandons à Voltaire, si nombre de pièces du plus haut genre réunissent plus de qualités dramatiques que la farce de Pourceaugnac ? […] Il est un genre d’imitation que nos auteurs dramatiques devraient moins négliger, et je leur offre pour modèle la cinquième scène de l’acte III des Femmes savantes.
Si quelque chose pouvait faire douter à jamais en France de la reprise possible de l’art dramatique, ce serait la passion croissante de ces représentations judiciaires : le théâtre n’a plus rien à faire, ce semble, qu’à leur ressembler : ce qu’il fait.
Je ne sais si de telles comédies sont un signe de liberté ; mais elles sont nécessairement la perte de l’art dramatique.
Le but du poète dramatique, quel que soit d’ailleurs l’ensemble de ses idées sur l’art, doit donc toujours être, avant tout, de chercher le grand, comme Corneille, ou le vrai, comme Molière ; ou, mieux encore, et c’est ici le plus haut sommet où puisse monter le génie, d’atteindre tout à la fois le grand et le vrai, le grand dans le vrai, le vrai dans le grand, comme Shakspeare.
Les regles de la peinture sont autant ennemies de la duplicité d’action que celles de la poësie dramatique.
J’avais, il est vrai, tout comme un autre, en cartons, des projets dramatiques. […] (Exception encore pour d’aucuns des grands poèmes dramatiques de Francis Vielé-Griffin.) […] J’ai dit : dramatique. […] Même pureté en les poèmes dramatiques de Banville : aussi, pré ci ·sons que c’est du Banville dramatique qu’alors procéda Mallarmé. […] Le Banville des poèmes dramatiques surtout le captive.
La forme convenable à une action dramatique de ce genre, le « moule » nécessaire, c’était le moule de Racine. […] Sudermann, un des auteurs dramatiques les plus célèbres, dit-on, de la jeune Allemagne. […] Les personnages dramatiques, quand l’auteur a su leur souffler une âme, sont comme les hommes et les femmes que nous fréquentons dans la vie. […] Cela offusque par une mauvaise économie, une espèce de gaspillage des « moyens » dramatiques. […] Épisode n° 3. — Celui-là est presque dramatique, et, à vrai dire, je ne crois pas que M.
Pourquoi, des trois grands poètes dramatiques du dix-septième siècle, Molière a-t-il le moins perdu au théâtre ? […] Au moment où ce grand homme parut, trois genres d’ouvrages dramatiques défrayaient le théâtre : la tragédie, imitée des anciens ; la tragi-comédie, imitée des Espagnols ; la farce, imitée de l’italien. […] Si le génie dramatique s’y entrevoit à peine, le grand écrivain en vers s’y révèle déjà tout entier. […] Pourquoi, des trois grands poètes dramatiques du dix-septième siècle, Molière a-t-il le moins perdu au théâtre ?
Donc il va entasser tous ces procédés d’art, musique, poésie, décoration paysagique et mimique, à l’exemple des anciens, pour produire l’illusion de la vie ; alors s’imposait à lui la forme dramatique théâtrale, la plus capable traditionnellement d’atténuer le disparate de ces inconciliables réunis. […] Songez aussi que les décorations, absolument inutiles à la signification musicale, n’existent que pour compléter le livret dramatique ; puisqu’il y avait forme dramatique, il fallait bien qu’il y eût décors ; et, si Wagner a voulu magnifiques les décorations, c’est qu’obligé à des décorations il voulut des panoramas dignes du déploîment très spécial au théâtre où son œuvre s’ouvrait. Je me rappelle qu’au dernier an un esprit d’une très subtile et vive critique, assistant au Pasifal, exprimait que les personnages n’existaient point ; il disait notamment les insignes faiblesses du duo du second acte, l’homme subitement et immotivement illuminé et dès lors stagnant, la femme dont on ignore si elle est ou non d’elle-même attirée vers le garçon qu’elle appelle ; et il expliquait l’illogisme et le romantisme des trucs dramatiques ; et il s’étonnait de l’entière inutilité de tant d’accessoires ; réservant une admiration constante à l’orchestre, il méprisait intimement Parsifal pour un piètre mélodrame superbement décoré de symphonies : car ce subtil esprit — coupable seulement de se refuser par logiques de système à d’entiers côtés d’art — cherchait en le Parsifal et n’y pouvait trouver un drame.
Puis viennent en troisième ordre, et toujours d’après le même principe de la plus ou moins pure intellectualité de l’œuvre, les poètes dramatiques, c’est-à-dire ceux qui représentent dans leur poésie, à l’aide de personnages parlant et agissant sur la scène, les péripéties de la vie humaine, publique ou privée. […] Il faut au poète dramatique, pour émouvoir de toute sa puissance le cœur humain, un théâtre, une scène, des décorations, des musiciens, des peintres, des acteurs, des costumes, des gestes, des paroles, des larmes feintes, des déclamations, des cris simulés, du sang imaginaire, mille moyens étrangers à la poésie elle-même. […] XVI Nous savons bien, nous le répétons encore, qu’en dehors de cette supériorité ou de cette infériorité relative des genres dans la poésie, il y a la supériorité ou l’infériorité des poètes, qui dément souvent cette classification par la souveraine exception du talent ; que tel poète épique, comme Homère, par exemple, est égal ou supérieur à tel poète lyrique, comme Orphée ; que tel poète dramatique, comme Shakespeare, par exemple, dépasse tous les poètes épiques des temps modernes, et contient, dans son océan personnel de facultés poétiques, l’hymne, l’ode, le récit, le drame, la tragédie, la comédie, l’élégie, tout ce qui vibre, tout ce qui pense, tout ce qui chante, tout ce qui agit, tout ce qui pleure, tout ce qui rit dans le cœur de l’homme aux prises avec la nature. […] La poésie moderne la plus éthérée et la plus mystique, celle de Dante lui-même, n’a pas une scène aussi émouvante, aussi dramatique et aussi sainte à la fois dans sa simplicité.
. — Les Chansons de toile ou d’histoire ; — et qu’elles sont contemporaines de l’épopée nationale, comme le prouvent : — leur tour essentiellement narratif ; — le rôle que les femmes y jouent ; [ce sont elles qui font les avances, et les hommes les traitent avec la brutalité dont ils usent toujours en pareil cas] ; — enfin l’indistinction des éléments épique, lyrique, et même dramatique. — L’élément épique domine dans les Chansons d’histoire proprement dites ; — l’élément dramatique se dégage dans les Pastourelles et Chansons à danser, dont le développement ultérieur aboutit, — sous l’influence des divertissements des Fêtes de Mai, — à de véritables pièces, telles que le Jeu de Robin et Marion, d’Adam de la Halle, 1260 ; — mais le second, l’élément lyrique ou personnel, n’apparaît qu’au contact de la poésie provençale. […] — Impossibilité de répondre à la question ; — et si cette impossibilité ne jette pas quelque doute sur la prétendue « continuité » de l’évolution dramatique au Moyen Âge. — Qu’en tout cas les deux pièces qui nous restent du xiiie siècle [le Jeu de saint Nicolas, de Jean Bodel, et le Miracle de Théophile, de Rutebeuf] ne rétablissent pas la continuité ; — non plus que les Miracles de Notre-Dame ; — lesquels n’ont avec les Mystères qu’un rapport éloigné. […] Les Cycles dramatiques. — Il y en a trois, qui sont : 1º le Cycle de l’Ancien Testament ; — 2º le Cycle du Nouveau Testament ; — et, 3º le Cycle des saints. — Que, dans le premier de ces trois Cycles aucune des données de la Bible n’est traitée pour elle-même, — comme dans l’Esther ou dans l’Athalie de Racine, par exemple ; — mais uniquement dans son rapport avec la venue du Christ, — dont la vie remplit uniquement le second. — Par là s’expliquent, et seulement par là : — le choix des épisodes [Job, Tobie, Daniel, Judith, Esther] ; — la grossièreté de quelques-uns d’entre eux, destinés à rehausser d’autant la figure du Christ ; — et la part enfin que le clergé pendant longtemps a prise à la représentation des Mystères. — Du Cycle des saints, et de son caractère généralement local ; — qui n’en est pas pour cela plus laïque. — Les Mystères sont des « leçons de choses », une manière d’enseigner aux foules les vérités essentielles de la religion ; — et un moyen, comme on l’a dit, de se les attacher. — Qu’il n’y a que deux Mystères qui fassent exception : le Mystère du siège d’Orléans et le Mystère de Troie ; — mais que l’état d’esprit qui a inspiré le premier n’a rien d’incompatible avec le caractère essentiel des Mystères sacrés ; — et que le second n’a sans doute jamais été représenté.
C’était Dorat qui avait eu cette idée de les réunir à table avec Colardeau et Dudoyer, un auteur dramatique oublié ; La Harpe en était à ses tout premiers débuts, et Fréron déjà établi et en renom : « Fréron, nous dit l’amphitryon Dorât, y fut aimable et bonhomme ; son antagoniste, au contraire, y fut tranchant, disputeur, criard et ennuyeux…, un mauvais convive. […] Bien rarement il fait un feuilleton suivi, appliqué, consciencieux, à la manière de Sarcey : il échappe le plus qu’il peut, il fuit, il fait l’article à côté : mais ces articles à côté sont souvent de petites créations d’une extrême finesse : Lettre de Valérie à Mlle Bernardine , artiste dramatique, au théâtre des Célestins, à Lyon (voir l’Étendard du 17 septembre 1866) ; — un feuilleton sur Rossini (même journal, 2 décembre 1867) ; — sur Octave Feuillet, « le romancier des femmes » (même journal, 14 janvier 1867) ; — mais surtout sur George Sand et les Don Juan de village, une légère et adorable critique, du meilleur goût (13 août 1866).
Delavigne, de sa plus spirituelle et de sa plus correcte exécution : elle touche à des travers tout à fait présents, à des passions hier encore flagrantes, avec une indépendance d’honnête homme, avec un honorable sentiment du bien qui est, certes, aussi quelque chose, et qui passe ici de l’intention de l’auteur dans l’effet littéraire et dramatique de la pièce : on est ému de sa conviction, on sort pénétré de cette sincérité. […] L’auteur atteint souvent à une élévation morale qui rentre dans l’émotion dramatique.