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118. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Des lois tyranniques, des désirs grossiers, ou des principes corrompus, ont disposé du sort des femmes, soit dans les républiques anciennes, soit en Asie, soit en France. […] Nulle part on ne sent mieux le charme de cet amour protecteur, qui, dispensant l’être faible de veiller à sa propre destinée, concentre tous ses désirs dans l’estime et la tendresse de son défenseur. […] L’amitié exerce dans leur sein sa plus douce puissance, la parfaite estime animée par le désir, l’inexprimable sympathie des âmes, la pensée rencontrant la pensée, la volonté prévenant la volonté par une confiance sans bornes.

119. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Le premier consul, qui voulait gouverner en souverain et non en perturbateur de l’Europe, lui fit des ouvertures de paix ; il témoigna au cardinal Martiniani, évêque de Verceil, le désir d’entrer en négociation pour les affaires religieuses de France. […] « Ayant reçu les ordres du pontife, je fis convoquer, pour le jour suivant, la congrégation générale des cardinaux, dans les appartements de Sa Sainteté, et l’envoyé français fut averti qu’il pouvait aller voir le Pape, ainsi qu’il en avait témoigné le désir. […] Le comte répondit qu’il le priait de lui permettre de déclarer qu’il rencontrait non de l’obstination dans le ministre du Souverain-Pontife, mais bien un sincère désir d’arranger les choses et un extrême regret de cette rupture, mais que, pour arriver à une conciliation, c’était au premier consul seul d’en ouvrir la voie. […] En conséquence, pour ne pas paraître vis-à-vis de l’Empereur ou peu perspicace ou peu habile, il fallait une victime sur le compte de laquelle on pût rejeter l’inflexibilité du Pape à ses désirs. […] Il était donc permis d’espérer qu’après la satisfaction de mon renvoi obtenue, Napoléon se convaincrait de la réalité des obstacles s’opposant à ce que Pie VII adhérât à ses désirs, et que, dans ce cas, il se désisterait de ses prétentions.

120. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Il s’agissait d’une épidémie qui avait sévi cette année-là, et qui avait frappé particulièrement les gens de travail dans la campagne : Quoi qu’il en soi, écrit Léopold Robert, je crois que la classe la plus indigente ici n’est pas aussi à plaindre que dans le Nord, et ce qui paraît devoir en donner la certitude, c’est le peu de désir, je dirai presque l’absence de désir que ceux qui la composent ont pour en sortir. […] Marcotte, et l’assurant que son amitié et les tendres preuves continuelles qu’il en recevait étaient pour lui le plus puissant des motifs, il disait : Tous les avantages que les autres recherchent, je les comprends, mais ils ne sont pas capables d’agir sur moi, ils ne sont pas un stimulant assez fort ; il me faut une autre chose que vous avez trouvée : c’est votre affection, cette amitié qui m’émeut et qui me fera continuer ma carrière avec la même persévérance et le même désir. […] Ce n’est point sur sa fin et sur ce douloureux mystère de sa mort (insondable secret et qui nous échappe) que j’ai dessein aucunement de m’arrêter, c’est bien sur ses pensées et ses maximes de conduite et d’art, quand il était un artiste plein de courage, d’application, de mélancolie déjà et de souffrance sans doute, mais aussi de lutte et de résistance au mal, ayant de l’avenir et, en soi, un croissant désir du mieux, — avant le vertige et avant l’abîme.

121. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Jugeant à chaque instant les choses si désespérées, les sentant si intolérables, il est d’une impatience de les voir changer que rien n’égale, et présageant le lendemain selon son désir, il annonce sans cesse une révolution, un bouleversement imminent et universel, cataclysme social, schisme, hérésie en religion, excès du mal, d’où naîtra le remède. […] Le bien, le mal, ce que vous voulez faire, faites-le vite : quod facis, fac citius ; c’est son refrain de chaque jour, mais par une singulière inconséquence, il y a des moments où il juge très bien ceux qui sont trop empressés en sens contraire et qui espèrent que le monde ira aussi vite que leur désir : « Il y a dans les choses, remarque-t-il, une résistance qui n’est pas dans les idées, sans quoi le monde ne subsisterait pas six mois. » Prendre des notes comme je le fais dans la Correspondance de Lamennais, c’est littéralement prendre des notes au chevet d’un malade qui, dans les accès de redoublement d’une fièvre continue, a tantôt d’affreux cauchemars, tantôt, et plus rarement, des visions entrevues dans l’azur. […] Et quand, après cela, j’arrête mes regards sur cette immense Éternité, fixe, immobile, vaste comme mon cœur, inépuisable comme ses désirs, je voudrais, je voudrais m’élancer dans ses profondeurs. […] Tout à la fin de mars ou dans les premiers jours d’avril 1834, M. de Lamennais, avec qui j’étais lié alors (et avec lui on ne l’était pas à demi), m’écrivit un mot par lequel il m’exprimait le désir de me voir pour une affaire qui pressait.

122. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Au-dessous du génie, qui est le don unique de la nature, il est de nobles places encore, et Droz se plaît à les indiquer aux jeunes talents comme des degrés honorables dans lesquels ils peuvent se rendre utiles et mériter l’estime : « Et peut-être est-ce là le partage, ajoute-t-il, qu’il faut demander pour ceux dont on désire le bonheur ; avec plus de moyens on s’élève à bien des périls. » C’est ainsi que, dès les premiers pas, cette âme élevée et justement tempérée circonscrit elle-même la limite de son désir et marque d’avance son niveau. […] Ainsi, on le voit, dès le principe, dispose à embrasser avec une raisonnable égalité de talent une grande diversité d’études, toutes animées d’un même esprit, — le désir de contribuer au perfectionnement moral, au bonheur et à l’aisance du plus grand nombre possible de ses semblables. […] Pour régler ainsi ses désirs, il faut déjà les avoir très tempérés. […] Il en est un peu, je le crains, de cet art de diriger les révolutions en modérant les passions, comme de l’art d’être heureux en réglant ses désirs ; cela n’est facile et possible que quand les passions sont déjà amorties.

123. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

J’appelle un apologue du temps à mon aide pour expliquer leurs désirs. […] Les poètes et les romanciers, dans la première moitié du xviie  siècle, ont proclamé sur tous les tons qu’un honnête homme doit être toujours amoureux, qu’il est l’esclave né des dames ; qu’il doit accepter, le sourire aux lèvres et la soumission au cœur, leurs volontés, leurs ; désirs, leurs caprices. […] M. de Montausier, avant que la belle Julie d’Angennes daigne se rendre à ses désirs et l’accepter pour époux, doit faire quatorze ans bien comptés le siège de ce cœur récalcitrant : le siège de Troie avait duré quatre ans de moins. […] Il faudrait se demander si le désir de gagner une élite féminine très remuante n’a pas contribué à donner leur allure vive et cavalière aux Provinciales de Pascal, qui font pour la théologie ce que les. écrits de Descartes avaient fait pour la philosophie, je veux dire qui la sécularisent, la mettent à la portée des profanes, la font pénétrer dans les causeries et les discussions du monde. […] Je ne sais point si la ’tendresse maternelle a été plus vive de nos jours qu’autrefois ; je suis tenté de le croire, bien qu’elle ait été de tout temps passionnée  ; mais, à coup sûr, l’art d’être père et grand-père n’a jamais été poussé plus loin qu’aujourd’hui, si cet art consiste à satisfaire les désirs et les caprices de la gent enfantine ; et, comme il est aisé de le voir, cette exaltation d’un sentiment naturel a leu aussitôt son contrecoup dans les œuvres de nos écrivains.

124. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Aussitôt, et poussée par la fatalité qui la domine, Emma Bovary se conçoit différente de ce que la voici, elle imagine un nouveau personnage aux exigences duquel elle immolera le désir immédiat et instinctif qui menace de se réaliser. […] Impuissante désormais à se concevoir autre qu’elle n’est, impuissante à concevoir les choses et les êtres autres qu’ils ne sont et à les déformer selon le vœu de son désir, elle nie dans le suicide cette réalité indocile dont l’argile durcie ne se laisse plus pétrir et modeler. […] À son aurore il a réalisé son désir dans la croyance religieuse ; car il possédait alors le pouvoir d’objectiver sa foi, de créer la réalité de son désir avec la force même et l’intensité de son désir.

125. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il éprouve des regrets de sa piété perdue, des désirs de retour à la foi. […] « Je ne veux plus de désirs, dit-il ; ils ne me trompent point. […] Il n’enfante que des désirs mourants et des projets sans consistance. […] depuis dix mille ans l’infini me répond : Désir ! désir !

126. (1896) Les Jeunes, études et portraits

De là un désir de s’isoler. […] L’Université a réalisé son désir d’être « moderne ». […] Il est travaillé lui aussi du désir de faire fortune. […] Il avait bon désir d’être un penseur. […] Des désirs prennent forme.

127. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Ces passions ne doivent point être rangées dans la classe des ressources qu’on trouve en soi ; car rien n’est plus opposé aux plaisirs qui naissent de l’empire sur soi-même, que l’asservissement à ses désirs personnels. Dans cette situation, toutefois, si l’on dépend de la fortune, on n’attend rien de l’opinion, de la volonté, des sentiments des hommes ; et sous ce rapport, comme on a plus de liberté, on devrait obtenir plus de bonheur ; néanmoins ces penchants avilissants ne valent aucune véritable jouissance ; ils livrent à un instinct grossier, et cependant exposent aux mêmes chances que des désirs plus relevés.

128. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Les soirs d’été, les fleurs ont des langueurs de femmes, Les fleurs semblent trembler d’amour, comme des âmes ; Palpitantes aussi d’extase et de désir, Les fleurs ont des regards qui nous font souvenir De grands yeux féminins attendris par les larmes, Et les beaux yeux des fleurs ont d’aussi tendres charmes. […] De ton âme l’ennui mortel faisait sa proie, Etant le châtiment de l’incessant désir ; Du fier renoncement de ton âme à la joie Goûte la joie austère et le sombre plaisir… Je n’ai voulu que dégager, tant bien que mal, le fond et la substance même des vers de M. 

129. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le marquis s’éloigna et alla rêver dans une autre ville aux liens d’un amour exempt de désirs grossiers et au-dessus du danger de si tristes réalités. Ce fut cet amour idéal qu’il peignit dans L’Astrée, durant sa retraite, se rappelant la période de son amour où il était borné aux rêves de l’espérance et du désir.

130. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Le point de départ d’Aristote, c’est le désir de tourner Platon en ridicule. […] C’est le désir que le faible, quelque faible qu’il puisse être, se tire d’affaire, ne succombe pas ; c’est le désir que, la nation dût-elle s’en affaiblir, le faible se sauve. […] Le sourd désir de revanche agit, d’abord, dans les demi-ténèbres de l’inconscient. […] Tarde, le pouvoir est le représentant des croyances du peuple, beaucoup plus que des désirs du peuple, pour bien des raisons, dont la principale est que sur les désirs on se divise et que sur les croyances on se rapproche. […] Le désir est individuel, la croyance est commune et créatrice de communion et de communauté.

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