Il eut pour maîtres l’helléniste Lancelot, Nicole, Hamon, Antoine Le Maistre ; il leur dut cette connaissance solide et ce sentiment délicat de l’antiquité, surtout de l’hellénisme, qui firent de lui le grand et pur artiste que l’on sait. […] Une sensibilité infiniment délicate, un esprit mordant, un amour-propre ardent, beaucoup d’impétuosité à suivre le premier mouvement, peu de possession de soi jusqu’à ce que la religion l’eût réglé, voilà ce que la vie de Racine nous montre en lui : c’est une âme de poète, vibrante et passionnée. […] Racine a peint admirablement les âmes féminines, avec une finesse singulière, il en a marqué toutes les nuances les plus délicates, mais surtout la forme et le mouvement caractéristiques : le sentiment faisant office de raison, l’extrême violence sortant de l’extrême faiblesse.
Ce progrès n’est pas seulement extérieur, le langage ne pouvant se perfectionner sans que les idées soient plus claires, plus exactes et plus délicates. […] C’est la nature qui lui inspire un assez grand nombre de vers pleins de douceur, qui subsistent par la vérité des pensées et par la nouveauté d’un langage aimable et délicat. […] Admirable conseil, puisqu’il est vrai qu’on ne peut éviter les rimes faciles et rencontrer les difficiles qu’en pénétrant plus ayant dans le sujet, ni rimer richement et sévèrement que par le même travail qui fait trouver les pensées fortes ou délicates.
Au-dessous d’eux, les frères Pithou éclaircissaient les questions si délicates des rapports soit de la couronne avec le Saint-Siège, soit de l’Église gallicane avec l’Église romaine. […] Il a le sens de ces secrètes relations qui unissent l’homme au lieu qu’il habite, et tantôt il égaye sa piété par mille ressouvenirs de la vie des champs, des troupeaux, des abeilles, des vignes plantées parmi les oliviers, « des oiseaux qui nous provoquent aux louanges de Dieu », tantôt il la rend familière ou spirituelle, comme une conversation délicate entre mondains par des images tirées des travers ou des vices de la société. […] Ajoutez-y toutes les grâces d’un style approprié à la matière, abondant et coloré dans tout ce qu’il emprunte d’images à la nature extérieure délicat et exquis dans de chastes peintures des passions, insinuant et suave pour rendre la piété aimable, efficace parce qu’il est affectueux.
En Italie, où les circonstances le firent aller très jeune, il apprit que « pour écrire comme il faut il fallait se proposer de bons exemples, et que les bons exemples étaient renfermés dans un certain cercle d’années, hors duquel il n’y avait rien qui ne fût ou dans l’imperfection de ce qui commence ou dans la corruption de ce qui vieillit. » Il vit là de curieux exemples de superstition classique : un gentilhomme vénitien qui, à son jour de naissance, avait coutume de brûler un exemplaire de Martial en l’honneur de Catulle ; un autre délicat, qui faisait voir à son fils, dans les Métamorphoses d’Ovide, le commencement de la décadence latine. Cette sévérité, qu’il n’approuvait pas sans réserve, avait, dit-il, « subtilisé son goût de telle façon, et lui avait mis devant les yeux une telle idée de pureté, que les moindres souillures les offensaient, et qu’il ne trouvait pas supportable ce qu’il avait autrefois trouvé excellent. » Il dit ailleurs : « Je m’étais rendu si délicat en français et en latin, qu’il n’y avait rien de si aisé que de me faire rejeter un mauvais livre. » En français tout lui était suspect de gasconisme ; sur chaque mot d’un écrivain de province, il consultait l’oreille d’un habitant de Paris, et « peu s’en fallait, disait-il, que la Touraine, si proche de Paris, ne lui en parût aussi éloignée que le Rouergue. » On reconnaît à ce trait un disciple de Malherbe. […] Pour comble, Richelieu prenait ombrage de sa gloire, et de la même main qui en 1624 l’avait loué d’un style si délicat, lui écrivait en 1627, au plus fort de ses succès : « Je n’ai point celé à un de vos amis que je trouvais quelque chose à désirer en vos lettres, en ce que vous y mettez d’autrui ; craignant que la liberté de votre plume ne fit croire qu’il y en eût en leur humeur et en leurs mœurs, et ne portât ceux qui les connaîtraient plus de nom que de conversation à en faire un autre jugement que vous ne souhaiteriez vous-même11. » Est-ce à cause de cette indépendance d’esprit, ou de cet éclat qui le rendait si visible, que Balzac manqua l’évêché dont Richelieu l’avait quelque temps flatté ?
En même temps que sa jeune et mâle raison se déclarait pour cette cause républicaine, son esprit, ses goûts sympathisaient par mille côtés avec des opinions et des sentiments d’une autre origine, d’une nature ou plus frivole ou plus délicate, mais profondément distincte : c’est son honneur, et un peu son faible, d’avoir pu ainsi allier les contraires. […] Mme de Genlis, revenue de ses premiers torts et les voulant réparer, a essayé de peindre, dans une nouvelle intitulée Athénaîs ou le Château de Coppet en 180765, les habitudes et quelques complications délicates de cette vie que de loin nous nous figurons à travers un charme. […] Elle avait la voix forte, le visage un peu mâle, mais l’âme tendre et délicate… Elle écrivait alors son livre sur l’Allemagne et nous en lisait chaque jour une partie. […] » — Puis, comme le délicat scrupule du promeneur ne me répondait qu’à demi, je me gardai d’insister. […] Je m’étais attaché de bonne heure, dans George Sand, à distinguer le côté délicat, passionné, et à désirer le voir triompher de l’élément plus fougueux et déclamatoire.
L’épisode de la mère Inès et la peinture du couvent sont semés de traits discrets et justes, sur cet effet mystérieux des religieuses aux formes vagues se perdant dans les corridors, sur cette marche furtive de la jeune fille serrant le mur auquel, de temps en temps, elle s’appuie pour se rendre plus légère ; un art délicat a touché ces points.
Le peuple athénien n’avait point cette moralité délicate qui peut suppléer au tact le plus fin de l’esprit ; il se livrait aux superstitions religieuses : mais il n’avait point d’idées fixes sur la vertu, et ne reconnaissait aucun principe, aucune borne, aucune pudeur dans les objets de ses amusements.
Le sentiment du style est précisément le discernement délicat de l’élasticité des mots : il faut posséder, par un don naturel ou une patiente étude, le secret de cette sorte de manipulation chimique, qui, par la combinaison des mots, change la couleur, le parfum, le son, la nature même de chacun d’eux et peut obtenir un tout, homogène et simple en apparence, où les éléments associés n’ont souvent gardé aucune de leurs propriétés individuelles.
Teodor de Wyzewa J’eusse désiré seulement qu’il put — avant cette imbécile fuite, Dieu sait où — voir publiées en volume ses Moralités légendaires, délicates merveilles de grâce, de tendresse, d’ironie, et qu’il avait composées naguère si joyeusement, avec la certitude d’années enfin charitables.
Il lui suffit du bavardage d’un doux idiot et d’une heure de chapelle pour devenir une femme du cœur le plus tendre et le plus délicat. — Richard Fénigan a seize ans et habite la campagne avec sa mère.
Le Misanthrope, les Femmes savantes, &c. étoient des sujets trop fins & trop délicats pour le commun des Spectateurs.
Son pinceau, tantôt noble, tantôt délicat, tantôt vigoureux, & toujours facile, sait retracer à propos le beau désordre de Pindare, les graces d'Anacréon, la saine raison d'Horace, & la pompe majestueuse de Malherbe.
Elles lui ressembloient par la beauté du génie, par leur talent de faire des vers enjoués, délicats & faciles, & par le dérèglement de leur conduite.