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1039. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Aristote et Pline ont cru aux monstres. […] Buffon croit que des sens plus exercés ajouteraient à nos facultés morales. […] Ce défaut, qui le croirait ? […] C’est pour eux que le cygne s’étale comme s’il se croyait regardé, et que le paon fait la roue. […] On ne croyait pas en Dieu, et on s’arrogeait sa prescience.

1040. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

J’admets très bien la limite établie entre la lecture et la leçon ; je crois pourtant qu’on peut aller assez loin en explications, en commentaires, sans que la lecture cesse d’en être une. […] C’est ainsi qu’il vous suivra avec une honnête liberté, et qu’il tirera la conclusion en même temps que vous, sans croire accepter l’autorité d’un maître, sans l’accepter en effet, et en se faisant par lui-même une idée distincte de l’auteur en question. […] Béranger. — Quelques chansons (Escousse et Lebras, Les Souvenirs du peuple, Le Juif errant, etc.) ; de l’effet, mais moins que je ne l’aurais cru : le refrain, heureux quand on chante, gêne quand on lit. […] Si tel était le projet en effet, je crois que ce serait une faute. […] N’imitons pas les gouvernements qui ont précédé et qui trop souvent, ayant bâti une façade spécieuse, s’en tenaient là, la montraient aux Chambres et croyaient avoir tout fait.

1041. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Chaulieu crut y voir jour à une carrière, moyennant l’amitié que lui portait le marquis de Béthune. […] Je vois bien que je n’avais vécu jusque-là que dans l’état d’innocence, et j’avais cru à tout le monde le cœur fait comme moi ; je me suis bien trompé, mais je ne saurais me repentir de l’avoir été pour n’avoir jugé de l’âme des hommes que par ce que je sentais. […] Ceux qui, à en juger par une lecture légère, croiraient Chaulieu un petit poète abbé, musqué et mythologique, se tromperaient fort : c’était une nature brillante et riche, un génie aisé et négligé, tel que Voltaire nous l’a si bien montré dans Le Temple du goût. […] On crut donc que la fête pourrait avoir lieu sans trop lui déplaire, et, en même temps, l’intérêt était de plaire déjà à l’héritier présomptif et peut-être très prochain du trône. […] Entre vous et moi, je le crois totalement perdu. » En maint endroit de ses Mémoires, La Fare déplore la perte de la galanterie et l’invasion des mauvaises mœurs, comme on le ferait de nos jours.

1042. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Après les journées des 2 et 3 septembre, un de ses compatriotes, sauvé du massacre de l’Abbaye par un des massacreurs, crut devoir inviter à dîner ce sauveur tout étonné de l’être ; et Droz, que son ami avait appelé à son aide pour faire les honneurs du repas, dîna entre deux septembriseurs, dont l’un n’avait pas encore quitté son sabre. […] L’auteur reconnaît très bien qu’on ne saurait réduire en art les moyens de former les grands hommes ; mais il croit qu’on pourrait porter très loin l’art de rendre les hommes bons. […] Mirabeau se plaisait à lutter dans la tempête ; et le noble Vauvenargues, lui-même, n’a-t-il pas dit : Un tour d’imagination un peu hardi nous ouvre souvent des chemins pleins de lumière… Laissez croire à ceux qui le veulent croire, que l’on est misérable dans les embarras des grands desseins. […] Droz lui répond : « Il n’y a pas de parfait misanthrope ; vous croyez l’être, et votre vivacité même vous dément. » Mais surtout des hommes tels que Droz, de tels êtres de mansuétude répondent à Chamfort et aux irrités par leur présence et leur longanimité même. […] Droz s’accuse plus fermement ici qu’elle n’avait accoutumé de faire jusqu’alors ; elle atteint parfois à l’énergie : « On croyait, dit-il de Mme de Pompadour, que cette femme, en perdant ses charmes, perdrait aussi la puissance ; mais Mme de Pompadour vieillie était encore nécessaire à Louis XV : elle le dispensait de régner. » Le chancelier Maupeou est peint dans un portrait vigoureux et spirituel.

1043. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Je n’ai point émigré et je n’ai jamais approuvé l’émigration, parce que j’ai toujours cru qu’il était absurde de quitter la France dans l’espoir de la sauver, et de se mettre dans la servitude des étrangers pour prévenir ou pour terminer une querelle nationale. […] Il sort bientôt du cercle étroit que lui prescrit le dogme, pour entrer dans les régions immenses que lui ouvre l’opinion. » Le jeune homme, nourri dans la tradition et dans la pratique religieuse, paraît préoccupé des querelles et des dissensions théologiques qui agitaient encore à ce moment plusieurs classes de la société : « Un enthousiaste, dit-il spirituellement, ne cherche point dans les ouvrages divins ce qu’il faut croire, mais ce qu’il croit ; il n’y démêle point ce qui s’y trouve, mais ce qu’il y cherche… Les livres sacrés sont comme un pays où les hommes de tous les partis vont comme au pillage, où ils s’attaquent souvent avec les mêmes armes et livrent bien des combats d’où tous croient sortir également victorieux69. » On devine, à la manière dont il parle du « judicieux abbé Fleury », qu’il n’est disposé à donner dans aucun extrême en fait de doctrine ecclésiastique, de même qu’on le trouve très en garde contre les écrits de Rousseau. […] Portalis était de ces esprits sages, amis d’une tradition progressive et d’une innovation légitime, qui croient qu’on peut étendre, sans la briser, la chaîne du passé, et qui ne résistent que là où ils voient qu’elle ne s’y prête plus. […] Il ne croit pas que cette promptitude soit de nécessité et de convenance dans une monarchie tempérée, où les impôts doivent toujours être, sous une forme ou sous une autre, consentis par les sujets, et où le zèle du citoyen contribuable est comme la récompense du prince qui sait respecter les lois. […] Portalis faisait de cette affreuse époque de la veille un tableau vrai, avec des traits tirés de Tacite ; il ajoutait avec une observation fine qui n’était qu’à lui : On poursuivait les talents, on redoutait la science, on bannissait les arts ; la fortune, l’éducation, les qualités aimables, les manières douces, un tour heureux de physionomie, les grâces du corps, la culture de l’esprit, tous les dons de la nature, étaient autant de causes infaillibles de proscription… Par un genre d’hypocrisie inconnu jusqu’à nos jours, des hommes qui n’étaient pas vicieux se croyaient obligés de le paraître… On craignait même d’être soi ; on changeait de nom ; on se déguisait sous des costumes grossiers et dégoûtants ; chacun redoutait de se ressembler à lui-même.

1044. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Ce système de M. de Lamennais, mais qui est surtout attrayant quand il se développe historiquement sous la plume de l’abbé Gerbet, n’a pas été reconnu depuis par l’Église : il a paru sinon faux, du moins trompeur, et il n’y a à lui reprocher peut-être, du point de vue même de l’orthodoxie, que d’avoir voulu s’établir à titre de méthode unique, à l’exclusion de toutes les autres : combiné avec les autres preuves et présenté simplement comme une puissante considération accessoire, il n’a jamais, je crois, été rejeté. […] L’auteur a pour but de démontrer qu’au point de vue chrétien et catholique, la communion crue et acceptée dans sa plénitude, la communion fréquente et bien faite (quand on a le bonheur d’y croire), est la plus sûre, la plus efficace et la plus vive méthode de charité. […] C’est là qu’à chaque pas on croit voir apparaître                    Un trône d’or, Et qu’en foulant du pied des tombeaux, je crus être                    Sur le Thabor ! […] Longtemps il crut avoir trouvé cet ami plus ferme de volonté et de dessein dans la personne de M. de Lamennais ; mais ces volontés plus fortes finissent souvent, sans y songer, par nous prendre comme leur proie et par nous jeter ensuite comme une dépouille. […] On y joue à quelques jeux : on y tire quelque loterie, et, pour qu’il soit dit que personne ne perdra, il est convenu que l’abbé Gerbet fera des vers pour le perdant, pour celui qui s’appelle, je crois, le nigaud.

1045. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Beffara croit avoir prouvé que les parents de Molière demeuraient rue Saint-Honoré, et non sous les piliers des Halles, comme on le disait communément. […] Il la quitte, et au moment où il se croit pour longtemps séparé d’elle, il la retrouve encore, par le plus heureux hasard, sur le vaisseau qui le porte de Gênes à Marseille. Ici, à moins d’être averti qu’il s’agit d’une histoire vraie, on croirait être en pure fiction, comme du temps de Théagène et Chariclée ; c’est la vie qui imite le roman à s’y méprendre. […] Bref, sans entrer dans les détails du récit qui, d’ailleurs, ne manque pas de grâce et de délicatesse, Regnard et la belle Elvire sont délivrés ; le mari qu’on croit mort est plus qu’oublié. […] Il feignait que Boileau moribond avait exhalé son chagrin en ces mots : Moi qui me crus jadis à Régnier préféré, Que diront nos neveux ?

1046. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Mais il croit, contrairement à des collègues distingués (tels que M.  […] Chacun des deux alliés crut qu’il était mieux de chercher à faire son traité de paix séparément, en se promettant toutefois de s’avertir avant la conclusion. […] Franklin, plus Français d’esprit et d’inclination que ses collègues, et qui était suspect de l’être, ne crut pas devoir se séparer d’eux en cette occasion, et il fut chargé de réparer le mauvais effet de cette irrégularité auprès de M. de Vergennes et de Louis XVI. […] Un jour, un auteur dont le nom n’est pas indiqué, et que l’on croit être Thomas Payne, lui envoya le manuscrit d’un ouvrage irréligieux : supposez, si vous l’aimez mieux, que cet auteur sur lequel on est incertain soit un Français, un philosophe, un élève du monde de d’Holbach ou même de celui d’Auteuil, Volney par exemple, soumettant d’avance à Franklin le manuscrit des Ruines. […] Son père m’ayant prié de lui donner les avis que je croirais pouvoir lui être utiles, j’ai pris occasion de lui citer la vieille histoire de Démosthène, répondant à celui qui lui demandait quel est le premier point de l’art oratoire : L’action. — Et le second ?

1047. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Quelques livres de piété que lui prêta un chanoine de Soissons lui firent croire d’abord qu’il avait du goût pour l’état ecclésiastique et pour la retraite : il fut reçu à l’institution de l’Oratoire le 27 avril 1641 et envoyé à Paris au séminaire de Saint-Magloire. […] ……………………………………………         Jusque-là qu’en votre entretien La bagatelle a part : le monde n’en croit rien. […] L’ignorant le croit plat ; j’épaissis sa rondeur, Je le rends immobile, et la terre chemine. […] — Ce passage était de son invention, car il n’est point dans l’Écriture ; mais il le fit pour se moquer de La Fontaine, qui le crut bonnement65. […] Mais je ferai remarquer que Bernardin de Saint-Pierre, en adoptant ainsi la morale du fabuliste, n’est point, autant qu’on pourrait croire, en contradiction avec lui-même ; car, si Bernardin est optimiste, c’est pour les hommes tels qu’il les rêve, et nullement pour ceux qu’il a rencontrés et connus ; il juge ces derniers avec sévérité bien plus qu’avec indulgence.

1048. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Ne me croyez pas prude. […] « Mille remerciements quand même, et croyez-moi votre dévouée camarade. […] Et quand nous entrions, nous avions l’air de si mauvaise humeur que, se méprenant sur notre démarche, il croyait que nous venions le provoquer en duel. Alors c’était une défense maladroite de Rachel « qui ne se serait pas plainte », ce qui était inutile à dire si cela était vrai, ainsi que je le crois. […] Armand Lefebvre : « Je dois vous dire que je suis désolé de la poursuite de ces messieurs… vous savez, les magistrats, c’est si vétilleux, ces gens-là… Au reste, je les crois dans une mauvaise voie littéraire et je crois leur rendre service par cette poursuite. » — La Lorette paraît.

1049. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Je crois que la perte est nulle, si tant est même qu’il n’y ait pas gain. […] Quand on peint son héros, on peint son idéal, et l’idéal que l’on a, on se croit toujours un peu, on se croit du moins par moment, de force à le réaliser. […] Il paraît croire que l’artiste ne doit pas du tout être critique de lui-même. «… c’est ce qui distingue l’artiste du profane qui est réceptif. […] Cependant il avait tort de croire absolument qu’il n’y a pas de plaisir à n’avoir pas de plaisir. […] » Or croyez-vous que cet homme ne jouissait pas ?

1050. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Quand je parle de révolutions pour obtenir la liberté, je me place en quelque sorte dans une hypothèse spéculative ; je ne crois pas que les véritables gouvernements puissent être gratuitement oppresseurs, car ils ne peuvent vouloir que le bien de tous. […] On est descendu trop bas ; les factieux ont cru qu’ils devaient faire comme l’Antée de la fable, s’approcher continuellement de la terre pour y puiser de nouvelles forces ; mais enfin il faut que l’Hercule de la civilisation finisse par triompher. […] On peut s’égarer, il me semble, sur ce qu’est réellement l’opinion ; mais il est impossible, je le crois, de s’égarer sur l’appréciation des mœurs : or c’est encore par les mœurs qu’il faut juger une nation. […] Autant que, je puis le croire, du temps de Henri IV les peuples se laissaient encore guider par les affections. […] Mais, je ne puis m’abstenir de l’avouer, ma confiance dans une telle hypothèse vient surtout de ce qu’il faut qu’elle soit vraie pour que la société puisse continuer de subsister : or il m’est impossible de ne pas croire, avant tout, que la société ne peut périr.

1051. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

La liberté de sa pensée, son noble et loyal caractère me faisaient croire, pendant que je m’entretenais avec lui, que j’avais devant moi, à l’état de ressuscité, quelqu’une de mes anciennes connaissances, Avicenne, Averroès, ou tel autre de ces grands infidèles qui ont représenté pendant cinq siècles la tradition de l’esprit humain. […] Je crois, en effets que la régénération des pays musulmans ne se fera pas par l’islam : elle se fera par l’affaiblissement de l’islam, comme du reste le grand élan des pays dits chrétiens a commencé par la destruction de l’Église tyrannique du moyen âge. […] En souhaitant à ces populations, chez lesquelles il y a tant de bons éléments, la délivrance du joug qui pèse sur elles, je ne crois pas leur faire un mauvais souhait. Et, puisque le cheik Gemmal-Eddin veut que je tienne la balance égale entre les cultes divers, je ne croirais pas non plus faire un mauvais souhait à certains pays européens en désirant que le christianisme ait chez eux un caractère moins dominateur.

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