Elles rappellent surtout le coloriste helvétien, né dans les montagnes, important dans la littérature artificielle de Paris les images, les harmonies, les couleurs de ces solitudes ; un ranz des vaches sublime, chanté pendant trente ans à la France et à l’Europe par le fils de l’horloger des Alpes. […] Buffon y ajoutait le coloris qui vient de l’imagination et qui sert à peindre ce que le naturaliste sans couleur se borne à décrire. […] Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine, Les vierges aux belles couleurs Qui le baisaient en foule, et sur sa blanche laine Entrelaçaient rubans et fleurs, Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre.
de quelle couleur les acteurs ont peint l’enthousiasme de votre brillant entourage4. […] Vous vous imaginez à tort que la trivialité est le naturel, et que de vieux mots, qui ne sont plus dans la langue, ajoutent beaucoup à la couleur du style. […] Si les jeunes pages et les officiers de la maison du roi avaient pris, dans l’habitude de fréquenter le théâtre, des formes aimables et un genre d’esprit qui avait la couleur de la littérature de ce temps, nos jeunes gens, déjà éclairés sur leurs droits par une première éducation, achèveraient, par des représentations de pièces fortes, morales et constitutionnelles, d’acquérir les nobles qualités qui font l’honnête homme, et le grand citoyen.
Il a de l’humeur contre les traductions, naïvement calomniatrices, de Pindare au xviie siècle, et il a raison d’en avoir, car elles manquent de la couleur grecque, de l’accent indigène, qui sont tout Pindare. […] c’est précisément à Bossuet, au biblique et à l’homérique Bossuet, c’est-à-dire à un grand écrivain de nature humaine, qu’il ose comparer ce Pindare qui, hors de son rythme et de son haillon de couleur locale, disparaît et n’existe plus. […] Ces traductions choisies, mais qui sont faites avec la fidélité de l’expression, le respect du tour, la conservation pieuse de la couleur, auraient dû dégriser à ce qu’il semble Villemain de cette admiration démesurée pour Pindare, étonnante chez lui comme une ivresse si elle ne s’expliquait par quelque chose qui explique tout, — l’analogie de nature entre le critique et le poète, proportion gardée entre la force de l’un et de l’autre.
Va pour le son et pour la couleur ! […] Descriptions, tableaux, scènes, dialogues, traits de couleur et de verve, fusées et expressions d’éloquence, voilà ce qui les avait ravis. […] Les œuvres de Moussorgsky, familières chez nous à la plupart des amateurs de musique, sont des tableaux de genre, d’une prodigieuse vérité de trait et de couleur, et qui ont véritablement reculé les bornes de la puissance de peindre propre à la musique. […] Noire imagination qui n’est pas sans harmonie avec les couleurs d’incendie sombrement fastueuses de l’œuvre conclusive du maître : ce Crépuscule des Dieux, qu’il n’aurait, au cas où seraient fondés ces tragiques pressentiments d’histoire, que trop véridiquement nommé. […] Il m’est apparu comme un de ces tableaux dont la couleur a un peu passé, nous entre moins dans les yeux, mais où les formes, le modelé, la composition, l’expression ont pris par là même un plus sûr, un plus fin relief et où, d’un fond de pensée mieux dévoilé, se dégagent de plus délicates harmonies.
S’il dessine un paysage, c’est d’un trait mince et qui dégage un caractère moral dont les couleurs et les lignes sont le transparent symbole. […] Le peintre des fêtes du luxe parisien, J. de Nittis, a fait papilloter sur cette toile les couleurs des vestes des jockeys. […] N’est-elle pas devenue, avec Théophile Gautier, capable de rivaliser la couleur de la peinture et la plasticité de la sculpture ? […] Ce sont des horizons, des couleurs, des visions que celui-ci collectionne. […] Malgré vos grands yeux de sphinx, vous avez vu le monde à travers une couleur d’or.
Ce chant, chargé de parfums, riche de couleurs, nous l’avons entendu monter au ciel de la poésie, y déployer les ailes de son inspiration et y épandre ses sonorités. […] Les siècles se confondaient en une amusante cohue de couleurs et d’oripeaux, qui était le « Tout-Paris » mondain, artistique et littéraire d’alors que M. […] Ce qui l’intéresse, c’est moins le jeu des lignes et des plans que telle particularité de la lumière ou de la couleur. […] Son vers concentre avec une précise concision l’émotion d’un sentiment ou la couleur d’une image. […] Vous trouverez là des fuchsias aux délicates pendeloques, des marguerites aux collerettes dentelées, des dahlias, des œillets dinde, des soucis aux vives couleurs, toutes les bonnes et douces fleurs du jardin français, qui sentent bon et ne font pas d’embarras.
Le critique pose la plume, quand on lui jette à la tête des noms de partis, et qu’on décline son autorité, sous prétexte qu’il a pris couleur. […] C’est un cadre qui ne veut être rempli que de pensées d’élite, de couleurs exquises, d’harmonies de toute sorte. […] Hugo me paraît avoir laissé un peu fléchir la sévérité de ses principes sur le mot propre et la couleur locale. […] Sphère aux mille couleurs, d’une goutte d’eau faite ! […] En voilà assez pour le faire veiller toute la nuit, et pour éveiller toutes ses facultés poétiques ; car il n’y a pas de petit sujet qui ne s’agrandisse sous son inspiration, ni de lambeau qui ne soit trempé de ses couleurs.
Les uns avaient ramassé les légendes gigantesques, accumulé les rêves, fouillé l’Orient, la Grèce, l’Arabie, le moyen âge, et surchargé l’imagination humaine des couleurs et des fantaisies de tous les climats. […] Déjà çà et là, dans ses peintures de la campagne et de l’amour, un vers éclatant traversait de sa couleur ardente le dessin correct et calme. […] Tout le courant de mon être va vers toi. » Sur sa joue et sur son front pâles vint une couleur avec une lumière, — comme j’ai vu jaillir soudain une rougeur rose dans la nuit du nord. […] Sa poésie ressemble à quelqu’une de ces jardinières dorées et peintes où les fleurs nationales et les plantes exotiques emmêlent dans une harmonie savante leurs torsades et leurs chevelures, leurs grappes et leurs calices, leurs parfums et leurs couleurs.
Ce culte poétique pour la beauté ne souillait pas plus la femme vertueuse qui en était l’objet, qu’un chevalier ne souillait sa dame en en portant les couleurs et en lui consacrant ses exploits. […] « Non, s’écrie le poète dans son sonnet troisième ; non, jamais le soleil se levant du sein des plus sombres nuages qui obscurcissent le ciel ; jamais l’arc-en-ciel, après la pluie, n’éclatèrent de couleurs plus variées dans l’éther ébloui que ce doux visage, auquel aucune chose mortelle ne peut s’égaler : tout me parut sombre après cette apparition de lumière. […] « Je commence à vieillir, disait-il au cardinal Étienne Colonna, son patron et son ami ; tout change avec le temps ; mes cheveux mêmes changent de couleur, ils m’avertissent que je dois changer moi-même de vie et de pensées ; l’amour ne sied plus à mes années, ou je dois le refouler dans mon cœur. » Il se prépara à partir pour Parme et pour Rome. […] « Elle était assise, dit-il, au milieu des dames, comme une belle rose dans un jardin entourée de fleurs plus petites et moins éclatantes qu’elle : rien de plus modeste que sa contenance ; elle avait quitté toutes ses parures, ses perles, ses guirlandes, les couleurs gaies de ses vêtements ; bien qu’elle ne fût pas triste, je ne reconnus pas son enjouement habituel ; elle était sérieuse et semblait rêver ; je ne l’entendis pas chanter, ni même causer avec ce charme qui enlevait les cœurs ; elle avait l’air d’une personne qui redoute un malheur qu’on ne discerne pas encore.
« Et le vannier, qu’on appelait maître Ambroise, continuait de discourir avec son enfant ; et le soleil, qui sombrait derrière les collines, teignait des plus belles couleurs les légères nuées ; et les laboureurs, assis sur leurs bœufs accouplés par le joug et tenant leurs aiguillons la pointe en l’air, revenaient lentement pour souper ; et la nuit sombrissait là-bas sur les marécages. […] Pourtant les mille cavales sauvages qu’il possède sont peintes par le poète avec des couleurs de Salvator Rosa. […] Nul homme ne veut descendre, et tout homme veut monter : c’est la nature ; les institutions n’y font rien ; l’Américain, qui ne reconnaît pas la noblesse du sang, adore la vile noblesse de l’or et s’insurge contre l’égalité de la couleur ; sa philosophie ne s’étend pas du blanc au noir. […] Pourquoi chez nous (et je comprends dans ce mot nous les plus grands poètes métaphysiques français, anglais ou allemands du siècle, Byron, Goethe, Klopstock, Schiller, et leurs émules), pourquoi, dans les œuvres de ces grands écrivains consommés, la sève est-elle moins limpide, le style moins naïf, les images moins primitives, les couleurs moins printanières, les clartés moins sereines, les impressions enfin qu’on reçoit à la lecture de leurs œuvres méditées moins inattendues, moins fraîches, moins originales, moins personnelles, que les impressions qui jaillissent des pages incultes de ces poètes des veillées de la Provence ?
Il écrivit des ballades allemandes très romantiques, mais qui, à nous, nous paraissent trop féeriques ou trop puériles ; puis des études remarquables sur la botanique, puis des Essais sur les couleurs où il crut détrôner Newton, puis le roman de Wilhelm Meister, espèce de rêve d’un Juif errant de l’humanité, plein d’intentions souvent inintelligibles, et parsemé de réalités délicieuses telles que l’épisode de Mignon ; puis un roman apocalyptique des Affinités électives, énigme dont le mot n’est pas encore trouvé. […] Mais aujourd’hui, déjà depuis bien des années cette voix est muette, et le bonheur dont je jouissais dans ce contact avec sa personne est bien loin derrière moi ; aussi je ne pouvais trouver l’ardeur nécessaire que dans les heures où il m’était donné de rentrer en moi-même, assez profondément pour pénétrer dans ces asiles de l’âme que rien ne trouble ; là je pouvais revoir le passé avec ses fraîches couleurs ; il se redressait devant moi, et je voyais de grandes pensées, des fragments de cette grande âme apparaître à mes regards, comme apparaîtraient des sommets lointains, mais éclairés par la lumière du jour céleste, aussi éclatante que la lumière du soleil. […] Madame de Goethe prit aussitôt à son chapeau un ruban de couleur et l’attacha à la cafetière. […] La température de cette pièce ranimait par sa très grande fraîcheur, un tapis couvrait le sol ; la couleur rouge du canapé et des chaises donnait de la gaieté à l’ameublement ; sur un côté était un piano, et aux murs étaient suspendus des dessins et des tableaux de genres divers et de différentes grandeurs.
Le tableau est étroit, la peinture est sobre de couleurs, et l’impression est éternelle. […] Aristote ou saint Thomas d’Aquin n’auraient pas plus rigoureusement défini ou distingué en prose ; et cependant quelle poésie ajoutent la concision, la saillie, la couleur, la vibration, la vie, à cette métaphysique ! […] La sainteté de l’âme béatifiée, le ressentiment amoureux de la femme, la honte silencieuse de l’amant infidèle, la foi du chrétien repentant, la joie du poète qui retrouve sa jeunesse, son innocence et sa vertu dans la première créature qu’il a aimée, y sont fondus dans une telle harmonie de couleurs, de sentiments, de remords, de joie, de larmes, d’adoration, qu’ils rendent à la fois le drame aussi divin qu’humain dans l’âme des deux amants sur les confins des deux mondes. […] Le style, en effet, n’a été, ni avant, ni après, ni dans les vers, ni dans la prose, élevé par personne à une plus forte saillie sculpturale, à une plus éclatante couleur pittoresque, à une plus énergique concision lapidaire que dans les chants du Dante.
— et ils passent devant tout ce frémissement de vie sans rien voir que les débris du passé, que le clinquant d’une fausse couleur locale, la survivance de ce qui n’est plus, le déchet de l’archéologie et de l’histoire. […] Flaubert avait vu pourpre lorsqu’il conçut Salammbô : sur toute son épopée africaine, il y aura comme un reflet d’étoffes éclatantes et précieuses… Puis le poète demandera sans doute à son œuvre de flatter son imagination amoureuse des lignes et des couleurs, de lui chanter les mélodies intérieures qui accompagnent en son âme les plaintes ou les émois du sentiment, de fournir une matière docile à ses aptitudes d’ordonnateur et d’architecte verbal, de vibrer à l’unisson de sa sensibilité, de contenter ses enthousiasmes et jusqu’à ses manies, de soulager même sa mémoire, éprise des choses antiques… Quoi encore ? […] Et suggérant de mystérieuses analogies, mille détails inaperçus d’abord se répondent et se font écho à travers la masse de l’action, de la même façon que les couleurs se rappellent dans le tableau d’un peintre. […] Tout le ciel a la belle couleur d’ambre des raisins d’automne.