/ 2293
30. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LII » pp. 203-205

Au reste le talent qui s’est déployé dans cette discussion et qui continue de s’y déployer est grand, et le discours de M. […] M. de Montalembert continue par ses excès oratoires de compromettre une cause qui avait été habilement et vertement reprise en main par le comte Arthur Beugnot dans un discours plein de talent et tout politique.

31. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Millet Francisque » p. 168

S’ils continuent de barbouiller de la toile, (comme la plupart de nos littérateurs continuent de barbouiller du papier) sous peine de mourir de faim, je leur pardonne aujourd’hui cette manie comme je la leur pardonnais par le passé ; car enfin il faut encore mieux faire de sots tableaux et de sots livres que de mourir ; mais je ne le pardonnerai pas à leurs parens, à leurs maîtres, que n’en fesaient-ils autre chose ?

32. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Aujourd’hui la question a fait un pas ; on en sait trop long sur elle ; sa réputation reste quelque peu endommagée, difficilement réparable, et ce qu’on peut en dire de mieux, c’est qu’elle continue de flotter un peu indécise entre les noms d’Héloïse et de Ninon. […] On n’en peut lire quelques pages sans être vivement frappé, ce me semble, de la fermeté, de la netteté, de la maturité précoce et continue de cette jeune langue du xvie  siècle dans la prose, et de l’antériorité de formation de celle-ci sur les vers. […] Et si elle ne leur est du tout telle qu’elles la pourraient désirer, par honnête soin la se procurent ; et l’ayant moyennement agréable, sans plus grande curiosité, seulement avec vertueuse industrie la continuent, selon la mode de chacune nation, contrée et coutume. […] Il est vrai que quelques beaux vers, même peu nombreux, vivent plus longtemps et volent plus loin que des pages continues de bonne prose. […] aurait-elle continué de gémir et de crier tous ses sanglots comme une Valmore ?

33. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

On n’a donc pas démontré qu’il était déraisonnable d’appeler droites les côtés des triangles non-euclidiens ; on a démontré seulement que cela serait déraisonnable si on continuait d’appeler mouvements sans déformation les mouvements euclidiens ; mais on aurait montré tout aussi bien qu’il serait déraisonnable d’appeler droites les côtés des triangles euclidiens si l’on appelait mouvements sans déformation les mouvements non-euclidiens. […] Le monde, après cette dilatation, continuerait son train sans que rien vienne nous avertir d’un événement aussi considérable. […] Je suppose qu’à chaque point de l’un corresponde un point de l’autre et un seul, et inversement ; et de plus que les coordonnées d’un point soient des fonctions continues, d’ailleurs tout à fait quelconques, des coordonnées du point correspondant. […] C’est bien la même idée ; pour diviser l’espace, il faut des coupures que l’on appelle surfaces ; pour diviser les surfaces il faut des coupures que l’on appelle lignes ; pour diviser les lignes, il faut des coupures que l’on appelle points ; on ne peut aller plus loin et le point ne peut être divisé, le point n’est pas un continu ; alors les lignes, qu’on peut diviser par des coupures qui ne sont pas des continus, seront des continus à une dimension ; les surfaces que l’on peut diviser par des coupures continues à une dimension, seront des continus à deux dimensions, enfin l’espace que l’on peut diviser par des coupures continues à deux dimensions sera un continu à trois dimensions. […] L’ensemble de ces sensations formera une sorte de coupure que j’appellerai C, et il est clair que cette coupure suffit pour diviser l’ensemble des sensations rouges possibles, et que si je prends deux sensations rouges affectant deux points situés de part et d’autre de la ligne, je ne pourrai passer de l’une de ces sensations à l’autre d’une manière continue sans passer à un certain moment par une sensation appartenant à la coupure.

34. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

… Claude se méfie bien encore un peu, étant psychologue de son état ; mais il continue à se demander : « Qui sait ?  […] —    Je n’ai pas encore pu y goûter, continue-t-elle. […] L’auteur nous confie que, dans son enfance, il aimait déjà toutes les femmes, comme il a continué de faire au grand séminaire de Montpellier, Donc, le jeune Ferdinand a treize ans ; il apprend le latin chez son oncle l’abbé Fulcran, curé de Lignières-sur-Graveson ; celle qu’il aime, c’est Mlle Méniquette, une jolie personne de vingt ans, mi-paysanne et mi-bourgeoise, fille de M. 

35. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Pourquoi faut-il que la loi, si bien engagée au point de départ et à son premier pas, n’ait point continué de marcher dans cette voie largement ouverte ? […] Je vous remercie, monsieur de Maupas, je vais tâcher de continuer. […] Je continue. […] (Le bruit incessant des conversations continue à rendre très-difficile, même pour les membres placés au pied de la tribune, l’audition des paroles de l’orateur.) […] J’invite au silence… (Le bruit continue.

36. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

— Même après notre correction, si la canne est demi-plongée dans l’eau, nous continuons à la voir courbée. […] Quand la cloche tinte, elle met en mouvement les sonneries, et, le tintement achevé, les sonneries continuent, s’affaiblissent, s’effacent, mais sont capables de se renforcer et de reprendre toute leur énergie primitive, lorsqu’une circonstance favorable permet au son persistant d’une ou deux sonnettes de faire vibrer toutes les autres à l’unisson. — D’ordinaire, la cloche est mise en branle par le cordon. Mais parfois, quand le cordon a cessé de tirer, elle continue à tinter. […] On a beau savoir la cause physiologique de son erreur, appuyer son raisonnement sur le témoignage des personnes environnantes, vérifier au moyen de ses autres sens que le fantôme n’est qu’un fantôme, on continue à le voir. […] L’halluciné, même raisonnable, continue à voir ses fantômes comme extérieurs : en effet, les centres sensitifs fonctionnent exactement chez lui comme s’il y avait devant ses yeux des personnages réels.

37. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

C’était sûrement un hôtel unique dans Paris que celui de Mlle Céleste, une espèce d’annexe du séminaire, où la règle du séminaire se continuait presque. […] La poule à qui l’on a arraché le cerveau continue néanmoins, sous l’action de certains excitants, à se gratter le nez. […] Quelque temps, je continuai de les voir, surtout M.  […] Quand je me laisse aller à de périlleux abandons, où ma conscience littéraire hésite et où ma main tremble, des milliers me demandent de continuer. […] Consciencieux comme je le suis, je voulus être en règle avec moi-même et je continuai de vivre dans Paris ainsi que j’avais fait au séminaire.

38. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Point de mouvement reçu par un nerf centripète qui ne soit réfléchi sur un nerf centrifuge, où il se continue sans jamais pouvoir se perdre ; de même, point de sensation reçue qui ne se réfléchisse en un effort quelconque pour écarter ou pour maintenir l’objet, selon qu’il est pénible ou agréable. […] Par exemple, tant qu’un objet nous fait jouir, agit sur nous, la sensation subsiste avec une vivacité continue ; à chaque moment, l’image du plaisir déjà éprouvé et le plaisir nouveau coïncident ; quand, au contraire, l’objet cesse d’agir, il ne reste plus qu’une représentation et appétition de plaisir qui, par l’intensité, demeure au-dessous de notre attente ; le senti ne coïncide plus avec l’imaginé ni avec le désiré. […] La reconnaissance elle-même est une harmonie composée d’une note dominante, — l’image actuelle —, de notes complémentaires, mais faibles et ayant un timbre particulier, qui sont comme des échos, enfin de la pédale continue, qui forme la basse fondamentale. […] La vraie conscience primordiale et continue, c’est donc celle de l’appétit : vivre, c’est désirer, et désirer, c’est vivre ; l’effort est déjà chose dérivée, ainsi que la résistance, à plus forte raison la perception très complexe du mouvement dans l’espace. La vraie trame uniforme sur laquelle se dessinent toutes les broderies, c’est la conscience continue d’un bien-être attaché à l’être même, à l’action, au vouloir, et tendant à se maintenir au milieu de tous les obstacles.

39. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Difficulté des classifications en psychologie La nature des choses est d’ordinaire rebelle aux classifications ; rarement elle nous présente des différences tranchées, des limites fixes que l’esprit n’ait plus qu’à constater avec exactitude et à fixer pour lui-même par une nomenclature ; le plus souvent, l’esprit doit créer la classe avant de la nommer ; la nature lui présente des séries presque continues dans lesquelles il lui faut découper plus ou moins arbitrairement des divisions plus ou moins idéales. […] Mais, malgré tout, cet élément de la pensée est bien une parole ; s’il a perdu les caractères accessoires de la parole physique, il en a gardé tous les caractères intrinsèques ; c’est une parole affaiblie, purifiée de tout mélange, et incorporée à la pensée ; mieux vaut donc continuer à l’appeler une parole. […] Mais ces deux fonctions n’épuisent pas l’énergie de la faculté des images ; il faut lui reconnaître un autre rôle encore, inférieur peut-être à celui que lui attribue l’école anglaise, supérieur à coup sur à celui auquel elle était restreinte dans la psychologie classique : parallèlement à la série continue des idées se développe une série continue d’images d’une seule espèce et pures de tout mélange, la série des signes intérieurs ; étroitement liées aux idées qui les accompagnent, les images-signes sont pourtant distinctes et séparables de ces groupes hétérogènes qui sont l’idée même ou la partie empirique de l’idée ; le signe, même intérieur, ne peut donc être confondu avec l’idée. […] L’habitude totale se réalise par leur réalisation successive et continue ; cette réalisation a lieu suivant un ordre réglé tantôt par des suscitants extérieurs (comme dans la lecture), tantôt par la raison (comme dans la méditation), et elle ne cesse que lorsqu’elle est devenue, en présence de la parole extérieure d’autrui, qu’il faut écouter et comprendre, inutile ou même nuisible. La succession de faits homogènes que nous appelons la parole intérieure est donc une série continue d’habitudes positives réalisées, et la parole intérieure, dans son ensemble, est une habitude positive complexe, qui dès l’enfance a pris possession de la vie psychique, et qui, toujours entretenue et fortifiée par l’attention, a poussé en nous des racines si profondes que son incessante réalisation est devenue comme une nécessité de notre existence.

40. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

On y sent les inflexions de la voix suivre chaque mouvement de l’idée, en gardant une couleur sonore assez continue selon l’objet de cette idée. […] Il est à souhaiter que le vers garde en bien des cas une certaine unité continue dans sa durée car la période y trouvera une force unanime que ne peut lui donner le caprice. […] Mais en une phrase ainsi déchiquetée, il est difficile de faire sentir un rythme de quelque force et d’une allure continue. […] Il est certain, de plus, que toute vibration est un Rythme et qu’il n’y a point Harmonie sans vibration ; mais il en est de même de tout ce qui est couleur, chaleur, etc. ; je l’ai dit déjà, je ne prétends pas continuer les Éléates, cependant on peut faire abstraction d’un caractère lorsqu’il est commun à toutes choses. […] Moréas, — s’ingénièrent à renouveler encore l’alexandrin par ces détours de la phrase, et par des césures déplacées ; plusieurs continuèrent même un peu après.

41. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

continue, fais ton œuvre, paye-toi des muscles de cet homme, de sa fortune, de sa raison, de son sang, de son honneur, de son âme. […] L’abbé Prévost, à qui on a donné du génie à jour fixe, l’abbé Prévost, qui ne valait peut-être pas l’abbé Cottin, a continué d’être, dans son roman de Manon Lescaut, l’infatigable distillateur d’eau claire qu’il a été dans les cinquante volumes qui ont ruisselé de sa plume et inondé le xviiie  siècle ; et même la boue de Manon n’y a rien changé, et, c’est là le seul phénomène de ce livre, elle ne l’a teinté d’aucune couleur. […] Et dans la suite ces belles choses continuent. […] Un autre jour, quand il faut sortir de Saint-Lazare, Desgrieux, qui appelle rompre ses fers casser la tête d’un portier d’un coup de pistolet, trouve un supérieur d’une bénignité si charmante que ni dans le moment, ni plus tard dans le cours du roman, car Desgrieux continue de cultiver cet aimable supérieur, il ne lui parle de cette bagatelle d’une cervelle de portier brûlée sous ses yeux !

42. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Les formations secondaires présentent une chaîne moins continue ; cependant, ainsi que l’a remarqué Brown, les nombreuses espèces qui les caractérisent n’ont jamais apparu ou disparu simultanément dans chaque formation successive. […] De même encore, un groupe ne reparaît plus, lorsqu’il a une fois disparu ; c’est-à-dire que son existence, tant qu’elle se perpétue, est rigoureusement continue. […] Car, si toutes les espèces d’un même groupe descendent d’une seule et même espèce antérieure, il est évident qu’aussi longtemps que des espèces appartenant à ce groupe apparaissent dans la longue série des âges, aussi longtemps quelques-uns de ses représentants ont dû continuer d’exister, afin de pouvoir donner naissance soit à des formes nouvelles et modifiées, soit aux formes anciennes perpétuées sans modifications. C’est ainsi, par exemple, qu’il doit avoir constamment existé pendant une suite continue de générations des espèces du genre Lingule depuis les couches Siluriennes les plus anciennes jusqu’à nos jours142. […] Ce procédé de diffusion est probablement plus lent pour les habitants terrestres de continents distincts, que pour les faunes qui vivent dans des mers ouvertes et continues.

/ 2293