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98. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

L’explication biologique de Darwin et de Spencer, en faisant appel à l’idée d’espèce ou de vie spécifique, et même à l’idée de vie individuelle, considère des résultats généraux et des faits ultérieurs. […] Toutefois, c’est toujours un résultat que l’on considère, et on présuppose toujours des facteurs donnés. […] Léon Dumont l’a soutenu ; Wundt lui-même, dans son échelle des intensités de plaisir comparées aux intensités d’excitation, a trop exclusivement considéré la quantité du stimulant et de la réaction nerveuse qu’il provoque. […] Darwin n’a pas assez considéré les nécessités intérieures, soit physiologiques, soit psychologiques, qui agissent avant toute sélection et rendent la sélection même possible. […] Comme Darwin, dont il voulait cependant perfectionner la doctrine, il a considéré surtout l’entretien et le développement des organes, non leur exercice et le développement de leurs fonctions.

99. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Laissons ces derniers qui forment un groupe naturel et considérons ce que nous avons appris sur l’art du seul lyrique que nous avons été amené à connaître. […] Ils sont, comme nous venons de le voir, d’esthétique fort diverse ; cependant on les considère comme appartenant ensemble au groupe des artistes réalistes, bien que plusieurs d’entre eux se distinguent davantage par la manière dont ils ont altéré ce qu’ils ont su que par leur exactitude à le reproduire. […] Nous avons vu que de leur perpétuelle interférence, il résultait qu’ils étaient forcément perçus, connus, distingués par leur sujet, qu’ainsi Heine était amené à les analyser, à ne plus les éprouver sincèrement, à les considérer avec ironie, à s’étudier cruellement lui-même. […] D’après les théories récentes, celle-ci est considérée comme l’absorption, l’élaboration et la répercussion de la sensation transformée. […] Mais on ne saurait considérer ces œuvres poétiques comme célèbres, ni même comme connues du public.

100. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Considère-t-on la mémoire ? […] Considère-t-on la perception pure ? […] Aussi ne faut-il pas s’étonner si les mêmes penseurs qui considèrent tout mouvement particulier comme relatif traitent de la totalité des mouvements comme d’un absolu. […] Considère-t-on alors ce système nerveux ? […] Mais le tort de Zénon, dans tolite son argumentation, est justement de laisser de côté la durée vraie pour n’en considérer que la trace objective dans l’espace.

101. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Dans ce livre et dans celui de l’Institution des Évêques que M. de La Mennais composa de concert avec son frère, on verrait l’épiscopat aussi considéré et invoqué que plus tard il fut rabaissé et rudoyé par le défenseur de l’omnipotence romaine. […] Si l’on relit ses mélanges extraits du Conservateur et du Mémorial catholique, ses beaux pamphlets, de la Religion considérée dans ses rapports avec l’Ordre politique et civil (1826), des Progrès de la Révolution(1829), ses deux Lettres à l’Archevêque de Paris (mars et avril 1829), on l’y voit ne jamais séparer dans son anathème les doctrines libérales ou démocratiques d’avec les doctrines hérétiques et impies, subordonner le prince au Pape, l’épiscopat à Rome, soutenir en tout et partout l’intervention et la prédominance légitime du pur catholicisme. […] J’ouvre les Mélanges de 1825 : « On ne lit plus,… on n’en a plus le temps… Cette accélération de mouvement qui ne permet de rien enchaîner, de rien méditer, suffirait seule pour affaiblir et, à la longue, pour détruire entièrement la raison humaine. » Et en tête du livre de la Religion considérée dans ses rapports, etc. (1826) : « On ne lit plus aujourd’hui les longs ouvrages ; ils fatiguent, ils ennuient ; l’esprit humain est las de lui-même, et le loisir manque aussi… Dans le mouvement rapide qui emporte le monde, on n’écoute qu’en marchant… » On peut observer en règle générale que, de même que les livres de M. de La Mennais commencent tous par une parole empressée sur la vitesse des choses et la hâte qu’il faut y mettre, ils finissent tous également par une espèce de prophétie absolue. […] Immuablement fixées par le Très-Haut, ses destinées s’accompliront malgré les hommes, malgré les haines, les fureurs, les persécutions, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; » — ou bien quand il écrivait, en 1826, à la fin de la Religion considérée, etc. : « S’il est dans les desseins de Dieu que ce monde renaisse, alors voici ce qui arrivera. […] Si je voulais donner à un jeune homme de vingt ans, enthousiaste, enorgueilli de doctrines absolues, la plus haute leçon de philosophie pratique (soit philosophie chrétienne, soit philosophie humaine), je le lui ferais lire, et aussitôt le volume achevé, je lui mettrais entre les mains le livre de la Religion considérée dans ses Rapports, etc., par le même auteur.

102. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Considérez les chefs de l’opinion publique, les promoteurs de la philosophie nouvelle : à divers degrés, ils sont tous versés dans les sciences physiques et naturelles. […] Une mite serait grotesque, si elle se considérait comme le centre des choses, et il ne faut pas « qu’un insecte presque infiniment petit montre un orgueil presque infiniment grand335 ». […] Il n’est pas seul sur la tige : au-dessous de lui, autour de lui, presque à son niveau, sont d’autres bourgeons nés de la même sève ; qu’il n’oublie jamais, s’il veut comprendre son être, de considérer, en même temps que lui-même, les autres vivants ses voisins, échelonnés jusqu’à lui et issus du même tronc. […] Considérons les débuts de la vie, l’animal au plus bas degré de l’échelle, l’homme à l’instant qui suit sa naissance. […] Considérer tour à tour chaque province distincte de l’action humaine, décomposer les notions capitales sous lesquelles nous la concevons, celles de religion, de société et de gouvernement, celles d’utilité, de richesse et d’échange, celles de justice, de droit et de devoir ; remonter jusqu’aux faits palpables, aux expériences premières, aux événements simples dans lesquels les éléments de la notion sont inclus ; en retirer ces précieux filons sans omission ni mélange ; recomposer avec eux la notion, fixer son sens, déterminer sa valeur ; remplacer l’idée vague et vulgaire de laquelle on est parti par la définition précise et scientifique à laquelle on aboutit et le métal impur qu’on a reçu par le métal affiné qu’on obtient : voilà la méthode générale que les philosophes enseignent alors sous le nom d’analyse et qui résume tout le progrès du siècle  Jusqu’ici et non plus loin ils ont raison : la vérité, toute vérité est dans les choses observables et c’est de là uniquement qu’on peut la tirer ; il n’y a pas d’autre voie qui conduise aux découvertes. — Sans doute l’opération n’est fructueuse que si la gangue est abondante et si l’on possède les procédés d’extraction ; pour avoir une notion juste de l’État, de la religion, du droit, de la richesse, il faut être au préalable historien, jurisconsulte, économiste, avoir recueilli des myriades de faits et posséder, outre une vaste érudition, une finesse très exercée et toute spéciale.

103. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Patriote breton à l’origine et Américain de la vieille Angleterre, il avait commencé par ne point aimer la France et par la considérer comme une ennemie, autant qu’il pouvait considérer comme telle une nation composée d’hommes ses semblables. […] Mais considérez combien nombreuse est la portion de l’humanité qui se compose d’hommes et de femmes faibles et ignorants, et d’une jeunesse inexpérimentée et inconsidérée des deux sexes, ayant besoin des motifs de religion pour les détourner du vice, les encourager à la vertu, et les y retenir dans la pratique, jusqu’à ce qu’elle leur devienne habituelle, ce qui est le grand point pour la garantir. […] Laissant aller sa pensée sur les espérances et les craintes, sur les perspectives de chance diverse, de bonheur ou de malheur, qui animent ou tempèrent les joies de la famille, il disait encore, en citant le mot d’un poète religieux (le docteur Watts) : Celui qui élève une nombreuse famille, tant qu’il est là vivant à la considérer, s’offre, il est vrai, comme un point de mire plus large au chagrin ; mais il a aussi plus d’étendue pour le plaisir. […] Il considérait la mort comme une seconde naissance : « Cette vie est plutôt un état d’embryon, une préparation à la vie.

104. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il s’agit cette fois de savoir définitivement si la France de 1898 se considère, toujours comme la fille aînée de l’Église, ou au contraire si elle se suffit à elle-même pour se créer sa foi et son idéal ; il s’agit de savoir si le vote qui prosterne aux pieds du Saint-Père la France repentante et gémissante de ses péchés, doit faire plus longtemps obstacle à l’effort spontané des meilleurs vers l’indépendance et la conscience. […] Il y a donc trois choses dans cette première formule : 1° une humiliation devant Dieu considéré comme le juste auteur des vengeances provoquées par l’oubli du culte qu’il exige ; 2°la demande de libération du Saint-Siège ; 3° la demande de bonheur pour la France par son retour à la loi médiévale. […] S’il ne fallait considérer que l’honneur et la vitalité de la race, je ne pourrais le croire. […] Dans cette alliance de deux termes que nous semblons considérer comme égaux, ce que nous voulons c’est le triomphe de l’Église sur la France. […] Quels yeux et quels cœurs britanniques pourraient considérer sans un sentiment de légitime orgueil et d’espoir insondable cette nécropole des génies de sa race ?

105. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

C’est donc sur les facteurs primitifs que doit se porter le principal effort de la méthode. — De là une nouvelle façon de considérer les grandeurs, et notamment les grandeurs géométriques. […] À présent, parmi les sciences expérimentales, considérons celles qui sont fort avancées, la mécanique appliquée, l’astronomie mathématique, l’optique, l’acoustique, dans lesquelles on s’est procuré et on a emboîté beaucoup de ces boîtes. […] Selon que l’on considère telle ou telle branche, on trouve que l’opération, partout semblable, a été poussée plus ou moins loin ; la science expérimentale tout entière ressemble ainsi à une cathédrale commencée à la fois sur plusieurs points. […] Cette différence de situation n’introduit dans le groupe aucune condition influente, et, par conséquent, peut être considérée comme nulle. […] Voilà l’axiome de causalité ; considéré par rapport à l’axiome de raison explicative, il n’en est qu’une suite et une application.

106. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Barrès se montre si indifférent, M. de Bouhélier les considère comme des missions divines et héroïques. […] Les hommes s’habituèrent à considérer la terre comme un gouffre infernal, comme une affreuse contrée d’horreur et de malédiction. […] Il faut considérer les choses comme de saintes et ardentes hosties. […] Il faudrait considérer surtout M.  […] Zola considère le roman comme un chapitre d’histoire naturelle.

107. (1890) L’avenir de la science « XI »

Les considérer seulement comme un moyen de culture intellectuelle et d’éducation, c’est, à mon sens, leur enlever leur dignité véritable. Se borner à considérer leur influence sur la production littéraire contemporaine, c’est se placer à un point de vue plus étroit encore. […] Le secret des mécanismes grammaticaux, des étymologies, et par conséquent de l’orthographe, étant tout entier dans le dialecte ancien, la raison logique des règles de la grammaire est insaissable pour ceux qui considèrent ces règles isolément et indépendamment de leur origine.

108. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

En un mot, nous considérons la matière avant la dissociation que l’idéalisme et le réalisme ont opérée entre son existence et son apparence. […] Que l’on considère, en effet, la pensée comme une simple fonction du cerveau et l’état de conscience comme un épiphénomène de l’état cérébral, ou que l’on tienne les états de la pensée et les états du cerveau pour deux traductions, en deux langues différentes, d’un même original, dans un cas comme dans l’autre on pose en principe que, si nous pouvions pénétrer à l’intérieur d’un cerveau qui travaille et assister au chassé-croisé des atomes dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la clef de la psychophysiologie, nous saurions tout le détail de ce qui se passe dans la conscience correspondante. […] Cette thèse, comme d’ailleurs celle qui consiste à nier la localisation des souvenirs de mots et à expliquer les aphasies tout autrement que par cette localisation, fut considérée comme paradoxale lors de la première publication de cet ouvrage (1896).

109. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

Chacun l’a considérée comme un théorème établi. […] Mill s’arrête là ; mais certainement, en menant son idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer le monde comme un simple monceau de faits. […] On peut considérer son image ou sa définition. […] J’ai l’air de considérer vingt cas différents, et dans le fonds, je n’en considère qu’un seul ; j’ai l’air de procéder par addition, et en somme je n’opère que par soustraction. […] Tous deux s’équivalent ; ils sont une seule chose considérée sous deux aspects.

110. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

Chacun l’a considérée comme un théorème établi. […] Nous considérons la substance, la force et tous les êtres métaphysiques des modernes comme un reste des entités scolastiques. […] On peut considérer son image ou sa définition. […] J’ai l’air de considérer vingt cas différents, et dans le fond je n’en considère qu’un seul ; j’ai l’air de procéder par addition, et en somme je n’opère que par soustraction. […] Tous deux s’équivalent ; ils sont une seule chose considérée sous deux aspects.

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